Les élus désertent les conseils municipaux au Québec

J’ai pu apprendre le fonctionnement d’une municipalité et j’ai beaucoup aimé ça. j’ai eu la piqûre
il dit.
Quelques années plus tard, il est élu maire. Un poste qu’il a occupé pendant neuf ans, jusqu’à sa démission en novembre dernier. Principale raison du départ de Marcel Cloutier : la rigidité du code d’éthique, imposé par la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale.
» Comment développer nos petites communes si nous sommes encore menottés ? Si cela continue, les petites paroisses ne pourront plus fonctionner. »
Selon l’ancien maire de la commune d’environ 300 habitants, il est particulièrement difficile de faire respecter un code de déontologie dans une collectivité comme celle d’Authier.
Même pour les petits contrats, les conseillers ne peuvent pas faire appel à des connaissances ou à de la famille. C’est le grand défi des petites paroisses où tout le monde se connaît. Nous pouvons difficilement compter sur notre propre environnement pour fonctionner
il se lamente.
des données inquiétant
L’ancien maire d’Authier fait partie des 311 élus qui ont quitté leurs fonctions depuis les élections municipales du 7 novembre 2021. Selon Élections Québec, plus de 231 élections partielles ont dû être organisées afin de combler les postes laissés vacants.
A la même date suite aux élections du 5 novembre 2017, 181 élections partielles devaient être organisées afin de pourvoir 208 postes vacants.
» Depuis les élections générales de 2021, on constate vraiment une tendance à la hausse en termes de démissions. »
La hausse observée entre les élections de 2017 et de 2021 touche aussi davantage les communes de moins de 5.000 habitants, qui ont dû convoquer 218 des 231 élections partielles organisées depuis 2021.
Le Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches, l’Estrie, l’Abitibi-Témiscamingue et le Centre-du-Québec sont les cinq régions où se sont tenues le plus grand nombre d’élections partielles.
Ces données ne sont toutefois pas surprenantes, selon le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Gaspé, Daniel Côté.
D’après ce qu’on nous a dit sur le terrain, on se doutait qu’on verrait éventuellement une augmentation globale des démissions. Il faut maintenant en trouver les raisons. C’est très inquiétant
il dit.
Pour Daniel Côté, la cause la plus fréquente des démissions serait le climat de travail malsain généré par des tensions entre élus, voire par des pressions parfois excessives de certains citoyens.
C’est la fin la plus difficile. Il y a des citoyens qui seront tellement vindicatifs de leurs élus qu’ils iront jusqu’à forcer leur démission. Ça se passe aussi entre collègues. À mon avis, c’est une attaque directe contre le système démocratique et c’est plus grave que tout le reste
déplore le président de l’UMQ.
Un conseil décimé par des tensions internes
Suite à une enquête sur le climat de travail malsain et les pratiques en place au sein du conseil municipal de Roquemaure, en Abitibi-Ouest, la Commission municipale du Québec a décidé en août dernier de placer la commune de 400 habitants sous tutelle.
Le Service des enquêtes et poursuites d’intégrité municipale a alors été informé que plusieurs fonctionnaires avaient quitté la Municipalité au cours des dernières années, dont quatre directeurs généraux depuis 2021.
Un conseiller – membre d’une majorité informelle qui siégeait au conseil – avait même fait part aux enquêteurs de son intention de mettre fin à l’emploi de l’actuelle directrice générale, France Pelletier.
» C’était un climat de travail malsain. Des clans s’étaient formés et cela affectait vraiment la stabilité des opérations de la municipalité. »
La Commission se réserve donc désormais le pouvoir exclusif de nommer ou de révoquer les employés de la Municipalité, ce qui a permis à la directrice générale de conserver son emploi.
La tutelle a suscité des réflexions chez certains membres du conseil. Les gens pouvaient s’asseoir et se demander s’ils étaient là pour les bonnes raisons
dit France Pelletier.
Deux élections partielles ont eu lieu à Roquemaure depuis les législatives de 2021 et deux postes de conseillers municipaux sont encore à pourvoir. Malgré ces nombreux départs, la situation reste tendue au conseil municipal.
Petite municipalité signifie aussi que quelques familles se chamaillent depuis des générations. On a encore l’impression qu’aujourd’hui et je suis sûr que dans d’autres petites communes c’est un peu la même chose
fait valoir France Pelletier.
La formation de petits groupes au sein du conseil était aussi une source d’inquiétude pour l’ancien maire d’Authier, Marcel Cloutier.
Je conseille aux autres élus de faire attention à ce niveau. On se connaît tous, c’est normal qu’il y ait des difficultés. On a pas le temps de s’attarder sur des petites guerres comme ça, faut s’asseoir ensemble pour faire avancer les choses
il dit.
Solutions possibles
Selon Daniel Côté, président de l’UMQ, il serait avantageux de mieux informer la population sur les tâches qu’impliquent les professions de maire ou de conseiller municipal.
» On ne peut pas changer le monde d’un coup de baguette magique quand on est élu municipal. Tout est encadré. »
Un travail de promotion de cette forme d’implication doit également être fait, selon Daniel Côté, qui rappelle au passage que malgré les nombreux défis, la politique municipale demeure un important vecteur de changement.
Le paquebot municipal tourne beaucoup plus vite que le provincial et le fédéral. Lorsqu’une décision est prise, l’impact peut être assez direct sur la population. On peut vraiment améliorer notre cadre de vie au quotidien et il faut le mettre en avant
il dit.
Pour le président de l’UMQ, le travail de promotion de la profession pourrait notamment passer par une meilleure rémunération.
Ce n’est pas très attrayant de sacrifier une carrière pour un contrat de quatre ans dans une municipalité où un élu gagnera environ 10 000 $ par année pour un emploi à temps plein. Cet aspect est très préjudiciable à l’implication dans la politique municipale
déplore Daniel Côté.
À noter que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a décliné notre demande d’entrevue. Dans une réaction écrite, elle indique son intention de soutenir certaines initiatives visant à favoriser la participation citoyenne pour une saine démocratie municipale
.
canada-ici