Divertissement

Les derniers jours de François Hardy

Elle n’a pas pris soin de parler de sa fin prochaine. Mercredi 5 juin, Françoise Hardy est toujours aux aguets lorsqu’il s’agit de répondre aux mails qu’elle reçoit. Même si depuis une semaine son état général se dégrade, elle n’a en aucun cas perdu la tête, vive, précise, aiguisée… A ses amis qui la suivent, elle répond : « Je suis très, très mauvais, j’ai envie de mourir. »

Elle n’a pas apprécié de voir son lit japonais qu’elle aimait tant remplacé par un lit médicalisé la semaine précédente. Mais tout son être n’est que souffrance, son cancer a gagné le dessus et Françoise s’est résignée à ce qui, selon elle, ressemble à des soins palliatifs.

Le lendemain, elle était si faible qu’elle a dû être hospitalisée. La voici de retour dans cet hôpital américain qu’elle déteste, où elle a subi depuis 2015 ces 55 chimiothérapies qui ont fait des ravages sur son corps. Depuis des mois, la grande Françoise ne peut plus marcher seule, elle n’utilise qu’un fauteuil roulant pour se rendre à ses rendez-vous médicaux et elle a perdu plus de 20 kilos. Elle a du mal à manger, à son plus grand désespoir, elle qui aimait tant les bons restaurants et les bons petits plats entre amis…

Vous n’êtes pas obligé d’annuler quoi que ce soit pour moi. Il faut continuer à travailler, la vie doit continuer

Françoise Hardy à son fils

Comme d’habitude, Françoise ne veut avoir à ses côtés que ses anges gardiens, sa nièce Claire Dutronc et son ancien attaché de presse Marc Maréchal. Et, comme toujours, les consignes sont les mêmes : ne pas alerter Thomas ou Jacques de son état. « Ils doivent être les derniers à être informés de ma disparition », leur a-t-elle répété à plusieurs reprises. Mais Thomas suit heure par heure l’état de santé de sa mère, se rendant à son chevet tous les week-ends.

Dans ses derniers instants avec son fils, Françoise retrouve les réflexes de sa mère. « Vous n’êtes pas obligé d’annuler quoi que ce soit pour moi. Il faut continuer à travailler, la vie doit continuer », lui dit-elle. Depuis son refuge corse de Monticello, Jacques Dutronc apprend peu à peu des informations liées à l’état de sa femme. Il n’a pas besoin de trop entendre, lui, le très modeste, celui déconnecté des sentiments, bien trop malheureux, au fond, pour laisser apparaître sa tristesse. D’autant plus qu’il lui a dit au revoir la semaine précédente, alors qu’il s’était (officiellement) rendu à Paris pour voir son médecin. Mais personne n’a été dupe. Si Jacques est resté près d’une semaine dans la capitale, c’est parce qu’il avait envie de passer quelques instants avec Françoise.

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Jacques Dutronc et sa compagne Sylvie Duval aux obsèques de Françoise Hardy au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, le 20 juin 2024.

Jacques Dutronc, sa compagne Sylvie Duval, et sa nièce, Claire Dutronc (à sa droite) lors des obsèques de Françoise Hardy au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, le 20 juin 2024.

JACOVIDES-MOREAU / BESTIMAGE / © JACOVIDES-MOREAU / BESTIMAGE

Chaque jour, il se rendait boulevard Suchet, lui murmurant sans doute des bêtises à l’oreille, la faisant rire un peu plus. « Pourquoi mets-tu ton argent dans un avion privé quand tu viens à Paris ? » Françoise s’est fâchée, dès qu’elle a vu son mari. « Tu ne peux pas faire la queue comme tout le monde ? » Jacques se laissa tendrement réprimander, cachant ses larmes derrière ses lunettes de soleil en ces jours de mai.

Le mardi 11 juin, à 22h30, les yeux de Françoise se ferment pour toujours

Dimanche 9 juin, la chanteuse souhaite rentrer chez elle, malgré son immense faiblesse. Mais lundi matin, les médecins préviennent Thomas : Françoise ne pourra pas regagner son appartement. Tout le monde a compris. Et tout son entourage s’organisera pour rester proche d’elle, afin qu’elle ne soit jamais seule. La veillée durera près de deux jours.

Lentement, Françoise plonge vers l’au-delà, réagissant aux plaisanteries de l’un, aux récits du passé de l’autre, elle qui n’avait pas sa langue dans sa poche. On parle du résultat des élections européennes, de la dissolution annoncée par Emmanuel Macron, on fait comme si la vie continue mais tout le monde retient ses larmes. Et le mardi 11 juin, à 22h30, alors que la petite assemblée riait encore, les yeux de Françoise se sont fermés à jamais.

Françoise Hardy, sous le regard amusé d'Étienne Daho en 1985.

Françoise Hardy, sous le regard amusé d’Étienne Daho en 1985.

ARCHIVES FILIPACCHI / © Bernard Leloup

« Elle est partie calme et reposée », annoncent Claire et Marco à Thomas, retenu ce soir-là en province. Vient ensuite le moment d’appeler Jacques, qui trouve les mots pour consoler Marco, le plus fidèle et dévoué de tous. Étienne Daho saute dans un taxi pour venir saluer la dépouille de Françoise dans son lit funéraire. Lorsque le chanteur entre dans la salle, la télévision diffuse des images de Françoise pour lui rendre hommage. «Ça t’aurait amusé», a écrit Étienne bouleversé sur son Instagram.

L’épineuse question des funérailles

« Malgré la douleur, nous nous sommes tous sentis soulagés », dira plus tard Jean-Marie Périer. Elle était enfin libérée de tant d’années de souffrance. » Thomas doit se produire le 13 juin au festival Jazz’Opale, dans le Pas-de-Calais. Si la question de l’annulation se pose pendant quelques heures, elle est rapidement résolue. « Il faut maintenir. «C’est ce qu’elle aurait voulu», a-t-il déclaré à ses proches.

Jean-Marie Périer aux funérailles de Françoise Hardy, le 20 juin, au Père-Lachaise.

Jean-Marie Périer aux obsèques de Françoise Hardy, le 20 juin, au Père-Lachaise.

JP PARIENTE/SIPA / © JP PARIENTE/SIPA

Puis la musique revient, deux jours plus tard, lors d’un concert chargé d’émotion et de maladresse. Thomas rentre aussitôt à Paris. Jacques doit arriver vendredi 14, il veut être là pour l’accueillir. L’octogénaire n’a pas abandonné le jet privé pour rejoindre la capitale. Mais décline l’invitation faite par son fils de venir méditer à la morgue. Il ne se sent pas capable de vivre la confrontation entre lui vivant et Françoise morte. Et puis il a acheté un terrain au cimetière de Monticello, où il pourrait déposer les cendres du défunt. Car ainsi, plus tard, le plus tard possible, il reposera à côté d’elle pour toujours.

Reste l’épineuse question des funérailles. Françoise avait déclaré « ne vouloir rien. Crémation le plus rapidement possible, et c’est tout. Comment concilier le désir du public d’un dernier adieu avec les vœux d’une personne décédée ? Un compromis a été trouvé : les proches seront invités au crématorium du Père-Lachaise, et le public sera autorisé à venir lui rendre hommage de loin. Thomas et Jacques réfutent l’idée de parole. « Nous allons jouer nos chansons préférées et celles que nous avons le plus aimées », préviennent-ils.

Jacques Dutronc au volant de sa jeep américaine, à son domicile de Monticello, en Corse, le 25 septembre 2023.

Jacques Dutronc au volant de sa jeep américaine, chez lui à Monticello, en Corse, le 25 septembre 2023.

© Patrick Swirc

Le choix est vite fait : « Et si je pars avant toi », que Françoise avait écrit pour Jacques en 1968. « Le temps de l’amour », paroles trouvées par Françoise sur une composition de Jacques, puis « Tant de belles choses », qui Françoise avait écrit pour Thomas en 2004, afin de faciliter son passage au ciel. Et enfin « Message personnel », ce tube de 1973 qui relance sa carrière, compose avec Michel Berger, un cri d’amour pour les deux hommes de sa vie. Thomas a entrecoupé les morceaux d’extraits sonores, où l’on entend sa mère évoquer les moments clés de son existence. Un résumé en neuf minutes d’une vie remplie de souffrance, certes, mais aussi d’immense joie.

Un problème technique lors de la cérémonie

Seulement ici, chez Hardy-Dutronc, rien ne se passe jamais comme prévu. Jeudi 20 juin, alors que le cercueil de Françoise faisait une entrée solennelle devant Brigitte Macron, Nicolas Sarkozy, Rachida Dati, mais aussi Julien Clerc, Étienne Daho, Sheila, Adamo et Louis Chedid, sa voix paraissait étrangement rapide aux 200 personnes rassemblées sous le dôme du salon funéraire.

Au bout de trois minutes, Thomas se rend chez les techniciens avant de revenir, agacé, s’adresser aux secours. « Bon, bon, on a un problème, la bande est en vitesse accélérée, donc ce n’est pas sa vraie voix, on ne la reconnaît pas. Nous allons essayer de trouver une solution. Et puis elle montera au sommet de la maison funéraire, puis disparaîtra, et alors nous pourrons tous parler ensemble. »

La dignité de Jacques Dutronc

Quoi de mieux qu’une galère pour briser la solennité d’un instant ? Assis à gauche de son fils, Jacques Dutronc semble perdu dans ses pensées, sourit à nouveau lorsque Jean-Marie Périer lui murmure un bon mot à l’oreille. Et quand enfin la voix « normale » de Françoise Hardy résonne dans les enceintes, c’est pour mieux faire tourner les cœurs de toute l’assemblée : « Mais si tu penses un jour que tu m’aimes (…) N’attends pas un jour, pas une semaine parce que tu ne sais pas où la vie te mène / Viens me trouver (…) Pense à moi. «Je pense que la situation l’aurait fait rire», a déclaré Thomas, soulagé. Nous avons eu tellement de chagrin toute la semaine. »

Sous le regard bienveillant de sa compagne, Sylvie Duval, Jacques se laisse embrasser par tout le monde, un peu en retrait dans son pardessus jaune. Lui qui disait « Je n’avais prévu d’aller qu’à un seul enterrement, le mien » faisait preuve d’une dignité qui n’aurait pas déplu à Françoise. « Il n’a jamais été quelqu’un de très expansif », souligne l’un de ses amis proches. Nous avons tous ressenti à la fois de la tristesse et du soulagement de voir le souhait de Françoise exaucé. Elle voulait partir depuis si longtemps… »

Le lendemain, Jacques reprend son jet avec Sylvie, laissant à Thomas l’urne qui devra bientôt être livrée à Monticello. En arrivant dans sa vaste propriété, avec vue sur la mer, mais aussi d’où il aperçoit le cimetière du village, il se souvient de cette chanson de Charles Trenet, qu’il aimait tant fredonner autrefois avec Françoise. heureux. « Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de ces beaux jours ? Une photo, une vieille photo de ma jeunesse (…) Les mois d’avril, les rendez-vous. Un souvenir qui ne cesse de me hanter. » Constamment, oui, et désormais pour l’éternité.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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