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Les devoirs du soir à l’école primaire ne sont pas pour tout le monde, mais ces trois enseignants sont toujours pour

La question des devoirs chez les élèves du primaire divise enseignants et parents.
Catherine Delahaye/Getty Images La question des devoirs chez les élèves du primaire divise enseignants et parents.

Catherine Delahaye/Getty Images

La question des devoirs chez les élèves du primaire divise enseignants et parents.

EDUCATION – C’est un rituel pour des milliers d’élèves de primaire : quand ils rentrent de l’école ou des études, ils ouvrent leur agenda pour y trouver les devoirs à faire pour le lendemain. Et y consacrent ensuite entre 15 minutes et parfois plus d’une heure, selon leur niveau scolaire mais aussi, très souvent, du niveau d’exigence de leur professeur (et de leurs parents).

Dictée à apprendre, poésie et tables de multiplication à mémoriser, additions à poser… Sujet de débat récurrent lors des conseils de classe, les devoirs ne sont pas perçus de la même manière selon que l’on est enfant, enseignant ou parent. Corvée pour le premier, ils peuvent, si l’on en croit ceux qui les donnent, s’avérer utiles aux élèves.

Établir des liens avec les familles

Elsa, enseignante de CE1-CE2 dans une école de Nantes, imagine les devoirs comme « Un pont entre l’école et la maison ». Une observation partagée par Jeanne*. Invoquant la notion de « éducation mixte » Pour parler de l’alliance pédagogique qui se noue entre les parents et l’école, cette enseignante de la Somme considère également les devoirs comme « indispensable pour créer du lien avec les familles, notamment dans les écoles connaissant une grande précarité sociale « .

Selon les deux enseignants, les devoirs jouent également un rôle essentiel dans l’apprentissage. « Ils nous permettent de revoir sereinement les notions abordées dans la journée ou dans la semaine. »explique Jeanne, tandis qu’Elsa voit dans la poésie un moyen de« entraîne ta mémoire ». Jeanne prétend donner « tous les soirs » des devoirs pour ses élèves. Mais elle insiste : jamais par écrit. « En général, je donne un petit texte à réviser qui a déjà été lu en classe, quelques mots de dictée à apprendre et une leçon à relire, rien de plus. »

Pour les enfants plus âgés, les devoirs ont une autre fonction : « apprendre à apprendre » pour les préparer à l’université. « Cela leur donne des habitudes de travail, cela les responsabilise »explique Clémence*, qui enseigne à des élèves de CM1 dans une école du Loiret. Mais c’est en classe que s’acquiert cette autonomie. « Cela ne sert à rien de dire aux étudiants : « Apprenez les mots que vous dictez » s’ils n’ont pas appris à le faire. »

Les devoirs écrits sont interdits depuis 1956

Un texte à relire, une leçon à revoir : en réalité, les professeurs des écoles qui se contentent de confier ces tâches à leurs élèves se conforment à la loi. En 1956, une circulaire établit que« aucun travail écrit, qu’il soit obligatoire ou facultatif, ne sera demandé aux étudiants en dehors des cours ». Bien qu’il ait depuis été remplacé par d’autres textes plus adaptés, « l’interdiction formelle des devoirs écrits pour les élèves du primaire » a été encore renforcée par une loi de 2013.

Ce qui n’empêche pas les enseignants de déroger à cette règle. « Je peux occasionnellement demander qu’une ou deux opérations soient réalisées à domicile, mais je ne les autorise jamais lorsqu’elles ne sont pas réalisées. »explique Elsa. Pour Jeanne, ce ne sont pas tant les devoirs écrits que la charge de travail donnée aux élèves qui pose problème. « Certains collègues ont l’habitude de donner aux enfants beaucoup de devoirs pour les pousser à bout. Et donner trop de devoirs crée des inégalités. »elle observe.

Un vecteur de tensions et d’inégalités

Car les devoirs ont aussi leurs détracteurs. Parmi eux, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), premier syndicat de représentants des parents d’élèves du primaire et du secondaire, qui milite pour la fin des devoirs. « Toutes les familles n’ont pas forcément la possibilité d’assurer la continuité à la maison »« Nous sommes tous des enfants, nous sommes … « En aucun cas, les devoirs ne doivent leur causer de difficultés, ce n’est pas leur objectif. Il faut aussi tenir compte du fait que certains parents ne maîtrisent pas ou peu la langue et que certains enfants n’ont pas le matériel pour travailler à la maison. »

L’autre problème est la pression que les devoirs font peser sur les enfants, surtout dans les familles où ils sont considérés comme essentiels à la réussite en classe. Et où l’on n’hésite donc pas à y consacrer plus d’une heure. « Quand il y a des larmes, des cris, du chantage, c’est contre-productif »insiste Elsa, qui recommande de consacrer 20 minutes à cela, « 30 maximum » tous les soirs. Surtout, se souvient Jeanne, parce que « Un étudiant peut passer trois heures à faire ses devoirs et échouer quand même.

Faire ses devoirs à l’école, une solution qui divise

Comment faire des devoirs un levier de réussite pour tous les enfants ? Citation d’Elsa et Jeanne « aide aux devoirs après l’école » Ou  » étude « qui permet aux élèves de travailler en groupe avec l’appui d’un enseignant. Mais le système est loin d’être parfait : souvent limité en nombre de places, il présuppose l’autonomie des enfants. A la FCPE, on regrette aussi qu’il soit dans la majorité des municipalités « payé et mal adapté ». « Et comme ce n’est pas obligatoire, cela crée encore plus d’inégalités. »note Abdelkrim Mesbahi, qui prône pour sa part la réintégration des devoirs dans le temps scolaire, par exemple sur « la demi-heure entre la récréation de l’après-midi et le départ des enfants le soir ».

Mais cette solution ne convainc pas les enseignants. « À la fin de la journée, les élèves sont épuisés, ils ont besoin d’une pause avant de commencer les devoirs. »Elsa dit tandis que Jeanne craint que cela explose « toutes les matières qui amusent les enfants : arts visuels, éducation musicale, éducation physique » et qui contribuent aussi à l’épanouissement des élèves en difficulté. Reste une dernière approche : des devoirs courts et surtout ludiques, pour susciter l’envie d’apprendre. Des poules en papier pour réviser seul les tables de multiplication ou un jeu de cartes qui familiarise avec la grammaire, par exemple. « C’est par le jeu que l’on crée l’excitation »conclut Clémence.

*Les prénoms ont été modifiés.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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