Les constructeurs automobiles se retrouvent entre le marteau et l’enclume
La réduction des émissions de CO2 imposée aux constructeurs européens est certes bien intentionnée. Mais elle risque à terme de précipiter leur chute. C’est le thème abordé par la newsletter Watt Else du 18 juillet.
Les opposants à l’électrique accusent souvent les constructeurs automobiles de trop en faire pour promouvoir les voitures électriques. Ce qu’ils semblent ignorer, c’est que les constructeurs n’ont tout simplement pas le choix. Toutes les marques doivent absolument vendre davantage de modèles électriques en Europe, sous peine de payer des amendes astronomiques.
Il s’agit de l’histoire du CAFE. Pas de la boisson caféinée, et encore moins de la marque qui a inspiré le jeu de mots avec le nom de la newsletter. Elle est malheureusement beaucoup moins savoureuse, bien qu’elle ne soit pas dénuée de piquant. Il s’agit de la réglementation européenne Corporate Average Fuel Economy (CAFE de son petit nom). Les constructeurs sont contraints de réduire les émissions de CO2 de tous les modèles vendus pour rester en dessous des seuils fixés par l’Europe. Ce seuil – déjà compliqué à atteindre – sera abaissé en 2025.
1 véhicule sur 4 électrique pour limiter les dégâts
Pour atteindre l’objectif de 81 g/km d’ici 2025, les constructeurs automobiles sont contraints de mettre les bouchées doubles pour limiter les émissions de CO2 des véhicules vendus. Si bon nombre de constructeurs sont parvenus à approcher le seuil actuel de 95 g/km, le nouvel objectif constitue un défi. D’autant plus si les ventes de véhicules électriques continuent de stagner en Europe.
Pour être dans les temps, tous les constructeurs doivent vendre 25% de véhicules électriques. Et encore, cela n’est valable que si le reste des modèles vendus en Europe ne sont pas trop polluants. C’est aussi pour cela que les gros moteurs thermiques disparaissent peu à peu. Les constructeurs ont aussi remplacé les simples moteurs thermiques par des micro-hybrides (MHev), chaque gramme de CO2 économisé est bon à prendre.
Les voitures électriques représentent 17% des parts de marché en France. Il y a donc un énorme pas à franchir avant que cette part atteigne et dépasse les 25%, et encore plus 25% pour l’ensemble des constructeurs. Certaines marques n’ont parfois qu’un seul modèle 100% électrique au catalogue, Suzuki en a même 0 jusqu’à l’année prochaine.
Le CAFE est très amer
En cas de dépassement du seuil d’émission, l’amende est de 95 euros par gramme de CO2 émis en trop. Un taux à multiplier par le nombre de voitures vendues dans l’année. Certains constructeurs auraient donc tout intérêt à ne plus vendre de voitures, plutôt que de risquer de vendre des véhicules thermiques qui augmentent les émissions de CO2 au-delà du seuil. Cela va commencer à être particulièrement compliqué comme exercice d’équilibre, surtout si les clients finaux se détournent des véhicules électriques dans les années à venir.
Selon les experts du secteur, les pénalités financières pourraient atteindre entre 7,5 et 10 milliards d’euros. Théoriquement, le groupe Volkswagen pourrait devoir payer 4 milliards de cette somme. Les groupes Stellantis et Renault pourraient devoir chacun verser 1 milliard, de quoi faire fondre les profits de nos constructeurs nationaux. Cette pénalité financière est loin d’être indolore. Il pourrait même s’agir de mettre en péril la survie des constructeurs européens.
Des mariages de complaisance sont à prévoir
Les marques 100% électriques, comme Tesla, se frottent les mains. Grâce à cette réglementation CAFE, elles sont courtisées avec insistance pour mutualiser les ventes avec des groupes plus « polluants ». Certains constructeurs chinois parviendront aussi à passer d’ennemi mortel à futur fiancé.
C’est ainsi que se forment des mariages arrangés entre groupes industriels pour tenter d’équilibrer les émissions. Volkswagen profiterait grandement du bon bilan de Tesla en matière d’émissions de CO2, mais ce petit arrangement coûte aussi très cher !
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