A quelques semaines d’une élection présidentielle américaine qui s’annonce extrêmement serrée, les réseaux sociaux regorgent de fausses informations qui sont de plus en plus présentées de manière trompeuse sous les codes journalistiques.
« Alerte info : (la chaîne de télévision) Univision a accidentellement diffusé la preuve que Kamala (Harris) a utilisé un prompteur » lors d’une séance de questions-réponses avec des électeurs, publiée le 10 octobre sur X par l’influenceur conservateur Benny Johnson.
Une affirmation démentie par la chaîne, qui a assuré qu’un téléprompteur avait été brièvement utilisé par les présentateurs mais pas par le candidat. Mais la publication, qui reprend les codes de la presse, a rapidement gagné en visibilité et a été vue par plus de 14,9 millions d’internautes.
De même, d’autres comptes ont récemment relayé la « nouvelle » selon laquelle les autorités du Texas autoriseraient les personnes n’ayant pas la nationalité américaine à voter, ce qui est faux.
Les auteurs de fausses informations « utilisent couramment des termes comme +news alert+ dans une tentative évidente de donner une légitimité » à leurs propos, souligne Sam Howard de NewsGuard, une organisation de lutte contre la désinformation.
L’usage abusif de cette terminologie, généralement utilisée par les médias pour relayer des informations importantes, « a joué un rôle évident dans la manière dont les faux récits politiques américains se sont répandus en 2024 », analyse M. Howard auprès de l’AFP.
L’organisation News Literacy Project, qui fournit des ressources pour lutter contre la désinformation, dit avoir dénombré 72 exemples de publications présentant de fausses informations sur l’élection et utilisant le label « news alert » ou encore « exclusif », autre terme couramment utilisé par la presse.
– Confiance dans les médias –
« Les charlatans – dont beaucoup prétendent faire du journalisme citoyen – utilisent le jargon journalistique pour propager des spéculations sans fondement ou des informations fabriquées », déplore Dan Evon du News Literacy Project.
Cette tendance met à mal à la fois la modération des réseaux sociaux, dont la plupart ont assoupli leurs garde-fous en la matière, et la confiance des citoyens dans les médias traditionnels, soulignent les experts en désinformation.
Le niveau de confiance dans les institutions médiatiques a également atteint un niveau historiquement bas, selon un sondage Gallup publié en octobre.
Seuls 31 % des Américains déclarent avoir « très » ou « assez » confiance dans les médias traditionnels, contre 36 % déclarant n’avoir « aucune confiance » dans ces sources d’information.
Cette confiance en déclin est encore minée par d’autres tendances, notamment la prolifération de sites de fausses informations largement alimentés par des outils d’intelligence artificielle.
Des chercheurs, dont Newsguard, affirment avoir identifié ces derniers mois des centaines de faux sites relayant de la désinformation sur l’élection présidentielle américaine et imitant ceux de bien vrais journaux locaux.
Autre tendance inquiétante : les publications sur les réseaux sociaux attribuent à tort les fausses informations à des médias sérieux et crédibles.
Des personnalités conservatrices ont partagé en octobre une capture d’écran montrant un faux titre d’article attribué au magazine The Atlantic et suggérant que Kamala Harris pourrait avoir besoin de « voler » les élections pour sauver la démocratie.
Face à ce détournement des codes journalistiques, les experts appellent à la prudence. « N’oubliez pas de vérifier vos sources », exhorte Dan Evon, qui appelle également à « donner le temps aux informations crédibles », plus longues à établir, d’apparaître sur les réseaux sociaux.
publié le 21 octobre à 10h37, AFP