356 évêques et laïcs ont voté samedi au Vatican des propositions donnant davantage de responsabilités aux laïcs et ouvrant à une décentralisation sans précédent des décisions ecclésiales, des mesures immédiatement acceptées par le pape François.
Le oui de l’Église catholique à la possibilité d’ordonner un jour des femmes diacres a été l’article le moins voté samedi au Vatican dans le document final du synode sur la nouvelle gouvernance de l’Église. Il a cependant dépassé la majorité nécessaire des deux tiers, soit 237 pour et 97 contre.
Cet article appelle à une pleine reconnaissance du rôle des femmes dans l’Église catholique : « Cette Assemblée appelle à la pleine mise en œuvre de toutes les possibilités déjà offertes par la législation actuelle concernant le rôle des femmes, en particulier là où elles ne sont pas encore exploitées. Il n’y a aucune raison d’empêcher les femmes d’assumer des rôles de leadership(« guide ruoli di « , » rôle de guide » dans la version de référence en italien) dans l’Église : ce qui vient du Saint-Esprit ne peut être arrêté. La question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste également ouverte. Un plus grand discernement est nécessaire à cet égard. »
Cette avancée vers le diaconat féminin est sans doute le point fort de ce long « synode sur la synodalité » lancé par François en 2021 et qui a connu deux intenses sessions romaines en octobre 2023 et 2024. Le pape le conclura ce dimanche matin 27 octobre, par un messe solennelle.
Adoption immédiate
Ce même pape n’avait-il pas exclu en février dernier la question du diaconat féminin et l’avait confiée à un « groupe de travail » du Vatican, mais en dehors du synode pour éviter la polarisation des débats à ce sujet ? C’était sans compter sur la pugnacité des 58 femmes invitées à ce synode et le soutien de nombreux prélats à leur cause. Même si le mouvement en faveur de la promotion de la femme dans l’Église catholique semblait irrémédiable, il prend aujourd’hui un tournant décisif. Des femmes qui pourront désormais, même si cela est déjà fait, participer à la formation dans les séminaires et au discernement des candidats au sacerdoce.
Parce qu’il s’agit de la deuxième nouveauté de ce synode, beaucoup moins spectaculaire, mais extrêmement significative, le texte que l’assemblée synodale a voté ce samedi 26 octobre sera promulgué, tel quel, par le pape François, sans correction de ses feuilles. Il devient instantanément le texte de référence de ce synode.
En fait, il était d’usage que le pape écrive un « exhortation apostolique » dans les mois qui ont suivi la clôture de tous les synodes. Ce document papal s’est alors imposé comme la synthèse de référence, digérée par le pape, et qu’il a incluse dans son magistère. Il pourrait abandonner des mesures qui avaient pourtant été votées par le synode. Il l’a fait en février 2020 en présentant dans son exhortation post-synodale, Querida Amazonia, une proposition ouvrant l’ordination des hommes mariés – bien que votée – par le synode sur l’Amazonie en octobre 2019.
Samedi soir, dans son discours de clôture aux membres du synode, le pape François a justifié sa décision ainsi : « Ce que nous avons approuvé est suffisant, le document contient déjà des indications très concrètes qui peuvent servir de guide pour la mission des Églises (…), c’est pourquoi je le mets immédiatement à la disposition de tous. Il a expliqué qu’il voulait « reconnaissons ainsi la valeur du chemin synodal accompli », sans esquiver « les décisions à prendre à la lumière du chemin synodal « .
Église du consensus
Fidèle à la méthode du pontificat, François, plutôt que des discours ou des projets théoriques, expérimente des réformes en cours de route, comme il le fit pour l’admission à la communion de certaines personnes divorcées remariées. Ainsi en est-il de ce synode sur le gouvernement de l’Église. Il promettait d’être programmatique avec des éléments de réforme spectaculaires, y compris la remise en question du célibat des prêtres qui figurait dans les documents préparatoires, devenu une sorte d’expérience où l’Église entière doit changer ses méthodes de travail et de prise de décision. . Chacun est appelé à donner son avis jusqu’à trouver un consensus, c’est la méthode synodale.
En renonçant à écrire sa propre synthèse post-synodale, François veut donner l’exemple de la mise en pratique d’une Église plus démocratique, opposée à la centralisation et au fonctionnement hiérarchique pyramidal. Même si c’est lui seul qui validera les décisions à venir car, a rappelé le Vatican samedi soir, « le document voté n’est pas normatif”.
Il n’en reste pas moins que ce processus ecclésial ouvert où chacun a désormais la parole implique aussi, une troisième nouveauté, le contrôle et « évaluations » à tous les niveaux, comprendre le contrôle à partir de la base de ceux qui exercent la responsabilité : curés, évêques, nonces apostoliques, conférence des évêques, dicastères romains. » La transparence et la responsabilité ne devraient pas être exigées uniquement dans les cas d’abus sexuels, financiers ou autres, indique une proposition. Ils concernent également le style de vie des pasteurs, les projets pastoraux, les méthodes d’évangélisation et la manière dont l’Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions. « . Même la diffusion du synodalité » dans l’Église fera l’objet d’une évaluation, comme dans les entreprises pour vérifier » les progrès réalisés » et contrôler le « l’accomplissement de tous les ministères et missions au sein de l’Église » !
Le tout avec une implication plus large » des laïcs et des laïcs à toutes les phases des processus décisionnels « . Pourrait être rendu « obligatoire » Par exemple, « conseil » pourtant déjà prévu par le droit canonique : « conseil pastoral diocésain, conseil pastoral paroissial, conseil en matière économique « .
Des évêques sous contrôle
De la « laïcs et laïcs », quatrième nouveauté, vraiment mise à l’honneur avec « ministères laïcs » qui pourrait être créé, selon « créativité » de chacun en fonction des besoins pastoraux locaux. De même un « ministère d’écoute et de soutien » pourrait être inventée, confiée à des laïcs pour être à la disposition de tous ceux qui ont besoin d’être entendus.
Des laïcs, enfin, qui pourraient faire la fête » baptêmes et mariages « . En revanche, pour la question de « prédication » des laïcs, donc des femmes, la possibilité de prononcer des homélies n’a pas recueilli suffisamment d’adhésion pour être formalisée comme telle dans le document, mais une étude à ce sujet sera lancée par le Vatican.
Il est important d’aider les fidèles à ne pas cultiver d’attentes excessives et irréalistes à l’égard de l’évêque, en se rappelant que lui aussi est un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d’aide comme tout le monde.
Texte final du synode
En revanche, ce sont les évêques qui se trouvent d’une certaine manière profanés, non pas dans leur responsabilité spirituelle mais dans leur faillibilité humaine. « Il est important d’aider les fidèles à ne pas cultiver d’attentes excessives et irréalistes à l’égard de l’évêque, en se rappelant que lui aussi est un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d’aide comme tout le monde. « . Donc » une vision idéalisée de l’évêque ne facilite pas son ministère délicat, qui est au contraire soutenu par la participation de tout le peuple de Dieu à la mission dans une Église véritablement synodale « .
Le Synode appelle donc, en désignant ici les prêtres ainsi que les évêques, à « un discernement plus courageux de ce qui appartient proprement au ministère ordonné et de ce qui peut et doit être délégué à d’autres « . Cette répartition des tâches et des responsabilités permettra de lutter contre » abus sexuels, économiques, de conscience et de pouvoir par des ministres de l’Église « .
Églises continentales
Cinquième nouveauté, l’instauration d’une subsidiarité entre le Vatican et les Églises locales. Cela pourrait à terme bouleverser l’équilibre actuel de l’Église catholique, très centralisée au Saint-Siège où beaucoup de choses se décident.
Cette idée qui vient du Concile Vatican a été réactivée par les sept » Assemblées ecclésiales continentales » qui se sont tenus début 2023 pour préparer ce synode et qui pourraient devenir un nouveau modèle d’organisation et de niveaux de décision. Le texte adopté samedi précise : « Leur statut théologique et canonique, ainsi que celui des groupements continentaux de conférences épiscopales, devront être mieux clarifiés afin de pouvoir exploiter leur potentiel pour le développement ultérieur d’une Église synodale. Il appartient particulièrement aux présidents des groupements continentaux de conférences épiscopales d’encourager et de soutenir la poursuite de cette expérience. »
Une autre proposition du texte va également dans ce sens qui rendrait le Vatican dépendant et non plus dominant vis-à-vis des conférences épiscopales. Il est demandé qu’aucun texte romain important ne puisse être adopté sans que les conférences épiscopales n’aient été consultées : « Avant de publier des documents normatifs importants, les Dicastères sont invités à entamer une consultation avec les Conférences épiscopales. »
Avec cette suggestion : « Nous pourrions identifier, à travers une étude théologique et canonique, les matières qui doivent être réservées au pape (reservatio papalis) et celles qui peuvent être renvoyées aux évêques dans leurs Églises ou groupes d’Églises. « .
De même, la création d’une liturgie adaptée à la synodalité est envisagée. Ce projet donnera lieu à un groupe d’étude pour « aider toutes les communautés chrétiennes, dans la pluriformité de leurs cultures et traditions, à adopter des styles de célébration qui manifestent le visage d’une Église synodale « . Interrogés sur ce point samedi soir lors de la conférence de presse, les responsables du synode sont toutefois restés très vagues.
Ce décentrement du Vatican pourrait cependant conduire à un affaiblissement de l’autorité actuelle du Saint-Siège même si le document assure : «Dans une Église synodale, la compétence décisionnelle de l’évêque, du Collège des évêques et de l’évêque de Rome est inaliénable, car enracinée dans la structure hiérarchique de l’Église établie par le Christ au service de l’unité et du respect de la diversité légitime. . Toutefois, ce n’est pas inconditionnel. »
Revisiter l’autorité papale
Le texte observe : « l’évêque de Rome, principe et fondement de l’unité de l’Église, est le garant de la synodalité : c’est à lui de convoquer l’Église en Synode, de la présider et d’en confirmer les résultats. En tant que successeur de Pierre, il a un rôle unique dans la sauvegarde du dépôt de la foi et de la morale, en veillant à ce que les processus synodaux soient féconds pour l’unité et le témoignage. » Parce que, « en tant que successeur de Pierre, il a un rôle unique à jouer dans la sauvegarde du dépôt de la foi et de la morale, en veillant à ce que les processus synodaux soient féconds pour l’unité et le témoignage.
Andréa Tornielli, laïc, directeur de la rédaction des médias du Vatican, a expliqué samedi soir les enjeux de toute cette affaire : « Le Synode sur la Synodalité appelle à un changement de mentalité. Il demande de ne pas considérer la synodalité comme une tâche bureaucratique à mettre en œuvre de manière paternaliste avec quelques petites réformes superficielles. Le synode appelle à repenser le service de l’autorité, y compris celui du Successeur de Pierre. Elle appelle à un rôle de plus grande responsabilité des laïcs et particulièrement des femmes. »
Pour ce responsable du Vatican, il s’agit de créer « une nouvelle image de l’Église où les structures ecclésiales, dans cette nouvelle perspective, ne représentent plus le lieu vers lequel les laïcs doivent converger, mais un support du service que le peuple de Dieu accomplit dans le monde. » Le but étant de relancer l’Église vers la mission : « L’horizon de ce texte, que le pape François a immédiatement voulu donner à toute l’Église, est la mission. »