Le jeudi 10 octobre 2024 au matin, Marie Seiller, une jeune artiste brestoise, se réveille et n’arrive plus à se connecter à son compte Instagram. Quelqu’un l’a piraté dans la nuit, a changé le mot de passe, l’adresse email associée et activé la double authentification. L’illustratrice a tenté à plusieurs reprises de reprendre le contrôle de son compte, sans jamais y parvenir. De son propre aveu, elle n’avait pas encore les bons réflexes en matière de cybersécurité. Une fuite de données a très certainement conduit à ce piratage : elle utilisait le même mot de passe pour plusieurs services. Depuis le 22 octobre, elle a retrouvé son compte, mais garde l’amertume d’avoir été laissée seule face à ce combat.
Elle contacte Instagram, la Cnil, la police en vain
«Pendant presque deux semaines, j’étais occupée à récupérer mon compte à plein temps», raconte-t-elle. Évidemment, le compte volé est utilisé pour suivre d’autres comptes, sans publier ni contacter d’autres personnes. « Le type aurait très bien pu se faire passer pour moi pour tenter d’arnaquer mes amis ! », s’inquiète-t-elle dans un premier temps. A l’époque, le piratage de son compte avait encore des conséquences : ses 500 cartes de visite contenant son compte Instagram devenaient obsolètes ; elle ne peut plus recevoir de potentielles commandes ; le temps investi quotidiennement dans la publication de contenu pour vous rendre visible a été vain.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour contacter le support du réseau social, et après avoir contacté la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), autorité indépendante spécialisée dans la protection des données personnelles, elle s’est rendue au commissariat de Colbert. La Brestoise de Saint-Renan repart avec un prospectus de la plateforme THESEE, créée pour recueillir les plaintes en ligne liées aux arnaques sur Internet. « Moi, bêtement, j’avais imprimé une feuille avec, pour aider, les informations laissées par le hacker : l’adresse email, une connexion détectée depuis Villiers-le-Bel, dans le Val-d’Oise… Comme si quelqu’un allait me recevoir», raconte Marie Seiller.
« J’ai fondu en larmes »
Elle remplit le formulaire de plainte en ligne, mais elle ne rentre pas dans les cases. Pour que le piratage soit signalé, l’auteur doit demander une somme d’argent à ses contacts. Marie appelle quelqu’un de sa famille, impliqué dans la gendarmerie et spécialisé dans ces questions. «J’ai fondu en larmes», confie-t-elle. Pour la première fois depuis le début de son combat, quelqu’un prend le temps de l’écouter et lui dit qu’on va essayer de l’aider. Sur sa suggestion, la jeune artiste a signalé le piratage sur la plateforme Pharos.
Douze jours de stress et de solitude
Après avoir parcouru la documentation en ligne, une de ses amies a trouvé une solution : payer. Elle prend un abonnement Meta (la société qui possède Instagram mais aussi Facebook et WhatsApp), pour 13,99 € par mois. Avec cet abonnement, elle a accès à une assistance en ligne. Première réponse reçue : « La seule raison qui nous permettrait de fermer le compte, à l’heure actuelle, serait qu’il ne respecte pas les règles d’utilisation du réseau social ». Marie s’impatiente et s’offusque : « Depuis quand l’usurpation d’identité respecte-t-elle les conditions d’utilisation ? « . Elle réessaye après ce premier refus et récupère enfin son compte, après douze jours de stress et de solitude.
« Si on n’utilise pas Instagram, c’est perdu d’avance »
Le plus cruel dans cette histoire, c’est que Marie Seiller n’a jamais aimé ce « jeu », celui des réseaux sociaux. Avant de troquer son métier d’architecte pour celui d’illustratrice, il y a un an, elle possédait un vieux téléphone à clavier numérique, un forfait à 2 € et n’avait même pas d’abonnement Internet chez elle. « Mes amis artistes m’ont dit : ‘Si tu ne le joues pas, c’est perdu d’avance’. » Désormais, elle revient avec amertume sur le temps passé sur cette plateforme devenue incontournable. « C’est comme si quelqu’un avait volé les clés de mon atelier. Là, je m’y remets, mais j’ai envie de bouger.