Les dix romans policiers et thrillers à s’offrir pour les fêtes de fin d’année
Genre littéraire à part entière, le roman policier n’est pas en crise et continue de se développer d’année en année. De Percival Everett à Hervé Le Corre, en passant par Lars Kepler et Benoît Philippon, le thriller continue de sonder la société. Comme toute sélection, ce choix est nécessairement subjectif et non exhaustif.
1 « Punition » : Percival Everett fait payer les crimes
Drôle, fin, hilarant et fougueux contre le Trumpisme, Punition est LE roman à ne pas manquer. Avec ce thriller très original, Percival Everett crée une œuvre addictive et jouissive. L’auteur deEffacement nous emmène dans une petite ville du Mississippi, Money, secouée par les meurtres d’hommes blancs. A chaque scène de crime, la police retrouve un deuxième cadavre qui ressemble exactement à Emmett Till, un garçon noir lynché dans la même ville en 1955. Débordée par les événements, la police locale est assistée par des agents très spéciaux. Au fil des pages, entre des éclats de rire, le lecteur est frappé par l’image d’une société aux prises avec son passé qui ne passe pas et avec un présent désespérément violent. Essentiel.
(Punition, Percival Everett, traduit par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, 22h50 euros)
2 « Qui vivra après nous » d’Hervé Le Corre : l’avenir n’a pas d’avenir
Hervé Le Corré sonne le glas de ce livre crépusculaire. Il siffle avec Qui vivra après nous (éditions Rivages/Noir) la fin de la récréation, de l’insouciance. L’ancien professeur de lettres marque la fin d’un monde. L’idée de ce livre lui est venue pendant le confinement, avec cette question lancinante et angoissante : est-ce que demain a un avenir ? Demain n’est pas loin, nous sommes à la moitié du 21ème siècle siècle, il arrive dans moins de trente années. Pourtant, cet avenir décomposé ressemble fortement à un passé lointain où le vernis social se fissure de toutes parts. C’est dans une ambiance post-apocalyptique que se déroule cette dystopie qui met en avant la crise climatique, la fin d’un système politique et économique à bout de souffle, la résurgence de vieux démons, mais aussi un combat pour ne pas désespérer de l’humanité. Dans ce monde sans technologie, Hervé Le Corre nous raconte la naissance d’une utopie sur trois générations. Engagée, féministe, lumineuse.
(Qui vivra après nous, Hervé Le Corre, éditions Rivages/Noir, 21h90 euros)
3 « L’Araignée » : Lars Kepler tisse sa toile
Tel un animal pris dans les phares d’une voiture, le lecteur se retrouve happé dès les premières pages. Le dernier livre de Lars Kepler, pseudonyme du couple d’écrivains Alexander et Alexandra Ahndoril, L’araignée (Actes Sud) fascine par son originalité et son rythme. On retrouve le célèbre duo d’inspecteurs, alter ego des auteurs Joona Linna et Saga Bauer. Cette fois, ils affrontent un tueur en série particulièrement retors qui nargue la police en envoyant une figurine avant chaque disparition. Au total, neuf les victimes sont annoncées. Tous sont proches de l’enquêteur Saga Bauer. Et Joona Linna est la neuvième cible. La toile tissée par l’assassin ne laisse que peu de liberté aux policiers, pris dans une course contre la montre meurtrière. L’Araignée, un thriller psychologique sombre et captivant.
(L’Araignée, Lars Kepler, traduit du suédois par Mariane Ségol-Samoy, Actes Sud, 24h50 euros)
4 « Papi Mariole » : un roman qui fait du bien
Quelque part entre Donald Westlake et Daniel Pennac, entre éclat de rire salvateur et gentillesse désintéressée, Papi Mariole (Albin Michel) est un voyage au bout de la jubilation. Benoît Philippon écrit un livre hilarant, plein de tendresse et d’humanisme. Et d’une originalité explosive. Papi Mariole, atteint de la maladie d’Alzheimer, a hâte de mourir dans son Ehpad. Alors il s’en va. Car Mariole a une mission à accomplir. Lequel ? Il ne s’en souvient plus. Maudite maladie d’Alzheimer. Mariole est un tueur à gages, ce qui complique un peu sa tâche. En compagnie de Mathilde, victime de vengeance porno, et Madame Chonchon, sa truie de compagnie, Papi part en guerre pour réparer les injustices et rendre ce monde un peu plus vivable. On rit souvent avec Papi Mariole, et entre deux éclats de rire, deux sourires, on réfléchit aussi. Radieux.
(Papi Mariole de Benoît Philippon, Albin Michel, 19h90 euros)
5 « Les Inuits » : Mo Malø sonde le passé
Mo Malø le prouve, une fois de plus, avec Les Inuits (La Martinière), tout son talent d’écrivain qui sait tenir son lecteur en haleine de la première à la dernière page. Qui est Paninguaq Madsen, connue sous le nom d’Inuit, l’énigmatique sage-femme ? Une belle âme altruiste ou un dangereux criminel lancé dans un règlement de compte ? Pourquoi est-elle toujours présente sur les lieux du crime ? ? Et que s’est-il passé au fil des années 1950 ? Quels étaient les objectifs des autorités danoises en lançant une expérience déshumanisante le 22 de jeunes enfants inuits, qui devraient devenir plus tard l’élite du Groenland ? Quel fut leur sort ? ? Quel est le résultat de cette acculturation au forceps ? ? Mo Malø mène deux récits parallèles en entremêlant une enquête sur des meurtres et une enquête sur des enfants arrachés à leurs familles. Y a-t-il un lien entre les deux histoires ? ? Mo Malø, pseudonyme de l’écrivain français Frédéric Mars, plonge son roman noir dans des brûlures encore vives. Original.
(Les Inuits, Mo Malø, La Martinière, 21 euros)
6 « Rat Island » : le darwinisme social selon Jo Nesbø
Le pire n’est peut-être pas certain, mais il peut arriver. L’écrivain norvégien Jo Nesbø n’est pas connu pour son optimisme. Au contraire. Il désespère de l’espèce humaine. Dans Île aux rats, Recueil de cinq nouvelles, le créateur du célèbre personnage Harry Hole situe ses histoires dans un futur proche et dystopique, dans lequel l’État est remplacé par des intérêts privés. L’élite, complètement déconnectée, vit au sommet d’un gratte-ciel et tout en bas de l’échelle règne une forme de darwinisme. Un équilibre, ou plutôt un déséquilibre, précaire. Jo Nesbø est sceptique quant aux progrès scientifiques. Dans l’histoire la plus courte du livre, L’Antidote, Histoire glaçante sur le pouvoir et l’ambition, il laisse transparaître tout son talent d’écrivain déroutant.
(L’Île aux Rats, Jo Nesbø, traduit par Céline Romand-Monnier, Gallimard, 21 euros)
7 «Another Eden» : l’enfer, selon James Lee Burke
James Lee Burke ne désespère pas de la nature humaine. Chacun de ses livres est un événement, une occasion de retrouver des personnages attachants et familiaux. Avec Un autre Éden, nous voici à la fois en terrain connu et en terrain nouveau. Un air de déjà vu et une ambiance mélancolique typiquement burkéenne. À 87 ans années, James Lee Burke continue d’interroger la société américaine avec tendresse et férocité. Nous sommes dans les années 1960, dans l’Ouest américain. On suit Aaron Holland Broussard, écrivain en quête d’inspiration, à bord de wagons de marchandises. Déjà présent dans Les Jaloux, le personnage trouve l’amour dans la région de Denver. Avant que la violence n’éclate. Incontournable.
(Un autre Eden, James Lee Burke, traduit par Christophe Mercier, Payot et Rivages, 22 euros)
8 « The Lousy Massacre » de Ian Manook : rêver trop grand
Avec son écriture alerte, raffinée, légèrement désenchantée et nerveuse, Ian Manook plonge le lecteur dans les années 1960. Avec un sens de la formule qui fait clic, il décrit les ambitions contrariées d’un homme qui veut échapper à sa condition. social et son environnement géographique, d’un homme qui rêve trop grand pour son HLM. Dans ce roman noir initiatique écrit à la première personne, Le mauvais massacreur (aux éditions La Manufacture de Livres), Ian Manook s’attaque au déterminisme social et expose les mécanismes d’exclusion. « Je m’appelle Sorb, c’est l’abréviation de Sorbonne. Les membres du gang m’ont donné ce surnom parce qu’ils pensent que je suis plus instruit qu’eux. » La bande s’amuse, turbulent, s’ennuie. Puis un accident arrive : une femme meurt à cause de l’un des siens. La descente aux enfers commence. Captivant.
(Le mauvais massacre, Ian Manook, La Fabrique du Livre, 18,90 euros)
9 « Le Premier Renne » d’Olivier Tip : tant qu’il y aura des hommes
Écologie, économie, traditions, discriminations… Le dernier livre d’Olivier Truc, Le premier renne (éditions Métailié), est d’une grande ambition. Le romancier nous montre derrière la carte postale. Outre le dépaysement, il capte la folie des hommes attirés par le profit immédiat. Le récit captivant propose une immersion dans une population qui lutte pour sa survie. Le malheur du peuple Sami, éleveurs de rennes, est de posséder des terres rares qui retiennent des métaux convoités par les entreprises de haute technologie. C’est ainsi en Laponie, en pleine période de marquage des faons, qu’un troupeau de rennes est décimé. Nina Nansen et Klemet Nango, enquêteurs de la police de Rennes, découvrent peu à peu toutes les ramifications d’une affaire pas comme les autres. Olivier Truc nous fait un immense cadeau avec le personnage d’Anja, la femme qui refuse le destin. Un thriller brillant.
(Le premier renneOlivier Truc, éditions Métailié, 22 euros)
10 « Black Triangle », le thriller sombre et angoissant de Niko Tackian
Pour son dixième roman, Triangle noir (Calmann-Lévy), Niko Tackian ne fait pas de dentelle. Les méchants sont très méchants, au-delà du bien et du mal. La gendarmerie découvre dans la forêt vosgienne deux corps, vidé de certains organes, après réception d’un email indiquant les coordonnées GPS précis. Peu de temps après, un jeune apprenti disparaît. L’auteur de La Lisière nous entraîne dans une enquête hors du commun. Triangle noir est une immersion dans une histoire morbide, à la frontière de l’aliénation. L’auteur crée une tension insupportable. Il entame dès les premières pages une course contre la montre pour sauver le jeune apprenti, afin qu’il ne connaisse pas le terrible sort des premières victimes. Qui sont les ravisseurs ? Où cachent-ils leurs victimes ? Le pourquoi passe rapidement au second plan. Grâce à une écriture fluide et nerveuse, Niko Tackian entraîne ses lecteurs dans une histoire anxiogène, dont les racines sont américaines. Inquiétant.
(Triangle noir de Niko Tackian, Calmann-Lévy, 19h90 euros)