Les équipementiers automobiles français face à une hémorragie sociale imparable
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Les équipementiers automobiles français face à une hémorragie sociale imparable

Les équipementiers automobiles français face à une hémorragie sociale imparable

Les déboires du fabricant de pneumatiques ne sont qu’un exemple d’un problème plus vaste qui touche tous les équipementiers automobiles. Sonnée depuis plusieurs mois par leurs dirigeants, l’alerte résonne aujourd’hui au rythme des annonces de restructurations, de transferts et de fermetures d’usines, qui se multiplient en France et en Europe. Ils font craindre un bain de sang social.

Le secteur amont est « à la croisée des chemins », assure la Clepa. L’organisation européenne qui regroupe les acteurs du secteur prévient : « Sur les seuls six premiers mois de 2024, la suppression de 32 000 emplois a été annoncée (en Europe), ce qui dépasse la pire période de la pandémie, où 29 000 suppressions d’emplois avaient été annoncées. au cours du second semestre 2020. » Au total, 86.000 emplois ont été supprimés depuis 2020 dans le secteur, calcule le même syndicat.

57 000 emplois chez les sous-traitants, soit deux fois moins qu’en 2007

La situation n’est pas meilleure en France. Une note récente de la Direction générale des entreprises (DGE) montre que le nombre d’entreprises du secteur automobile a diminué de 7% entre 2009 et 2020. En 2024, les quelque 4 000 entreprises industrielles du secteur emploieront 57 000 personnes, soit 57 000 personnes. . moitié moins qu’en 2007.

« L’affaiblissement est évident » regrette Jean-Louis Pech, le dirigeant du Fiev, le syndicat professionnel des équipementiers automobiles en France. Il craint un nouvel effondrement de la population active, jugeant qu’un emploi sur deux est menacé. « Les volumes ne sont pas au rendez-vous, notamment pour les véhicules électriques. Et quand les volumes ne sont pas au rendez-vous, vous n’absorbez pas vos frais fixes »déplore-t-il, évoquant les équipementiers aux marges « structurellement faibles » par rapport à leurs clients, les constructeurs.

« L’affaiblissement est net »

Jean-Louis Pech, président de la Fiev

« De nombreux sites ont des problèmes de charge. Il ne s’agit pas de dire que le secteur est en difficulté en France, il risque surtout de disparaître. alerte Denis Bréant, responsable de l’automobile à la métallurgie CGT. Ce syndicaliste a de quoi s’inquiéter. Son entreprise, Valeo, multinationale spécialisée dans les produits technologiques comme les moteurs, les radars et les phares, traverse une période mouvementée. Les usines de L’Isle-d’Abeau (Isère), Mondeville (Calvados) et La Suze-sur-Sarthe (Sarthe) ainsi que le centre de recherche et développement de La Verrière (Yvelines) vont être vendus. Inquiets, les syndicats craignent de nouvelles mauvaises nouvelles.

Les difficultés augmentent également chez les grands acteurs comme Bosch ou Forvia, mais elles ne se limitent pas aux acteurs réalisant plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les petites structures subissent de plein fouet la transition électrique, couplée à la stagnation du marché automobile. La fermeture très médiatisée de MA France en début d’année, lâchée par Stellantis, en est la parfaite illustration.

Les exemples se sont multipliés ces dernières semaines : un plan de sauvegarde de l’emploi chez Dumarey Powerglide, les forges Walor et la fonderie Bretagne en recherche de repreneur, la liquidation judiciaire des Impériales Wheels, Logiplast-TeamTex et Amis, les difficultés de GMD, les emplois menacés chez Inteva. ou Autoliv… « Nous rencontrons également des difficultés chez Dumarey Powerglide Bouthéon, Sanden et MMT-Bordeaux », énumère encore Anne-Claude Vitali, la secrétaire nationale de la métallurgie CFDT en charge de l’automobile. « Le niveau d’inquiétude est assez élevé, le secteur s’effondre. En septembre, nous avions recensé près de 7 000 emplois menacés depuis le début de l’année. Depuis, les mauvaises nouvelles se sont multipliées. relate Karim Nedjar, secrétaire national de la métallurgie CFDT.

Licenciements d’intérimaires, recours au chômage partiel

Pour réduire leurs coûts, les équipementiers se débarrassent de leur personnel intérimaire et optent pour le chômage partiel. C’est le cas chez Flex-N-Gate, à Audincourt (Doubs), qui fabrique des pièces en plastique pour pare-chocs et couvercles de coffre. « On a des mois avec 2 à 4 jours d’activité partielle… c’est complexe », explique Valérie Bouchet, déléguée syndicale centrale CFDT, qui évoque des démissions et des départs à la retraite non remplacés dans un contexte économique morose. « Nous avons encore la chance d’avoir encore quelques mois de fonctionnement en APLD. » Toutefois, le dispositif d’activité partielle de longue durée arrive au bout de son cours. « Nous sommes confrontés à un retour au chômage partiel de droit commun qui s’applique à une baisse temporaire d’activité, alors que le problème du secteur est structurel », note Karim Nedjar. « L’amortisseur social mis en place par les gouvernements pour ces entreprises n’est quasiment plus là. Aujourd’hui, nous travaillons sans filet. acquiesce Frédéric Vion, délégué national à l’industrie de la CFE-CGC.

Pour certains constructeurs, la baisse des revenus est telle que des mesures encore plus radicales sont nécessaires. « À partir du mois d’avril, nous avons constaté une baisse brutale de 25 à 30 % des commandes, partout dans le monde : en Europe, au Mexique et en Chine », raconte L’Usine Nouvelle François Loubeyre. Il est directeur général de Cotinet, spécialiste des composants métalliques pour amortisseurs. Avec deux usines, l’une en France et l’autre en Pologne, elle exporte dans le monde entier. Face à un turnover en chute libre, il n’a eu d’autre choix que de renoncer au recours à l’intérim. Il y en avait entre 25 et 30 en France, une dizaine en Pologne. Pire : « Nous allons devoir licencier 6 ou 7 personnes en France » explique le dirigeant, contraint comme tout le monde d’adapter au mieux sa cadence de production au faible dynamisme du marché.

Le déficit de compétitivité français (et européen) peut-il être comblé ?

Le défi n’est pas nouveau, mais il est exacerbé en période de transition technologique : comment produire des voitures à la fois fiables et abordables pour les citoyens ? L’équation est complexe, voire insoluble pour certains sous-traitants automobiles sous la pression de leurs clients constructeurs. Ces derniers visent la parité des coûts de production entre véhicules thermiques et électriques. Une de leurs solutions : s’approvisionner en pièces et composants les moins chers possibles. Pour ce faire, se tourner vers les pays occidentaux n’est pas leur premier choix. Ce n’est pas nouveau : depuis la première moitié de la décennie 2010, « une grande partie des sous-traitants ont été délocalisés à l’étranger tandis que d’autres se sont diversifiés vers des activités plus rémunératrices dans l’automobile ou dans d’autres secteurs », explique la DGE dans une note publiée le 14 octobre.

« Au global, le déclin qu’a connu le site français au cours des 20 dernières années a fait entrer les sites et territoires dans des cercles vicieux où les baisses de volumes et de performances s’auto-entretiennent », explique un rapport de la Fondation pour la nature et la culture. ‘man, publié en mai 2024. Ce constat reste d’actualité pour de nombreuses entreprises industrielles, contraintes d’adapter sans cesse leur empreinte industrielle et leur masse salariale pour rester dans le panel de plus en plus compétitif des équipementiers automobiles. Mais une nouvelle tendance, plus inquiétante, se dessine désormais pour tous les sous-traitants européens : approvisionner leurs clients non plus uniquement dans les pays les plus abordables d’Europe, mais directement en Asie. Stellantis et Renault se tournent davantage vers la Chine, moteur de l’industrie mondiale, pour s’approvisionner en divers composants.

Il faut dire que le coût de production reste relativement faible en République populaire, comme l’explique le directeur général de Michelin dans un entretien à l’AFP mardi 5 novembre : « Si je compare nos coûts de production, seulement nos coûts (…), en 2019, sur une base de 100 de nos coûts de production en Asie, nous étions autour de 130 : 30 % plus chers en Europe et 35 % plus chers aux États-Unis. Amériques. Aujourd’hui, nos coûts de production sont restés à 100 en 2024 en Asie. Il y en a désormais exactement 195 en Europe. Nous sommes désormais presque deux fois plus chers en Europe qu’en Asie et nous sommes désormais à égalité avec les Amériques. ». Il n’est pas le seul à faire ce constat. Mi-octobre, en plein Mondial de l’Automobile de Paris, le directeur général de Valeo, Christophe Périllat, avait plaidé pour l’instauration d’une obligation de contenu local par voiture pour préserver la compétitivité des sous-traitants européens face à la concurrence chinoise. , portant à 25 % la différence entre le coût de production de ses usines françaises et chinoises.

Avec Jonathan Grelier.

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