Categories: Nouvelles

Les drones Dragon montrent que Kiev doit « innover » pour « tenir les Russes à distance »

Il s’agit de la dernière innovation ukrainienne en matière de drones. Depuis début septembre, les vidéos de drones dragons « cracheurs de feu » se multiplient sur les réseaux, notamment Telegram. Les unités ukrainiennes testent cette nouvelle arme, qui permettrait de brûler quasiment tout sur son passage, y compris l’acier.

En cliquant sur« J’accepte »vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Sur les images, on voit ces drones voler à basse altitude, juste au-dessus de la cime des arbres, pour déverser leur contenu, de la thermite, et brûler les positions ennemies. Inventée à la fin du XIXe siècle par un chimiste allemand, la thermite est un mélange de poudre d’aluminium et d’oxyde de fer, qui génère une chaleur intense à son contact, atteignant une température de 2 200 °C. Elle a déjà été largement utilisée lors de conflits militaires, notamment pendant la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale, notamment pour la destruction de matériel ennemi. Elle était alors larguée depuis un Zeppelin, ou un bombardier.

« C’est simple et ça ne coûte pas cher. »

La nouveauté cette fois-ci est que le matériau est largué depuis un drone, ce qui permet de s’approcher au plus près de la cible et de larguer le mélange à distance, sans pilote. Environ 500 grammes de thermite peuvent être placés sous un drone FPV standard. En tombant du drone, la thermite ressemblerait à du feu sortant de la gueule d’un dragon, d’où le surnom donné à ces drones. « Les Strike Drones sont nos ailes de vengeance, apportant le feu directement du ciel ! », a lancé le groupe Khorn de la 60e brigade mécanisée d’Ukraine dans un post sur les réseaux sociaux.

Ce dernier assure qu’ils « deviennent une véritable menace pour l’ennemi, brûlant ses positions avec une précision qu’aucune autre arme ne peut atteindre ». « La thermite est un matériau très compact, il n’est donc pas stupide de l’utiliser de cette façon, nous dit-on de source militaire. Et l’effet tactique observé a fait très mal aux Russes ».

Demandé par 20 minutesLéo Peria Peigne, chercheur en industrie armement/défense à l’Ifri (Institut français des relations internationales), préfère attendre un peu avant de conclure sur l’efficacité de cette arme. « Les Ukrainiens réutilisent de vieilles munitions incendiaires qu’ils remplissent (de thermite), et qu’ils installent sur ce type de drone. C’est simple et ça ne coûte pas cher, et si ça montre une efficacité qu’ils jugent pertinente, ils la réutiliseront encore et encore. On verra ça dans six mois. »

« Ce ne sera pas un tournant, c’est sûr, assure un autre officier de l’armée française, mais c’est un cas intéressant, car dans ce conflit, les deux armées expérimentent tous les types d’effets possibles avec des drones. On voit des choses assez exotiques testées des deux côtés. Certaines fonctionnent et sont produites à grande échelle, d’autres restent des prototypes qui ne donnent pas toujours satisfaction. Je pense notamment à cette tentative de placer des kalachnikovs sur des drones, qui n’a pas été poursuivie. »

« Ce n’est pas pire que de larguer une bombe d’une tonne et demie sur un bâtiment »

Mais des critiques ont commencé à émerger depuis l’utilisation de cette arme incendiaire. L’ONG Action on Armed Violence (AOAV), qui enquête sur les violences armées contre les civils à travers le monde, s’inquiète notamment du déploiement potentiel de ces drones dragon dans des zones densément peuplées, « posant de graves risques pour la sécurité des civils ».

« Une arme incendiaire est destructrice, et particulièrement horrible en termes de blessures », reconnaît une source militaire. « Mais dans les zones peuplées, ce n’est pas pire que de larguer une bombe d’une tonne et demie sur un immeuble, ce que les Russes n’hésitent pas à faire ». Et d’ajouter : « Ce n’est pas la première fois que les Ukrainiens utilisent des armes incendiaires. On les a vus mettre le feu à une forêt pour chasser les Russes. Mais ils ne le font jamais là où il y a un risque de dommages collatéraux, contrairement aux Russes qui, notamment lors de la bataille de Bakhmut, n’ont pas hésité à faire pleuvoir des armes incendiaires sur des zones peuplées ».

Un autre officier souligne également qu’il est « toujours difficile de contrôler l’arme incendiaire, car le problème avec le feu, c’est qu’il peut vite se retourner contre vous, en fonction du vent par exemple ».

La moitié des pertes sur le front sont désormais dues aux drones

Pour Léo Peria Peigne, ce type d’initiatives « montre surtout l’utilisation généralisée des drones, pour à peu près tout et n’importe quoi, sur le front ukrainien. Nous étions en Ukraine en juin, raconte-t-il, et il était frappant de voir à quel point il y a des drones partout, tout le temps, et dans des zones extrêmement variées. Les troupes du génie utilisent des drones pour poser des mines, faire sauter des obstacles, le corps médical utilise des drones terrestres (robots) pour évacuer les blessés, le train pour ravitailler les troupes sur le front… Tout cela s’ajoute aux drones de base utilisés pour la surveillance et l’attaque. »

C’est ce que confirme notre source militaire. « Le drone prend une double dimension sur le front. D’abord en raison des pertes qu’il inflige, puisqu’environ 50% des pertes sont désormais dues aux drones, contre seulement 10% au début du conflit. Ensuite en raison de la menace qu’il fait peser en profondeur : la majorité des victimes sont des personnes en transition vers la ligne de front. Il y a ainsi une bande de 30 à 50 km de part et d’autre du front où il est extrêmement dangereux de circuler, et suicidaire de s’arrêter, car le champ de bataille est saturé de drones armés de charges explosives. »

« Le front est un laboratoire d’innovations »

Guillaume Lasconjarias, historien militaire et professeur associé à Sorbonne Université, souligne « le triple degré d’innovation dans le domaine des drones qu’ont apporté les Ukrainiens : dans le domaine tactique en transformant ces drones en véritable substitut à l’artillerie, dans le domaine industriel avec une massification et un fordisme sur leur construction et leur assemblage, dans le domaine organisationnel avec la création d’une nouvelle armée aux côtés de l’Armée de terre, de l’Armée de l’air et de la Marine. »

Léo Peria Peigne note cependant qu’il y a « beaucoup d’improvisation dans cette innovation autour des drones, sachant que, bien souvent, une innovation ne fonctionne que quelques mois avant que les Russes ne trouvent une solution. Les Ukrainiens doivent donc s’adapter et trouver une nouvelle solution ». Le cycle des innovations sur le front ukrainien serait même « de l’ordre de quelques semaines », estime cet officier français. « Cela ne s’arrête jamais. Le front est un laboratoire d’innovations ».

Toutes nos informations sur la guerre en Ukraine

Ce qui suppose derrière une chaîne de production à la hauteur. « La durée de vie d’un drone sur le front ukrainien, des deux côtés, est en moyenne de trois à cinq vols avant qu’il ne soit abattu, ajoute notre source militaire, et les systèmes de télécommunications (brouillage/contre-brouillage) durent en moyenne six semaines, avant que le camp adverse ne trouve une solution. La consommation annuelle de drones par les Ukrainiens est ainsi de l’ordre de plusieurs centaines de milliers actuellement, avec un objectif d’un million. Et beaucoup de drones ukrainiens sont produits en Ukraine par les Ukrainiens, les Occidentaux y participent de manière modérée pour l’instant. »

« Des usines de micro-drones dans presque tous les garages »

Les drones sont ainsi devenus le moyen pour les Ukrainiens « de tenir les Russes à distance », assure Léo Peria Peigne. Il faut qu’ils soient plus efficaces, plus rapides, plus intelligents que les Russes, en permanence. Il y a ainsi toute une partie de la société qui est engagée dans un processus de développement, de recherche et d’innovation, en lien avec les troupes au front, et si ces innovations fonctionnent, elles sont généralisées. » « Les Ukrainiens sont obligés d’innover car pour eux cette guerre est existentielle ; ils ne peuvent pas se permettre de la perdre, ajoute une source militaire. Et ce qui facilite cette innovation, c’est que l’Ukraine se définit comme une nation d’ingénieurs. Il y a ainsi une surreprésentation de personnes ayant un background scientifique au sein de l’armée ukrainienne, avec des programmeurs. Et il y a, en plus, des micro-usines à drones avec des imprimantes 3D dans presque tous les garages ! »

Pour l’instant, cette utilisation de drones côté ukrainien « ne fonctionne pas trop mal, estime Léo Peria Peigne, même si elle ne leur permettra peut-être pas de gagner la guerre. Pour cela, il faudra utiliser des armes conventionnelles, ce qui nécessite un outil industriel plus développé. Mais en attendant, cela leur permet de survivre. »

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr

Recent Posts

« Nous voulons savoir sur quelles lignes rouges nous pouvons nous engager », déclare Prisca Thevenot, députée de Renaissance

La députée Renaissance Prisca Thevenot était l'invitée de franceinfo mardi. Publié 17/09/2024 22:56 Temps de lecture : 1 min La…

36 secondes ago

Le Sporting trop fort pour Lille

Lille a vécu une soirée très compliquée sur la pelouse du Sporting pour son retour en Ligue des champions (0-2),…

1 minute ago

Avec Spectacles, Snapchat se lance dans la bataille des lunettes de réalité augmentée

EXCLUSIF - Le Figaro a pu tester la nouvelle génération de lunettes connectées Spectacles, qui sera dans un premier temps…

3 minutes ago

Santé. Dans la Manche, les cas de Covid-19 ont fortement augmenté depuis la rentrée

Par Robin des Bois Publié le 17 septembre 2024 à 16h26 Voir mes actualités Suivez la chaîne Presse Depuis la…

4 minutes ago

Pourquoi l’incertitude politique pèse sur l’activité économique

DÉCRYPTAGE - Selon les projections de la Banque de France, l'inflation devrait baisser à 1,5% l'année prochaine. L’impact des Jeux…

5 minutes ago

Profonde émotion à Sisteron après le décès de Patrice Vernet

Patrice Vernet nous a quittés après une longue maladie. « Il s'est toujours dit un survivant, depuis sa greffe du…

6 minutes ago