« Les croisiéristes sont pleinement conscients qu’ils doivent développer des solutions plus vertes »
Comment expliquez-vous la reprise spectaculaire de la croisière ?
On a tendance à l’oublier, mais la croisière est un secteur ancien qui a traversé de nombreuses crises. Rappelons-nous le terrorisme en Méditerranée dans les années 1980 (la saisie du paquebot italien « Achille Lauro » avec ses passagers par un commando palestinien en octobre 1985, ndlr), ou l’impact de la crise sanitaire avec le SRAS en 2003-2004.
La différence entre la croisière et le reste du transport maritime est que ce secteur a été le seul, lors de la pandémie de Covid, à s’être totalement arrêté. En 2022, il sort d’un long coma. Son rétablissement est dû à la liberté retrouvée, à l’envie de reprendre une vie normale, à une envie de voyager et d’insouciance. La croisière propose toujours des « packages » à des prix hyper attractifs. Elle s’est aussi diversifiée depuis plusieurs années avec l’arrivée de nouveaux bateaux et, si la course au gigantisme continue, on trouve désormais une nouvelle offre avec des paquebots de croisière d’exploration. Cette segmentation permet de répondre à de nombreuses attentes. Par ailleurs, l’absence de faillites retentissantes – malgré des pertes considérables – est à souligner, contrairement à ce qui s’était passé après le 11 septembre 2001. Les actionnaires, les banques, les Etats ont soutenu le secteur. Les carnets de commandes de navires, qui se sont étalés sur de nombreuses années avec la crise sanitaire, ont été peu touchés.
Pourtant, le secteur ne manque pas de défis avec, entre autres, le prix des produits pétroliers qui reste élevé, ou encore la décarbonation…
Et le surtourisme d’abord ! La capacité des ports à accueillir des paquebots est un sujet clé. L’avantage de la croisière, cependant, est sa flexibilité : vous pouvez changer la destination du navire. La création de nouvelles destinations est aussi matière à réflexion pour les armateurs. Pour en revenir à la décarbonation, c’est un sujet très compliqué qui touche l’ensemble du transport maritime qui représente, rappelons-le, environ 3% des émissions de gaz à effet de serre.
De nombreuses solutions innovantes pour les réduire ont été développées et mises en œuvre avec, par exemple, la propulsion bi-carburant (GNL). Leur mise en œuvre est difficile et lente dans le transport de marchandises. Au rythme actuel de renouvellement, cela peut prendre 100 ans pour y parvenir. L’industrie de la croisière, soucieuse de son image, est certainement à l’avant-garde de cet effort pour réduire non seulement toute la consommation énergétique du navire (propulsion, climatisation, éclairage, etc.) mais aussi pour améliorer grandement tout ce qui touche aux eaux. déchets, gestion des déchets.
François Cadiou, président du courtier maritime BRS Brokers.RD
Depuis quelques années, on assiste à l’arrivée d’une nouvelle génération de paquebots alimentés au gaz naturel liquéfié. Est-ce la voie principale ?
Différentes pistes se dessinent dans le transport maritime en général car, au fond, les paquebots et les cargos (vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs) ont le même problème. Au-delà du GNL, la propulsion au méthanol, à l’ammoniac et aux biocarburants sont des pistes très sérieuses. La propulsion par voile est également envisagée. Ainsi, les Chantiers de l’Atlantique travaillent sur de nombreux projets de paquebots à voile. Les compagnies de croisières sont pleinement conscientes qu’elles doivent répondre aux attentes de leurs clients et de l’opinion publique et développer des solutions plus vertes. Ce qui me rend confiant, c’est la capacité d’investissement de tous les acteurs du secteur.
