« Apprends-moi les divisions, pas l’éjaculation. » Le slogan, flanqué du visage d’une petite fille, annonce la couleur de la campagne SOS Education. Le collectif, qui entend lutter pour « obtenir une amélioration du système éducatif français », s’est longtemps opposé à l’éducation sexuelle, en pleine refonte depuis l’arrivée de Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation nationale.
Et l’association a trouvé un visage très médiatique : la psychologue Marie-Estelle Dupont. Mercredi, interrogée sur l’éducation sexuelle à l’école, elle a notamment dénoncé « les taxes qui financent les campagnes de Santé publique France où l’on explique aux enfants de 11 ans comment faire l’anilingus ».
FAUX
La psychologue fait ici référence à un extrait d’une page du site onSEXprime, effectivement géré par Santé publique France. Ce site est dédié à l’éducation sexuelle des adolescents, et s’adresse aux 10-19 ans. En bas de la page en question, intitulée « Pratiques sexuelles, positions : comment on fait », un petit onglet déroulant est consacré au « sexe oral ». On peut y lire la phrase suivante :
» Le rimming consiste à embrasser ou à lécher l’anus de votre partenaire avec votre langue ou vos lèvres. »
Après cette définition succincte, le texte indique comment se protéger avec un préservatif lors du rimming. Si Marie-Estelle Dupont dit vrai en soulignant la présence de cette définition sur un site « payé par nos impôts », et que les jeunes de 11 ans font partie de la cible, il semble important de préciser plusieurs éléments. Tout d’abord, rien de plus précis sur la pratique du rimming n’accompagne cette définition, ni texte ni image.
Par ailleurs, ce site est destiné aux adolescents qui peuvent le parcourir librement en fonction des questions qu’ils se posent. La sexualité n’est qu’un volet parmi d’autres consacrés aux changements corporels, aux relations (amis, famille, etc.), aux normes ou encore au genre. De nombreuses pages consistent à définir des termes que l’internaute a pu rencontrer ailleurs, et une équipe de psychologues spécialisés dans les adolescents est joignable par chat pour ceux qui souhaiteraient approfondir leurs questions.
La fausse « banalisation » des actes sexuels
La variété et l’étendue des fiches trouvées sur ce site n’ont rien à voir avec les sujets abordés lors des séances d’éducation sexuelle à l’école. Il est donc faux de dire, à partir de cet extrait, que l’on apprend aux enfants à pratiquer le rimming à l’école. Lors du même sujet sur CNews, Marie-Estelle Dupont affirme également que ces cours « banalisent les actes sexuels » et qu’on enseigne aux enfants que les caresses sont « agréables », ce qui les empêcherait de dénoncer les actes d’inceste. .
Une affirmation tout à fait contraire à la liberté d’expression sur l’inceste, qui révèle justement comment l’impossibilité de trouver des ressources participe à la mécanique du silence, mais aussi du mensonge. En effet, si l’on s’appuie toujours sur le site onSEXplique, la notion de consentement est systématiquement rappelée lors des questions sur des thématiques sexuelles. En haut de la page « Pratiques sexuelles, positions : comment on fait », bien avant la définition du rimming, ces mots reviennent à plusieurs reprises.
« Il n’y a pas de modèle pour une relation sexuelle, pas d’étapes à franchir absolument », indique l’introduction. « Il n’y a pas de position obligatoire lors des rapports sexuels. Tu ne fais que ce que tu veux», répète-t-on alors. « Le plus important, c’est votre consentement : vous ne faites que ce que vous avez vraiment envie de faire », rappelle-t-on encore après un paragraphe qui remet en question « le droit d’avoir des relations sexuelles ensemble ».
Qui est Marie-Estelle Dupont ?
Pour mieux comprendre cette sortie, il faut rapidement se pencher sur la personnalité de Marie-Estelle Dupont. Intervenante très régulière sur CNews, elle trouve également sa place dans les Journal du dimanche depuis qu’elle a été reprise par Vincent Bolloré, Valeurs actuellesles médias complotistes France-Soir ou même les médias d’extrême droite Boulevard Voltaire, comme le rappelle Arrêt sur Images. Ses interventions suivent une ligne politique très claire, très à droite et très réactionnaire.
Toujours dans le sujet débattu sur le plateau de Pascal Praud mercredi, le psychologue fait ainsi un parallèle entre « l’idéologie islamiste à l’école » et les « associations transactivistes » qui interviendraient à l’école. Or, lorsque ces cours d’éducation sexuelle sont dispensés, ils le sont par des enseignants dans « 70 à 90 % des cas à l’école primaire », ou par des infirmières scolaires ou du Planning familial, comme le rappelle JDD avant son changement de propriétaire.
