Les enfants apprennent (beaucoup) plus vite que les adultes, voici pourquoi – Édition du soir Ouest-France
Les enfants ont de meilleures capacités d’apprentissage que les adultes, et les neuroscientifiques pensent savoir pourquoi. Mais les adultes ne doivent pas désespérer : eux aussi sont capables d’apprendre vite et bien, dans certains contextes.
Les enfants nous impressionnent parfois par leurs capacités d’apprentissage éblouissantes. Non seulement ils apprennent rapidement, mais ils retiennent les informations à un rythme plus élevé ! De quoi rendre jaloux certains adultes. Des neuroscientifiques de l’Université de Ratisbonne, en Allemagne, et de l’Université Brown, aux États-Unis, pensent pouvoir le prouver et l’expliquer. Ces capacités dépendraient en effet de la forte augmentation d’une substance chimique présente dans le cerveau, connue pour son importance dans le processus d’apprentissage : le GABA, l’acide gamma-aminobutyrique, expliquent les chercheurs dans une étude publiée dans la revue scientifique. Biologie actuelle, le 5 décembre 2022.
Lire aussi : En vacances, les enfants oublient-ils vraiment tout ce qu’ils ont appris à l’école ?
Un produit chimique clé
Les neuroscientifiques ont mesuré les concentrations de GABA dans le cortex visuel d’enfants et d’adultes au cours de plusieurs activités d’apprentissage visuel successives, ainsi qu’avant et après celles-ci. Chez l’adulte, c’est simple, les taux de GABA restent constants. Chez les enfants, « une augmentation rapide » a été observée, explique l’auteur principal de l’étude, Takeo Watanabe, professeur de sciences cognitives et de linguistique à l’Université Brown, dans un communiqué.
Un haut niveau qui se maintient également après l’apprentissage ! Et cela aussi est important car le GABA joue un rôle important dans la consolidation des informations au cours du processus. « période de refroidissement », soit juste après une séance d’apprentissage, détaille le média spécialisé Alerte scientifique.
La substance stabilise le réseau afin que les informations acquises soient correctement assimilées et ne soient pas détruites par de nouveaux éléments. « Les séances d’apprentissage consécutives semblent augmenter la concentration de GABA chez les enfants, permettant ainsi à l’apprentissage qui vient de se produire de se stabiliser rapidement », a déclaré le co-auteur de l’étude Sebastian Frank, qui travaille à l’Université de Ratisbonne, en Allemagne.
Lire aussi : Trop aider votre enfant à faire ses devoirs ne l’aidera pas à réussir à l’école, voici pourquoi
Les enfants peuvent apprendre plus en moins de temps
Concrètement, les enfants ont pu réapprendre en 10 minutes, sans que ce qu’ils avaient appris auparavant soit remis en cause. Alors que les adultes avaient besoin d’une heure pour « stabiliser » les informations apprises ! S’ils ne respectaient pas ce temps de « refroidissement », ils pourraient dire adieu à leurs efforts.
« Cette stabilisation rapide de l’apprentissage chez les enfants leur permet d’enregistrer plus d’éléments dans un laps de temps donné et rend l’apprentissage plus efficace chez les enfants que chez les adultes. » souligne Sebastian Frank. Son collègue Takeo Watanabe ajoute : « C’est une découverte révélatrice et surprenante aussi. Jusqu’à présent, il n’existait aucune preuve neuroscientifique claire expliquant pourquoi les enfants apprennent plus efficacement que les adultes. »
Cette expérience se limitait à tester l’apprentissage visuel. Mais cela pourrait être généralisé à d’autres types d’assimilation d’informations, selon les chercheurs. Et les découvertes des scientifiques pourraient être utilisées pour améliorer les capacités des adultes. « Par exemple, une nouvelle technologie ou thérapie pourrait être développée pour augmenter la quantité de GABA dans le cerveau des adultes, suggère Takeo Watanabe. Il s’agit d’une application possible. »
Lire aussi : ENTRETIEN. De la maternelle à 3 ans : « Il faut apprendre à sécuriser l’enfant », explique Boris Cyrulnik
Les adultes développent de meilleures stratégies d’apprentissage
La psychologie cognitive – qui vise à comprendre l’acquisition, l’organisation et l’utilisation de nos connaissances – nuance ce processus purement chimique. « En psychologie cognitive, nous considérons que l’apprentissage est lié à notre capacité à nous adapter à notre environnement, explique André Tricot, professeur de psychologie cognitive à l’université Paul-Valéry Montpellier 3. Puisque les enfants naissent avec beaucoup de connaissances à développer, comme parler, marcher… Apprendre est une capacité vitale. »
Il ajoute : « Si les adultes sont déjà adaptés à leur environnement, ils ont moins besoin d’apprendre et apprennent donc moins bien. C’est pourquoi nous allons encourager les personnes âgées à se déplacer, à sortir, nous allons les remettre dans une situation où elles doivent faire face à des changements pour stimuler cette capacité d’apprentissage. »
Au contraire, les adultes seraient plus à même d’acquérir des connaissances que l’on pourrait qualifier de « moins essentielles » que la parole ou la motricité, comme le théorème de Pythagore ou les grandes dates de l’histoire de France. En psychologie cognitive, on parle « apprentissage explicite ou académique ». Les adultes seraient plus à l’aise dans ce domaine, car « ils ont développé des stratégies qui les rendent plus efficaces, ils s’organisent mieux dans le temps et dans l’espace », souligne André Tricot. « Cette capacité d’apprendre comme on apprend à l’école est disponible à tout âge, c’est juste qu’on l’utilise moins quand on est adulte. »