les déchets faiblement radioactifs pourraient être recyclés dans des fourchettes ou des casseroles
9 octobre 2024 à 9h39
Mis à jour le 9 octobre 2024 à 14h45
Temps de lecture : 5 minutes
Recycler les déchets très faiblement radioactifs (ATF) pour faire des casseroles ou des fourchettes ? Il ne s’agit pas ici d’un scénario de science-fiction, mais du projet très sérieux de « technocentre » de Fessenheim (Haut-Rhin) : une usine destinée à récupérer les métaux faiblement radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires, pour les réutiliser ensuite dans l’industrie conventionnelle. Une première en France.
Jusqu’en 2022, la loi française interdit la valorisation des déchets ATFbasé sur le principe de zonage qui considère que tous les déchets d’une installation nucléaire sont radioactifs. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) elle-même s’y était initialement opposée, craignant que des matières radioactives se retrouvent malheureusement en contact avec le public, comme l’explique Reporterre en 2023.
Ce « principe de précaution » Le style à la française était donc une exception en Europe, jusqu’à ce qu’un arrêté ministériel publié en février 2022 rende possible le recyclage des déchets. ATF par dérogation et sous certaines conditions. La loi française ainsi modifiée (et sans aucun débat parlementaire), il devint enfin possible d’implanter ce fameux technocentre, imaginé par EDF depuis 2018. Et l’implantation envisagée n’est pas anodine : il s’agit de la construire à côté de l’ancienne centrale nucléaire de Fessenheim, à l’arrêt depuis 2020. Compte tenu de l’ampleur et de la sensibilité du projet, il fera l’objet d’une quatre- débat public d’un mois, qui débutera le 10 octobre 2024 à Fessenheim, et se terminera le 7 février 2025.
500 000 tonnes de métaux faiblement radioactifs
Concrètement, cette déchetterie consiste en une immense fonderie dotée d’un four à arc électrique pouvant atteindre 1 650°C. Les métaux issus des installations nucléaires y fondront alors, et les éléments radioactifs migreront vers la surface, formant une couche moins dense appelée « le laitier » qui peuvent être facilement retirés puis renvoyés dans les centres de stockage de déchets radioactifs. Le reste du métal sera ensuite transformé en lingots d’une vingtaine de kilos, destinés à l’industrie métallurgique conventionnelle.
« Cela permettrait de traiter 500 000 tonnes de métaux faiblement radioactifs sur une période de quarante ans. »a annoncé Laurent Jarry, ancien directeur du site EDF de Fessenheim, lors d’une présentation du projet lors d’une conférence de presse le 8 octobre.
Normalement, 85 % de ces déchets pourraient être entièrement refondus, le 15 Le % restant sera restitué aux centres de stockage : « L’idée est en effet d’optimiser les filières de stockage en plus de la réutilisation des métaux »a admis Laurent Jarry. Comprendre : ralentir l’accumulation de déchets faiblement radioactifs dans des centres de stockage déjà sous pression. Si la consultation publique est favorable au projet, et que tous les autres feux sont au vert, le chantier pourrait débuter en 2027, pour une mise en service prévue fin 2031.
« Imaginez cette ferraille radioactive qui finit dans les ressorts de votre matelas »
Malgré les grandes ambitions de ce projet, qui coûterait près de 500 millions d’euros et permettrait la création de 200 emplois dans la région, les inquiétudes sont légion. Le plus fort concerne la traçabilité des matières « décontaminé » qui quittera le technocentre. Dans le produit recyclé, il restera toujours une infime partie de radioactivité, variable selon le métal, comme le montre la Commission indépendante de recherche et d’information sur la radioactivité (Criirad) dans ses travaux de 2021 et relayés par Reporterre.
« Imaginez qu’un jour, cette ferraille radioactive finisse dans les ressorts de votre matelas, dans vos casseroles, ou encore dans la partie métallique de la poussette de votre bébé… C’est une façon de diffuser la radioactivité. »dénonce André Hatz, du collectif Stop Fessenheim.
Face à cela, EDF promet des contrôles intensifs et extrêmement précis, sans toutefois parvenir à rassurer les associations antinucléaires, qui n’ont plus confiance dans le secteur : « Combien de fois apprend-on dans la presse qu’il y a eu des contrefaçons et des falsifications sur les chantiers nucléaires ? ? Le dernier en date était surREP de Flamanville. Alors, comment pouvons-nous être sûrs que seuls les déchets ATF j’irai dans ce technocentre ? » demande Jean-Marie Brom, physicien et membre du Groupe de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN). Tout comme André Hatz, il participera au débat public : « Nous ne nous faisons aucune illusion sur l’issue de ce débat, mais si nous y participons c’est pour tenter de contrer les fausses informations. »
Associations, habitants, entreprises, collectivités locales… « Absolument tout le monde peut participer à ce débat public »a rappelé Jean-Louis Laure, président de la Commission spéciale du débat public (CNDP) sur le technocentre de Fessenheim, lors de la conférence de presse d’ouverture du débat. Après une carrière de directrice de communication dans le secteur de l’habitat puis de consultante, cette septuagénaire assume aujourd’hui le rôle de « indépendance et neutralité » qui incombent à sa fonction. Face aux compliments un peu trop chaleureux du représentant deEDFil souligne : « Quand la commission du débat public reçoit immédiatement de vifs remerciements du porteur du projet, c’est un peu suspect »réaffirmant ainsi l’impartialité du débat public. Les échanges seront également systématiquement traduits en allemand, le projet concerne également la population outre-Rhin.
En pratique, la concertation se déroule sur plusieurs événements : réunions locales, réunions, points de contact et visites d’infrastructures. EDFà laquelle chacun peut participer à condition de s’inscrire en ligne. Le calendrier complet peut être consulté sur le site Internet de CNDP.
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