Les classes moyennes devront-elles payer ? Le gouvernement cherche des mesures d’économies après que l’Insee a annoncé un glissement du déficit public français à 5,5% du PIB en 2023. Pour rappel, dix milliards d’euros d’économies avaient déjà été enregistrés en début d’année pour 2024. Par ailleurs, 20 milliards des coupes ont été annoncées pour 2025. Le coup de rabotage ne devrait pas s’arrêter là : « économies supplémentaires » sera nécessaire à partir de 2024, a prévenu Bruno Le Maire.
Mais l’exécutif a déjà tracé une ligne rouge : pas de hausse d’impôts. La semaine dernière, le ministre de l’Économie répétait : opposé à toute augmentation d’impôts » En France.
» On peut parfaitement économiser sur les dépenses publiques sans mettre les poches des Français et je reste totalement opposé à toute augmentation d’impôts sur nos compatriotes. », insistait Bruno Le Maire au micro de RTL le 26 mars.
Une position confirmée dès le lendemain par le locataire de Matignon. Au micro de TF1, Gabriel Attal a affirmé avoir « deux lignes rouges » : « Ne pas augmenter les impôts des classes moyennes des Français qui travaillent ou des Français qui ont travaillé toute leur vie et qui gagnent toujours un peu trop pour avoir de l’aide, mais jamais assez pour pouvoir se débrouiller convenablement. », ni ceux « pour ce qui contribue à financer le travail des Français « .
« Seule la classe moyenne participera »
Cela signifie-t-il que les classes moyennes seront épargnées, y compris en cas de réduction des dépenses publiques ? » Concentrer l’effort sur les dépenses publiques, donc uniquement sur les ménages qui en bénéficient, ne peut pas fonctionner. », estime l’économiste Éric Heyer, contacté par La galerie.
» Les ménages à faibles revenus n’y contribueront pas, car ils seront préservés, ni les ménages aisés, car ils ne bénéficient pas de ces dépenses publiques, donc seule la classe moyenne y participera. », anticipe le directeur du service d’analyse et de prévision à l’OFCE.
Pour Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études françaises à l’Institut Montaigne, « la tentation peut être assez forte de faire peser des économies sur les classes moyennes, et de leur faire supporter une éventuelle charge plus lourde en affectant certains services publics », comme les services à la personne. L’économiste, auteur de la note « Classes moyennes : un équilibre perdu ? », publié en janvier, définit les classes moyennes « entre les 30 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches du pays « .
Elle craint à travers les économies annoncées » une potentielle dégradation de la situation économique des classes moyennes et un sentiment de dégradation du modèle social et républicain » de cette catégorie de la population. Lisa Thomas-Darbois estime par exemple que réduire la durée d’indemnisation des chômeurs, comme l’envisage le gouvernement, « touche le cœur des classes moyennes « .
Les chômeurs touchés parmi les classes moyennes
» Un chômeur peut appartenir à la classe moyenne tout simplement parce que le montant de ses indemnisations le place dans cette catégorie ou parce qu’il vit un moment où, en fait, il a moins de capacité d’emploi. « , elle dit.
» Cela accroît encore la pression sur une partie de la population qui en réalité n’est pas en situation de chômage volontaire, mais qui vit un moment un changement dans sa vie. », ajoute Lisa Thomas-Darbois.
Autre piste d’épargne qui pourrait pénaliser les classes moyennes : « Questions de santé et dépenses personnelles « . Le montant des franchises médicales a déjà doublé, passant de 50 centimes à un euro, depuis le 1er avril. Bruno Le Maire s’est dit ouvert mardi dernier à rembourser différemment les dépenses de santé.
» C’est une nouvelle fois un pas vers un désengagement de l’État, alors que la classe moyenne continue de financer tout autant l’ensemble du modèle social. », selon Lisa Thomas-Darbois.
» Il existe toujours un risque que, parmi toutes les décisions de dépenses qui sont prises, le gouvernement continue de concentrer les efforts sur les classes moyennes. », insiste le directeur adjoint des études françaises à l’Institut Montaigne. » Avant de faire des coups d’avion « , réclame-t-elle donc » se poser la question de savoir qui sont réellement les bénéficiaires des systèmes mis en place » et sur lequel le gouvernement envisage de réduire les dépenses publiques.
Des économies « affectera tous les ménages »
Le président de Fipeco et spécialiste des finances publiques, François Ecalle, estime quant à lui que l’épargne « va toucher tous les ménages, donc forcément les classes moyennes « .
» Si l’on indexe les retraites ou autres prestations sociales d’un point de moins, cela affectera tous les retraités. Si on économise sur les dépenses de santé, les maladies de longue durée, les transports sanitaires, cela touche tout le monde », souligne l’ancien magistrat à la Cour des comptes.
De même, » si l’on touche à la masse salariale de l’administration publique, cela affectera les fonctionnaires, qui peuvent considérer qu’ils appartiennent aux classes moyennes », ajoute François Ecalle. L’autre option serait, selon lui, de faire peser la charge sur les entreprises, mais cela « aurait également des effets sur l’emploi des personnes appartenant aux classes moyennes « . Finalement, » Je ne sais pas trop comment on peut éviter de faire contribuer les classes moyennes », conclut l’économiste.