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Les corps de centaines d’alpinistes découverts… Avec la fonte des glaces, l’Everest révèle ses fantômes

Parmi ceux qui ont gravi cette année le plus haut sommet de l’Himalaya se trouvait une équipe dont l’objectif n’était pas d’atteindre le sommet de 8 849 mètres, mais de descendre les vestiges oubliés.

Au péril de sa vie, elle a déjà récupéré cinq corps gelés, dont un à l’état de squelette, puis ramenés à Katmandou, la capitale népalaise.

Deux personnes ont été pré-identifiées en attendant des « tests approfondis » pour confirmer leur identité, selon Rakesh Gurung, du ministère népalais du Tourisme. Ceux qui ne peuvent pas être incinérés le seront probablement.

Cette campagne népalaise pour nettoyer l’Everest et ses sommets voisins, le Lhotse et le Nuptse, est macabre, difficile et dangereuse.

Sur cette photo prise le 16 mai 2024 et diffusée par l’armée népalaise, des soldats chargent des corps gelés récupérés de l’Everest dans une ambulance pour la crémation à l’aéroport international Tribhuvan de Katmandou. Direction des relations publiques et de l’information de l’armée népalaise/AFP / -.

« En raison des effets du réchauffement climatique, les corps et les déchets deviennent de plus en plus visibles à mesure que la couverture neigeuse diminue »raconte à l’AFP Aditya Karki, major de l’armée népalaise à la tête d’une équipe de 12 militaires et 18 alpinistes.

Plus de 300 personnes sont mortes au sommet depuis le début des expéditions dans les années 1920, dont huit au cours de la seule dernière saison.

De nombreux corps sont restés sur place, certains cachés par la neige ou dans de profondes crevasses. D’autres, toujours vêtus de leur équipement d’escalade coloré, sont devenus des points de repère pour les grimpeurs, portant des surnoms comme « Bottes vertes » ou « La Belle au bois dormant ».

« La zone de la mort »

« Il y a un effet psychologique »explique le major Aditya Karki.

« Les gens croient qu’ils entrent dans le territoire divin lorsqu’ils escaladent des montagnes, mais s’ils voient des cadavres en cours de route, cela peut avoir un effet négatif. »

De nombreux corps sont retrouvés dans « zone de la mort »où les faibles niveaux d’oxygène augmentent le risque de mal aigu des montagnes et peuvent éventuellement être mortels après un certain temps.

Il a fallu 11 heures pour libérer l’un des cadavres coincés dans la glace jusqu’au torse, et utiliser de l’eau chaude pour le libérer et l’extraire avec une hache.

Sur cette photo prise le 26 avril 2018, des tentes sont visibles au camp de base de l’Everest, à environ 140 km au nord-est de Katmandou. AFP/Archives / Prakash MATHEMA.

« C’est extrêmement difficile »insiste Tshiring Jangbu Sherpa, qui a dirigé l’expédition de récupération du corps. « Retirer le corps est une chose, le démonter en est une autre. »

Selon le guide, certains corps sont encore quasiment tels qu’ils étaient au moment de leur décès, habillés en tenue complète, avec crampons et harnais.

L’un d’eux, intact, vient de perdre un gant.

« Des montagnes transformées en cimetière »

La récupération corporelle en haute altitude reste un sujet controversé dans la communauté des alpinistes. C’est une entreprise qui coûte des milliers de dollars et nécessite jusqu’à huit sauveteurs pour chaque corps.

En altitude, il est difficile de transporter de lourdes charges, mais un cadavre peut peser plus de 100 kilos.

Pour Aditya Karki, cet effort est cependant nécessaire.

Des ouvriers trient les déchets collectés sur le mont Everest pour les recycler à Katmandou, le 12 juin 2024 AFP/Prakash MATHEMA.

« Nous devons les ramener autant que possible. »déclare-t-il. « Si nous continuons à les laisser derrière nous, nos montagnes se transformeront en cimetières. »

Lors des missions, les corps sont souvent enveloppés dans un sac puis descendus en traîneau.

Un corps retrouvé près du sommet du Lhotse, le quatrième plus haut du monde à 8 516 mètres, était l’un des plus difficiles à descendre, témoigne Tshiring Jangbu Sherpa.

« Le corps était gelé, les mains et les jambes écartées. » « Nous avons dû le transporter tel quel au camp 3, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a pu être transféré sur un traîneau. »

Alpinistes disparus

Pourtant, l’Himalaya garde encore bien des secrets.

Si le corps de George Mallory, alpiniste britannique disparu en 1924, a finalement été retrouvé en 1999, celui de son compagnon d’escalade, Andrew Irvine, n’a jamais été retrouvé. Leur appareil photo non plus, qui pourrait fournir la preuve d’une ascension réussie susceptible de réécrire l’histoire de l’alpinisme.

L’ensemble de la campagne de nettoyage, dotée d’un budget de plus de 600 000 dollars, a mobilisé 171 guides et porteurs népalais pour ramener 11 tonnes de déchets.

Sur cette photo prise le 12 juin 2024, des ouvriers trient les déchets collectés sur le mont Everest pour les recycler à Katmandou. Des tentes fluorescentes, du matériel d’escalade désaffecté, des bouteilles de gaz vides et même des excréments humains jonchent la route menant au sommet. AFP/Prakash MATHEMA.

Des tentes fluorescentes, du matériel d’escalade désaffecté, des bouteilles de gaz vides et même des excréments humains jonchent la route menant au sommet.

« La montagne nous a donné tellement d’opportunités »observe Tshiring Jangbu Sherpa, « il faut leur rendre, il faut enlever les déchets et les corps. »

Désormais, les expéditions sont obligées d’éliminer les déchets qu’elles produisent. « Les déchets de cette année devraient être ramenés par les montagnards »souligne M. Karki. « Mais qui ramènera les vieux déchets ?

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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