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Les députés de Renaissance divisés sur le nouveau Premier ministre Michel Barnier

« Aucune majorité ne peut s’écrire sans nous. Aucun vote ne peut être remporté sans nous. » L’ancien Premier ministre Gabriel Attal, désormais chef des députés Renaissance, a une nouvelle fois mis en garde son successeur à Matignon, Michel Barnier, dans son discours d’introduction à la rentrée parlementaire de son groupe, mardi 10 septembre, à Rosny-sur-Seine. Les élus de l’ancienne majorité présidentielle se sont retrouvés au fin fond des Yvelines, au milieu des champs, dans un lieu habituellement utilisé pour des séminaires d’entreprises ou des mariages. Il n’est pas encore question d’une union avec Michel Barnier, issu des Républicains, mais le nouveau chef du gouvernement est tout de même venu dans la soirée « un apéritif républicain ». « Pour faire face à la situation grave dans laquelle se trouve notre pays, nous devons travailler ensemble »a exhorté le nouveau locataire de Matignon, promettant de respecter « toutes les sensibilités » du groupe présidentiel.

« Nous avons le droit d’être exigeants »Gabriel Attal l’avait réaffirmé plus tôt devant ses troupes. « Nous avons le droit de dire que notre soutien ne peut être tenu pour acquis (…) Nous ne sommes pas prêts à trahir nos valeurs.« L’ancien Premier ministre reprend ainsi la ligne du communiqué du parti présidentiel, publié jeudi après l’annonce du choix par Emmanuel Macron d’un homme politique qualifié de droite pour diriger le gouvernement : « Il n’y aura pas de censure automatique, mais des exigences sur le fond sans chèque en blanc. »

L’ancien Premier ministre n’hésite pas à exercer une forme de pression sur son successeur. A la tête du groupe Ensemble pour la République, qui compte 97 députés, il tente d’établir un rapport de force avec Matignon. Lors de la passation de pouvoir, il a ainsi demandé à Michel Barnier de s’engager sur le dossier scolaire ou sur celui de la « démicardisation ». « Des mesures devaient être présentées cet été, elles sont sur votre bureau, Monsieur le Premier Ministre »a-t-il déclaré. Avant d’être remis à sa place par l’ancien commissaire européen : « J’ai trouvé mon bureau un peu vide tout à l’heure. »

Officiellement, « les relations sont très bonnes, chaleureuses et amicales » entre les deux hommes, assure l’équipe de l’ancien ministre Chirac. L’entourage de Gabriel Attal n’utilise pas les mêmes mots, mais évacue aussi toute dissension : « Il est faux de suggérer que les relations sont tendues et qu’ils ne s’entendent pas bien, ils se parlaient presque tous les jours. » Dans les rangs des députés de la Renaissance, en revanche, certains expriment leur méfiance envers le nouveau Premier ministre. « C’est une déception teintée de colère et d’amertume »a réagi à l’annonce de la nomination de Michel Barnier par le député de la Manche, Stéphane Travert, membre de l’aile gauche.

« Nous devrons faire des compromis, mais pas au détriment de nos convictions et de nos valeurs. »

Stéphane Travert, député Renaissance

à franceinfo

« C’est un choix raisonnable, Barnier, on ne cherche pas quelqu’un qui brille, mais quelqu’un qui tient le coup. Et puis, je ne suis pas allé sur le plateau pour dire « c’est super » »résume un parlementaire, sans enthousiasme. « Je suis très inquiet quand j’entends le Barnier de 2021 (candidat malheureux à la primaire de la droite pour l’élection présidentielle de 2022). Est-ce qu’on va avoir ce Barnier-là ou le Barnier qui négocie le Brexit ? Pour l’instant, je ne sais pas. »ajoute un de ses collègues. « Nous souhaitons une relation de confiance, d’écoute et de respect, notamment par rapport aux résultats, à ce qui a été fait jusqu’à présent »ajoute la députée d’Ain Olga Givernet.

« Le groupe est divisé, avec 20 % inquiets, 20 % voyant cela comme une excellente nouvelle, et la majeure partie du groupe étant vigilant. »estime un député. Plusieurs voix demandent en tout cas de l’indulgence pour le nouveau gouvernement. « Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas être hostiles a priori à Michel Barnier. La réussite du pays est désormais la sienne. »estime Mathieu Lefèvre, député du Val-de-Marne et membre de l’aile droite. « On ne peut pas s’opposer à un Premier ministre choisi par le président de la République »ajoute un de ses collègues.

Toutefois, la loyauté envers le chef de l’État pourrait s’effriter. « Nous ne sommes plus dans la situation d’un groupe parfaitement aligné avec l’exécutif, en état de symbiose. Nous devons avoir notre propre liberté de ton »analyse un député. La dissolution décidée avant l’été par Emmanuel Macron a eu pour conséquence de libérer un certain nombre de députés de la tutelle de l’Elysée. « Nous avons été durement touchés et nous avons perdu beaucoup de nos collègues, c’était incroyablement violent »rappelle un autre. « La situation dans laquelle nous nous trouvons est en partie de sa faute »dit un de ses collègues.

« Nous avons le droit d’être en colère contre le président et ses erreurs. Il est temps de prendre la place qui nous revient par rapport à l’exécutif. »

Un député de la Renaissance

à franceinfo

Ce ressentiment nourrit la méfiance. Loin d’être enivrés par le « parfum de la cohabitation », les parlementaires de la Renaissance sont dans un état d’attente. « On ne sait pas où on va. Je ne sais pas si on est dans l’opposition ou dans la majorité. On sent qu’il pourrait y avoir une fracture dans le groupe si on s’écarte de certains sujets. »admet un député un peu perdu. « L« L’ambiance est compliquée au sein du groupe. Nous n’avons pas fait le plus difficile avec la nomination de Barnier. Nous n’avons ni programme ni majorité. »complète un autre. « Nous examinerons de près la composition du gouvernement et sa déclaration de politique générale »ajoute Olga Givernet.

« Un gouvernement Les Républicains serait un peu compliqué. (Michel Barnier) a intérêt à ne pas s’appuyer uniquement sur les 47 députés de droite et les ministres ex-LR démissionnaires, cela ne suffit pas à rassembler »prévient un autre député. Et tous les LR ne sont pas les bienvenus. « Le nom de Bruno Retailleau revient souvent et rebute certaines personnes ici »confie un député. De même, l’éventualité d’un ministère de l’Immigration inquiète un responsable du groupe : « C’est un symbole, un chiffon rouge. Même s’ils le nient, il ne vient pas de nulle part. » Pourtant, venant de LR, le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a suggéré aux députés Renaissance de poser des conditions à la participation au gouvernement, avec un engagement des futurs ministres à démissionner si elles ne sont pas respectées.

Quelles seront leurs lignes rouges ? De nombreux députés surveilleront l’attitude du nouveau gouvernement à l’égard des positions du Rassemblement national, notamment sur l’immigration. « Ce qui compte, ce sont les textes. Je ne mélange pas ma position avec celle du RN. (…) Et si, demain, LR veut revenir à l’AME (aide médicale d’État), ce sera sans moi »assure Stéphane Travert. « En aucun cas je ne voterais pour un texte négocié par le RN »soutient un ministre démissionnaire. « Je suis dans un territoire où sans immigration, il n’y a pas d’économie, où on ne récolte pas de concombres, de tomates ou de muguet »explique un député.

« Soit Michel Barnier comprend nos positions sur l’immigration, soit il suit le programme du RN et ferme tout, et c’est la fin. »

Un député de la Renaissance

à franceinfo

Dans les prochains mois, Renaissance n’est pas à l’abri de nouvelles divisions, notamment avec l’élection à la présidence du parti en novembre, qui devrait voir s’affronter Gabriel Attal et Elisabeth Borne. « Le clivage gauche-droite reprend le dessus. Les gens de l’aile droite de l’ancienne majorité peuvent se reconnaître dans le message de Barnier et ils l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux », note Stéphane Travert avec une pointe d’amertume. « C’est toujours le même conflit de fond gauche-droite qui réapparaît sous diverses formes, que ce soit le conflit Attal-Darmanin ou les pro et anti-Barnier »observe un dirigeant de Renaissance.

Deux députés ont déjà annoncé lundi leur départ de Renaissance pour rejoindre Horizons, le groupe d’Édouard Philippe. Des cadres d’Ensemble pour la République parlent « batailles internes » relatif à la répartition des postes à l’Assemblée et « questions locales » avec les élections municipales prévues en 2026. « Pour l’instant, je crois qu’il n’y a pas d’autres menaces de départ »rassure un parlementaire. Mais de nouvelles tensions pourraient secouer le bloc central, notamment en cas d’hésitation sur le vote d’une motion de censure contre le futur gouvernement Barnier. Les députés du Nouveau Front populaire ont promis d’en présenter une dès la reprise de la session parlementaire et le Rassemblement national laisse planer la menace. « Il faut éviter le piège. Les électeurs attendent de nous une attitude constructive et ne nous pardonneraient pas l’instabilité.estime un député proche du président. Mais nous devons aussi nous affirmer en tant que groupe sur nos lignes rouges et ne pas subir la séquence. » Une ligne de crête que les députés de la Renaissance sont condamnés à emprunter.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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