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les conseils du psychiatre Pierre Philip pour prévenir la dépression

les conseils du psychiatre Pierre Philip pour prévenir la dépression

LSes influenceurs de bonne humeur 365 jours par an lui ont mis le feu. « C’est simple, sur Instagram et sur TikTok, tout le monde est toujours de bonne humeur ! » tempête-t-il. En maillot de bain ou devant une assiette d’épinards au boulgour de carottes. Et ainsi? « Et donc, dans la vraie vie, personne ne peut être de bonne humeur tout le temps. L’ambiance varie. Mais ces variations peuvent être très invasives, particulièrement dans ces quelques années post-Covid, chiffres à l’appui. Les périodes de dépression, les jours bleus sont inhérents à la condition humaine mais, en ce moment, nous sommes assaillis par des questions existentielles, des difficultés quotidiennes. Et surtout nous sommes condamnés à répondre à une injonction insupportable : la bonne humeur. » Le professeur Pierre Philip, psychiatre au CHU de Bordeaux, dirige une équipe de recherche spécialisée dans le sommeil et les troubles mentaux. Lui-même n’est pas de bonne humeur tous les matins…


Pierre Philip, psychiatre au CHU de Bordeaux, dirige l’unité du sommeil Sanpsy.

Claude Petit / SO

Votre livre s’intitule « Antidépression ». La dépression est-elle une maladie au même titre que la dépression ? Si non, quelle est la différence entre les deux ?

La dépression est un état de morosité qui, s’il persiste plus de trois jours par semaine et pendant deux semaines, peut se transformer en maladie, la dépression. La dépression n’est pas une maladie, c’est un état totalement inhérent à tout être humain. En clair, si depuis plus de deux semaines vous dormez peu ou mal, vous vous sentez triste, anxieux, au ralenti, sans envie, des idées noires… vous êtes malade, vous devez consulter. Mon livre propose des évaluations puis des techniques de prévention en santé mentale avant de tomber réellement malade.

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Pas besoin de se lancer dans un marathon ou des séances de musculation pour ressentir les premiers effets positifs de l’activité physique. L’important est d’éviter les périodes excessives de sédentarité. Pour cela, il suffit de profiter de chaque occasion pour bouger : se lever de sa chaise, parler au téléphone debout, monter et descendre les escaliers, marcher activement, etc.

« En France, nous sommes confrontés à une épidémie de déficit de sommeil qui augmente les inflammations légères du cerveau »

Vous dites que la dépression est inhérente à tout être humain. De quoi parles-tu?

Des jours sans. Les jours où on se lève, on n’a pas bien dormi, on ne veut rien, on se sent triste, désillusionné. L’humeur est comme l’appétit, elle fluctue. Nous vivons une période particulièrement difficile et, depuis le Covid, toutes les études font état d’une souffrance psychologique avérée. Je commence dans ce livre en m’insurgeant contre le diktat des 365 jours au sommet, ça n’existe pas, c’est une fausse idée relayée par les réseaux sociaux. Nos amplitudes entre les moments où le moral est bas et les moments où il est élevé sont parfois très importantes, ce qui devient difficile à gérer au quotidien. A travers ce livre préventif, j’ai voulu permettre aux personnes qui le souhaitent de pouvoir réduire cette amplitude entre le « up » (haut, NDLR) et le « down » (bas).

Pourtant la vie continue de générer des angoisses, des inquiétudes, des frustrations qui légitiment les fluctuations du moral. Comment devrions-nous procéder pour réguler notre souffrance, la tenir à distance ?

Je ne change pas le monde. Je suis un scientifique, je suppose qu’il existe des déterminants biologiques. L’inflammation de bas grade et le stress oxydatif, en particulier, sont des mécanismes impliqués dans l’apparition de la dépression. Ces facteurs physiopathologiques jouent bien entendu également un rôle dans la dépression. Ma proposition, dans cet ouvrage, n’est pas une chimère, je ne propose aucune solution pour guérir, mais une méthode validée pour prévenir la dépression. Par exemple, on sait très bien qu’aujourd’hui en France nous sommes confrontés à une épidémie de déficit de sommeil qui augmente les inflammations légères du cerveau. Maintenir un bon sommeil, avec une activité physique régulière et une alimentation équilibrée, constitue la base du programme de six semaines.

À moins qu’on n’ait pas envie de se lever le matin pour aller faire du sport parce qu’on est trop déprimé, non ?

En effet. Alors on va commencer par une marche de cinq minutes, c’est déjà un premier pas contre le bourdon, le blues, le blues. Nous travaillerons sur tous les déterminants : activité physique, alimentation, sommeil. Des gestes simples qui, combinés les uns aux autres, auront le pouvoir de récupérer un niveau d’énergie suffisant pour réguler nos fluctuations d’humeur.

« Ce livre est conçu comme un carnet de santé, une arme de défense »

Vous présentez « l’antidépression » comme un « outil » qui peut permettre à chacun de prendre le contrôle de sa baisse de moral et, à terme, de s’améliorer. Comment s’y prendre ?

La première partie de l’ouvrage est une auto-évaluation, avec un questionnaire de base auquel chacun peut répondre, sur le sommeil, l’alimentation, la socialisation, l’activité physique, la vie au travail, la vie affective, etc. Puis, dans la deuxième partie, nous proposons une Programme de six semaines où l’on introduit des focus psychologie qui répertorient les comportements toxiques, les mauvaises habitudes… Petit à petit, nous amenons les gens à réorganiser leur quotidien en se fixant des objectifs. -visites d’eux-mêmes qui évolueront semaine après semaine, avec un bilan à mi-parcours. Ce livre est conçu comme un carnet de santé, une arme de défense.

D’accord, mais peut-on aussi frapper directement à la porte d’un psychologue ?

C’est vrai, si la situation est enkystée, aggravée, alors oui, il ne faut pas hésiter à consulter. Mais avant d’en arriver là, on peut commencer à travailler sur soi en se mobilisant chaque jour autour d’un fil conducteur que chacun adaptera en fonction de sa condition. La dernière étude de Santé publique France sur la santé mentale des jeunes montre que 40 % d’entre eux déclarent être régulièrement déprimés depuis le Covid, mais tous ne frappent pas à la porte des psychologues. Tout d’abord, nous manquons de psychologues, et parfois les obstacles sont financiers.

Dormir, manger plus sainement et marcher pourraient-ils suffire à résoudre une partie du problème ?

Derrière la promesse du livre se cache un message de santé publique. Adopter des comportements non médicamenteux est une étape, oui, en effet. Et éviter d’attaquer la montagne par la face nord, une autre étape. Marcher quand on ne se sent pas bien est un début vers un meilleur bien-être. Pour commencer. Nous prenons tous des coups à la tête mais, si nous trouvons la capacité de consolider notre base biologique en cessant de nous accrocher à une ancre qui nous fait plonger plus bas, préférant la bouée qui nous ramène à terre, nous résistons mieux et nous avons les clés. à la prévention.

« Antidéprime », de Pierre Philip, éditions Albin Michel, 20,90 €, e-book 14,99 €.

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