Les élus face à Airbnb : « Si cela continue, il n’y aura plus de résidents à l’année sur la côte basque »

Un nombre croissant de Français, notamment les plus modestes, peinent à se loger. En cause, une baisse de l’offre et une hausse des prix entretenues dans certaines régions par la concurrence de touristes socialement plus favorisés.
Comment expliquer le rejet du projet de loi transpartisan que vous aviez déposé pour limiter les avantages fiscaux des locataires sur Airbnb ?
C’est une histoire de politique politique. Le groupe Modem s’est réveillé au dernier moment parce qu’il n’aimait pas le seul député des Pyrénées-Atlantiques qui n’était pas des leurs pour trouver un accord avec un parlementaire de la Renaissance et faire avancer un dossier essentiel pour notre région.
Ce projet de loi, qui vise à réduire la déduction fiscale de 71% dont bénéficient les locataires Airbnb, était pourtant consensuel. Quand Aurore Bergé a déclaré devant la Fondation Abbé-Pierre qu’elle était prête à agir sur ce problème, j’ai vu qu’une fenêtre s’ouvrait.
J’ai ensuite travaillé avec la députée Renaissance de Bretagne Annaïg Le Meur, dont la région est également très touchée par la spéculation liée aux locations saisonnières. On s’est aussi heurté à l’opposition de Bercy et, pour arriver à ce texte, j’ai dû mettre beaucoup d’eau dans mon vin. En renonçant à la fiscalité inversée, qui aurait favorisé les locations de longue durée au détriment d’Airbnbs.
Vous expliquez aussi l’opposition à une hausse de la taxe sur les locations saisonnières par des arguments électoraux ?
Mais moi aussi, dans ma circonscription, j’ai des électeurs propriétaires qui pratiquent Airbnb. Certains m’écrivent qu’ils ne sont pas très contents. Il y a évidemment un risque de perdre des appuis, mais l’intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers.
Il y a un tel déséquilibre qu’il faut agir. L’objectif n’est pas d’interdire Airbnb ou le tourisme sur nos territoires, c’est de réguler et de permettre à chacun de pouvoir vivre décemment toute l’année.
Aujourd’hui, les riverains ne peuvent plus s’y loger et même les saisonniers ne trouvent plus de logement. Désormais, ce problème touche même des territoires dits peu attractifs, à l’intérieur des terres. C’est un énorme problème, car de plus en plus de biens immobiliers sont considérés comme un investissement plutôt qu’une nécessité vitale.
Cette question ne soulève-t-elle pas aussi celle d’un développement basé uniquement sur le tourisme ?
Il y a aujourd’hui la nécessité d’aller vers un tourisme raisonné, qui respecte les territoires. Des régions attractives fondent une partie de leur économie sur le tourisme, qui fait vivre de nombreuses personnes. Mais cela doit être gagnant-gagnant.
Aujourd’hui, ces situations créent d’énormes frustrations. Si cela continue, il n’y aura plus d’habitants à l’année sur la côte et ma région finira par devenir un parc d’attractions. Nous ne vivons pas dans une station balnéaire. Nous sommes très heureux d’accueillir des touristes, mais nous ne voulons pas être remplacés.
Au-delà des meublés de tourisme, comment jugez-vous la politique du logement du gouvernement, qui doit livrer ses arbitrages sur les propositions du Conseil national pour la refondation (CNR) ce lundi 5 juin ?
Gravement. Nous n’avons pas vu grand-chose sur la question, et la vérité est que le ministre du Logement n’a pas le contrôle. Et je crains que nous ne soyons encore déçus du CNR de lundi. J’espère toujours que cette présentation donnera lieu à un grand plan logement avec des actions concrètes. Ce serait bien si on parlait enfin du logement.
D’autant plus que c’est un sujet qui peut aider à trouver le fameux compromis qu’on nous vend. De nombreux parlementaires partagent le même constat. Ils voient bien que, dans leur comté, il y a un problème de logement. Dans nos bureaux élus, le sujet revient constamment. À ce sujet, on pourrait arriver à réunir tout le monde autour de la table pour travailler sur le fond.
Répondre aux besoins de logement des citoyens, c’est aussi construire des HLM ?
C’est un vrai sujet. Nous ne pouvons pas simplement nous plaindre que les logements vont à Airbnb. Nous devons les créer qui soient accessibles et résidentielles. Chez nous, il y a de grandes fermes qui, réhabilitées, pourraient être divisées en appartements ou en petites maisons pour accueillir des familles.
Problème : c’est très cher. Le citoyen moyen n’a pas les moyens d’acheter et de rénover derrière. Dans les communes de ma circonscription, de nombreux maires ont des projets de réhabilitation, mais ils sont incapables de les mener à bien, faute de moyens et parce qu’il n’y a pas d’accompagnement de l’Etat à la hauteur de l’enjeu.
Le secteur du logement attend les arbitrages du gouvernement
logement Le secteur attend l’arbitrage gouvernemental
La Première ministre, Élisabeth Borne, doit rendre ce 5 juin les arbitrages du gouvernement sur le logement. Les attentes sont énormes, alors que le secteur connaît une crise sans précédent : plus de personnes à la rue, y compris des enfants, loyers impayés en hausse, parcours résidentiels bloqués, un record de 2,4 millions de demandes HLM, une construction en baisse comme jamais et une accession à la propriété réduite par la hausse des taux d’intérêt. Beaucoup craignent que le gouvernement, qui a déjà reporté pour la première fois début mai la restitution des propositions du Conseil national de refondation sur le logement, continue de refuser innovations législatives et investissements. La petite phrase d’Emmanuel Macron sur un « système de surdépenses publiques pour inefficacité collective » et les annonces du ministre des Comptes publics Gabriel Attal, indiquant que le secteur serait à nouveau appelé à faire des économies budgétaires, ne sont pas rassurantes.
Grb2