Les États-Unis ne croient plus à la mondialisation et leur économie se porte bien malgré tout
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Les États-Unis ne croient plus à la mondialisation et leur économie se porte bien malgré tout

Les États-Unis ne croient plus à la mondialisation et leur économie se porte bien malgré tout

Après des décennies de relations commerciales internationales fortes, notamment avec la Chine, l’ouverture du marché américain a diminué. Cela aurait dû s’accompagner d’un ralentissement de son économie, mais au contraire, son marché intérieur a stimulé la croissance aux États-Unis.


Au début des années 2000, l’historien britannique Niall Ferguson célébrait l’émergence de la « China America », une nouvelle entité économique cohérente issue de la relation économique symbiotique entre les États-Unis et la Chine. Chaque partie profite de cette fusion caractérisée par une profonde interdépendance économique : la Chine exporte des produits manufacturés à bas prix vers les États-Unis, tandis que les États-Unis importent ces produits et financent leur consommation intérieure et leurs dépenses publiques en empruntant à l’étranger – et notamment en Chine.

Cette relation est peut-être la meilleure illustration d’une des leçons de la théorie classique du commerce international. Le commerce extérieur est bénéfique à la croissance en permettant aux acteurs économiques de bénéficier des avantages comparatifs de toutes les régions du monde. Dans le contexte sino-américain, Pékin profite en effet de son avantage en matière de main d’œuvre bon marché et de coûts de production compétitifs pour devenir « l’usine du monde », exportant à grande échelle des produits manufacturés, notamment vers les États-Unis. Uni.

La Chine-Amérique, une relation qui s’est désintégrée

La relation symbiotique entre les États-Unis et la Chine a néanmoins mis en évidence les limites et les risques d’une profonde interdépendance et les risques de fragmentation de l’économie internationale. Hier, mondialisation rimait avec interdépendance et intégration des marchés, alors qu’aujourd’hui, la logique qui prévaut est celle de l’autonomie et de la souveraineté. À cet égard, la dépendance des États-Unis à l’égard des importations chinoises et la dépendance de la Chine à l’égard du marché américain ont alimenté les tensions économiques et géopolitiques actuelles.

La Chine-Amérique n’est donc plus. Elle a été remplacée par une nouvelle forme de rivalité institutionnalisée tant à Pékin qu’à Washington. Par ailleurs, en l’espace d’une décennie, le taux d’ouverture de l’économie américaine, qui mesure la part du commerce international (exportations et importations) par rapport au PIB, a chuté de six points de pourcentage.

On aurait alors pu s’attendre à ce que cette baisse du taux d’ouverture de l’économie américaine s’accompagne d’un ralentissement économique, conformément aux attentes de la théorie classique du commerce international. Le fait est que non seulement l’économie américaine n’a pas connu de ralentissement, mais qu’elle s’en est également bien mieux portée, notamment, que l’économie européenne. Le paradoxe est complet compte tenu de la forte dépendance de l’économie américaine hier vis-à-vis du reste du monde et de la Chine.

Moins de commerce extérieur et bonne croissance : un paradoxe ?

Mais ce paradoxe n’est en réalité qu’apparent. Il convient d’abord de noter que la vigueur de la consommation interne aux États-Unis a joué un rôle considérable dans la croissance américaine sur la période dans un contexte de taux d’intérêt accommodants et de taux d’épargne très faible (sauf pendant la période pandémique). Le taux d’épargne américain se situe sous la barre des 5 %, soit trois fois inférieur à la moyenne européenne. De même, la résilience de la croissance américaine s’explique en partie par le fait que les dépenses des ménages sont restées importantes depuis plus d’une décennie.

La politique budgétaire expansionniste américaine, marquée notamment par le désormais célèbre Loi sur la réduction de l’inflation (IRA) et les plans d’investissement dans les infrastructures et les semi-conducteurs, ont également contribué à stimuler la croissance économique. L’IRA prévoit des investissements publics massifs s’élevant à 891 milliards de dollars, dont 783 milliards de dollars pour l’énergie et le changement climatique.

LE Loi sur les CHIPS (Créer des incitations utiles pour produire des semi-conducteurs et de la science), loi fédérale américaine de 2022, vise à renforcer la position des États-Unis dans la recherche, le développement et la fabrication de semi-conducteurs. Il prévoit notamment un nouveau financement de 280 milliards de dollars pour soutenir la recherche et la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis, dont 52,7 milliards de dollars sont spécifiquement alloués à leur fabrication.

Il ne s’agit pas seulement de soutenir l’économie américaine à court terme, mais aussi de l’accompagner dans sa transformation structurelle et sa réduction de sa dépendance vis-à-vis du reste du monde. À cela s’ajoute le fait qu’en juin 2023 les entreprises pourront compter sur une électricité deux fois moins chère qu’en Allemagne – permettant ainsi à l’économie américaine de rivaliser avec l’industrie allemande pour le titre de puissance manufacturière.

La mondialisation n’est peut-être plus intéressante pour les États-Unis

En outre, la réduction du taux d’ouverture s’est accompagnée d’une diversification du commerce américain, le Mexique étant devenu le principal partenaire commercial et le Vietnam ayant connu la plus forte augmentation de sa part de marché aux États-Unis. Unis, au détriment de la Chine et de l’Allemagne. Ce mouvement est également le résultat de tentatives d’entreprises de contourner les sanctions américaines visant la Chine et, dans le cas du Mexique, de se rapprocher du marché américain. Mais il témoigne de manière plus profonde d’une carte du commerce international américain dont les frontières ont profondément évolué.

Nous assistons donc à une transformation structurelle de l’économie américaine. Ce changement très important permet au gouvernement, qu’il soit républicain ou démocrate, de redéfinir le discours du pays sur lui-même – et a ainsi permis une transformation politique structurelle.

En effet, depuis 2006 et les deux dernières années du mandat de George W. Bush, la politique étrangère américaine semble partager un fil conducteur : ce qui est bon pour le reste du monde ne l’est plus nécessairement pour l’Amérique. Le pays a récolté tous les dividendes qu’il pouvait de la mondialisation qu’il a contribué à construire depuis 1945. La mondialisation est désormais devenue un jeu à somme nulle dans lequel ce que les États-Unis gagnent, le reste du monde le perd. et vice versa – ce qui rend tout compromis difficile. Aussi différents que soient George W. Bush, Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden, tous ont exprimé le même scepticisme à l’égard d’une mondialisation qui ne sert plus les intérêts américains.

Si le déclin du commerce international américain s’était accompagné d’un ralentissement économique, une telle vision du monde aurait eu du mal à s’imposer à Washington. Au lieu de cela, Joe Biden a su synthétiser ce consensus en proposant une politique étrangère au service des classes moyennes que l’on tente d’immuniser contre les turbulences de la mondialisation et donc de la concurrence étrangère. Quelle que soit l’issue du vote du 5 novembre, il y a fort à parier que cette synthèse, fruit d’une transformation économique et politique structurelle, sera durable.

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