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Les « blagues cochonnes » de Youssef Wahboun sur les murs de la maison Beau



Les « blagues cochonnes » de Youssef Wahboun sur les murs de la maison Beau

Des figures humaines déformées, voire décapitées, aux postures parfois provocantes, évoluent dans un environnement sombre et oppressant. Ce sont les personnages de Wahboun, pour jouer la comédie absurde de l’homme moderne. Chaque toile devient une scène du drame de l’existence, dont l’artiste souligne l’ironie. Cette critique cinglante de l’état fragmenté et déshumanisé de l’individu contemporain se reflète dans une série de toiles qui semblent se moquer du mal-être et du grotesque. C’est aussi l’avis de Hassan Wahbi, poète et philosophe, qui qualifie la peinture de Wahboun de « sacrificielle », évoquant un art qui met en scène la tragédie de l’existence humaine, réduite à un spectacle à la fois absurde et grotesque.

Rugueux et noir

Ce qui frappe d’emblée dans « Dirty Jokes », c’est la texture épaisse qu’il donne à ses créations. Avec une pâte grossière, mélangée à du sable concassé et à des morceaux de tissu, il crée des corps marqués de « bubons » et de « fissures », comme une éruption symptomatique du malaise qui ronge ses personnages, le tout en contradiction avec leurs expressions indifférentes. Wahboun semble ainsi exposer le paradoxe d’une humanité qui décline à son insu. La manipulation de ce mélange est elle-même laborieuse, à l’image de l’existence humaine qu’il dépeint.

Le noir omniprésent dans les tableaux de Wahboun ne sert pas seulement de contraste nécessaire pour sublimer ses scènes. Il est aussi synonyme d’angoisse et d’oppression. Et si dans cette exploration picturale de l’aliénation, Wahboun introduit des objets du quotidien – un livre, un sac de produits de beauté, un clavier d’ordinateur – il les utilise comme métaphores du désespoir et de la quête de sens. Mais l’espoir est aussi apporté par quelques symboles lumineux, comme celui du papillon, qui adoucissent ce paysage de désolation.

La parole et la plume

Dans le monde de l’art, Youssef Wahboun est une figure sympathique. Bien avant de révéler le fruit de sa création artistique, il a évolué dans la scène artistique et littéraire marocaine. Et pour cause, il a signé deux thèses de doctorat sur l’histoire de l’art et l’esthétique comparée, discipline qu’il enseigne à l’Université Mohammed V de Rabat. Il est également membre de l’Association internationale des critiques d’art (AICA) et intervient en tant qu’expert sur l’art contemporain marocain lors de conférences au Maroc et à l’étranger.

Parallèlement à ses activités académiques, Wahboun aborde allègrement les genres littéraires. Ecrivain et poète, il est l’auteur d’un premier roman « Trois jours et le néant » et de la suite poétique « Les hommes meurent, mais ne tombent jamais » qu’il a accompagnée de trente-six peintures, sculptures et lithographies de l’artiste et écrivain Mahi Binebine. Cette même œuvre a été adaptée par la troupe Corpscene, en une création chorégraphique pluridisciplinaire, mêlant danse contemporaine, théâtre, chanson et musique originale.

lematin

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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