Les comptes de la Sécurité sociale jugés hors de contrôle
Alerte rouge pour la Sécurité Sociale. La page de la pandémie de Covid est peut-être tournée, mais son déficit va se creuser dans les années à venir, prévient Ce Mercredi dans un rapport de la Cour des comptes, qui s’alarme d' »une perte de contrôle des comptes sociaux ».
Face à une situation « intenable », l’institution financière prévient le gouvernement qu’il est « impératif » de mettre en œuvre des « réformes profondes ». Par exemple, en maîtrisant le coût des indemnisations en cas d’arrêt de travail, en annulant les exonérations de cotisations sociales ou en contrôlant davantage le coût des médicaments.
Limiter les dépenses
Les grandes lignes du tableau sont connues. À la fin de l’année dernière, le déficit de la Sécurité sociale avait certes été réduit par rapport aux années Covid mais il s’est révélé plus important que prévu, aux alentours de 11 milliards d’euros. « Il n’y a pas eu de réels efforts pour économiser de l’argent », a déclaré devant les journalistes le premier président de la Cour, Pierre Moscovici.
Cette année, le déficit devrait rester au même niveau. A condition toutefois de freiner l’évolution des dépenses de santé qui ont bondi l’an dernier. « Il va falloir faire des économies nettement plus importantes que ces dernières années, ce n’est pas compliqué car il n’y en a pas », a déclaré Pierre Moscovici.
Point de bascule
Dans les années à venir, les dérapages vont d’ailleurs se poursuivre, malgré la réforme des retraites qui n’aura que des effets progressifs. Résultat : le déficit devrait être supérieur à 17 milliards d’euros en 2027.
Et là encore, selon la Cour, ce scénario est « optimiste ». En raison des hypothèses macroéconomiques retenues, mais aussi parce qu’elle suppose de limiter la hausse des dépenses de santé à 3 % par an. Un défi compte tenu de la dynamique actuelle soutenue par le vieillissement de la population. Un défi également au vu des nouvelles dépenses déjà prévues, par exemple pour mieux rémunérer les médecins.
L’ampleur du déficit en 2027 constitue un « point de bascule », prévient la Cour des comptes. Elle risque de placer la Sécurité sociale dans une situation de « grande fragilité financière ». Car la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) est censée baisser le rideau en 2033.
Même si sa durée de vie était prolongée indéfiniment, ce qui nécessite de franchir l’obstacle du Parlement, cela « stabiliserait à peine la dette sociale à son niveau actuel et ne la réduirait plus », prévient la Cour des comptes.
Moins d’indemnisation pour les arrêts de travail
D’où l’appel à engager des réformes le plus rapidement possible. Pour augmenter les recettes de la Sécurité sociale, la Cour se garde bien de faire de la politique en préconisant de nouveaux prélèvements.
Elle suggère néanmoins de se pencher sur les exonérations de cotisations sociales prévues pour les compléments de salaire comme les chèques repas, les primes, les heures supplémentaires, etc. Autant de « niches sociales » qui ont représenté un manque à gagner de 18 milliards d’euros en 2022.
La Cour recommande également de s’attaquer à l’augmentation du coût des arrêts de travail, une piste déjà évoquée à plusieurs reprises par le gouvernement mais jamais explorée très loin. Pour contenir cette facture – de 12 milliards d’euros en 2022 – la Cour distingue plusieurs pistes. De quoi, selon elle, réaliser des économies de l’ordre de 500 millions à 1 milliard d’euros par an.
Plusieurs options
Le gouvernement pourrait par exemple réduire la durée maximale d’indemnisation de trois à deux ans – à condition que les pathologies chroniques soient mieux prises en charge. La Cour suggère également une suppression de l’indemnisation par l’Assurance maladie pour les arrêts de travail inférieurs à huit jours ou encore un allongement du délai au-delà duquel la Sécurité sociale intervient pour indemniser les personnes malades de trois à sept jours.
À première vue, ces deux options peuvent paraître équivalentes, mais allonger le délai de carence génère bien plus d’économies. Prenons le cas d’un arrêt de travail d’un mois : si l’on élimine simplement les arrêts de travail de moins de huit jours, un arrêt plus long de ce type sera toujours indemnisé à partir du quatrième jour. Mais si l’on prolonge le délai de carence, ce même arrêt d’un mois donnera droit à une indemnisation plus tard.
Une journée de perturbation de l’ordre public
La Cour évoque également l’idée de créer un jour de carence d’ordre public, c’est-à-dire indemnisé ni par les entreprises ni par l’Assurance maladie. Cela pourrait s’accompagner d’une réduction du niveau de couverture de l’Assurance Maladie (de 50% à 45% du salaire brut). Les entreprises sont tenues de supporter des coûts supplémentaires.
Autant de pistes qui pourraient être empruntées par le gouvernement, qui veut réaliser 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires en 2025, en s’appuyant sur des « revues des dépenses ». L’exécutif s’est bien gardé de montrer ses cartes avant les élections européennes mais devra bientôt entrer dans le vif du sujet, à l’approche du débat sur le budget à l’automne au Parlement.