Il a fallu plus de quatre heures, vendredi 31 mai, au quatrième jour d’examen du projet de loi sur la fin de vie, pour que les députés se prononcent sur la création de « Maisons de soutien »sujet de l’article 2 adopté en fin d’après-midi lors d’un vote public par 46 voix pour et 17 contre à l’issue d’un débat animé.
Lors du débat général qui a débuté dans la matinée, les intervenants de la gauche comme de la majorité présidentielle ont d’abord salué à l’unanimité la création de ces nouveaux établissements d’accueil pour les malades en phase terminale et leurs soignants. « Félicitations pour cette initiative »lance la députée MoDem Geneviève Darrieussecq. « Une création que le groupe socialiste salue »poursuit la socialiste Christine Pires Beaune. « Un des articles les plus importants »soutient Élise Leboucher pour LFI. « Un projet profondément humaniste »insiste l’écologiste Sandrine Rousseau.
Les objections des Républicains et du Rassemblement national
Mais la droite et l’extrême droite feront entendre une autre histoire. « C’est un article inquiétant car derrière le terme amical de soutien, notre crainte est qu’il s’agisse en réalité de créer des Maisons où seront pratiqués les actes que nous dénonçons »tonne le LR Marc Le Fur. « Pouvons-nous, au sein d’une même Maison, assurer les soins et la mort ? »s’indigne Jocelyn Dessigny pour le RN en référence à « l’aide à mourir » prévue dans la deuxième partie du projet de loi.
L’attaque frontale donne l’occasion à la ministre du Travail, de la Santé et de la Solidarité, Catherine Vautrin, de recadrer le débat : « Une étude de janvier 2023 de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) montre que ces Maisons répondent à un besoin de prise en charge de certains patients, qui n’est pas encore couvert. Il y a des professionnels passionnés qui attendent des solutions. Nous les apportons. L’alliance de la gauche et de la majorité présidentielle fera le reste : les dix amendements déposés pour supprimer l’article sont rapidement rejetés à main levée.
Ces » Maisons « sont sans doute les dispositions les plus innovantes de la stratégie décennale pour le développement des soins palliatifs annoncée début avril par le gouvernement pour accompagner la partie 1 du projet de loi consacrée à ce sujet. Dans le « Rapport Chauvin » rendus publics en novembre 2023 – du nom du professeur de santé publique Franck Chauvin qui a présidé le groupe d’experts chargé d’élaborer les grandes lignes de ce plan décennal –, ils figurent dans la mesure 4 sur 15.
Des espaces d’accueil « comme à la maison »
Le document recommande de développer « petites structures (12 à 15 lits en hébergement permanent » qui aura une double mission : accueillir « des patients en fin de vie dont l’état est stabilisé mais qui nécessitent toujours des soins spécialisés et dont le retour à domicile n’est pas possible » Et « être un lieu de répit temporaire pour leurs soignants ».
Des établissements d’un type nouveau, intermédiaire entre le domicile et l’hôpital, qui devraient permettre, selon l’étude d’impact du projet de loi, d’éviter de prolonger inutilement les séjours dans les unités de soins palliatifs, réservées aux cas complexes, tout en garantissant aux patients un accompagnement médical approprié dans un lieu accueillant et ouvert » Comme à la maison « .
L’idée n’est pas nouvelle. Au Royaume-Uni, plus de deux cents « hospices » accompagner chaque année 300 000 personnes en fin de vie et leurs proches. En Belgique, pays qui a légalisé l’euthanasie en 2002, plusieurs projets pilotes ont été lancés récemment. En France, il existe déjà quelques « Maisons de vie »comme celui de L’Astrolabe, dans le Tarn, qui préfigure ce que pourraient être ces futures unités.
L’article 2 du projet de loi a justement pour objectif d’établir le cadre juridique de ce nouveau modèle en l’inscrivant dans le Code de l’action sociale et des familles. Dans l’exposé des motifs qui accompagne le texte, le gouvernement a prévu que l’ouverture de ces Maisons serait autorisée par les agences régionales de santé après vérification de leur conformité au cahier des charges national qui reste à définir. Leur financement est assuré par une assurance maladie et une redevance journalière à la charge des personnes accueillies.
La mort et les lois du marché
Mais lors de l’examen du texte en commission spéciale, les députés s’inquiéteront surtout du fait que des opérateurs du lucratif secteur privé pourraient figurer parmi les porteurs du projet. D’où l’amendement adopté le 14 mai pour l’interdire. Le débat que l’on croyait clos va resurgir de manière passionnée dans l’hémicycle à travers l’amendement 3003 déposé par le rapporteur du titre 1, le député Renaissance Didier Martin, qui propose de réintégrer le lucratif secteur privé dans le système avec « avis favorable » du ministre.
« Pas de fonds d’investissement pour notre fin de vie », déclare d’emblée le rebelle René Pilato. « La mort ne peut être soumise aux lois du marché. C’est une ligne rouge »ajoute l’écologiste Sandrine Rousseau. « C’est une question d’éthique. Ne me faites pas regretter mon soutien à cet article »prévient le communiste Pierre Dharréville. « Il est essentiel que ces Chambres évitent le profit. C’est une question de décence. »soutient avec véhémence l’élue de la Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet.
L’affaire a été entendue : soumis au vote du public, l’amendement Martin a été balayé par 62 voix contre et 12 pour. Reste maintenant à déployer ces « maisons de soutien ». Sans attendre la promulgation de la loi, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé par le ministère de la Santé, espérant qu’une dizaine de projets puissent aboutir d’ici 2025. « A terme, il est prévu d’avoir 100 maisons, actualise l’étude d’impact, ce qui représenterait un coût annuel de 97 millions d’euros.