Les baisses de taux sauveront-elles l’économie ?
Dans le même temps, plusieurs grandes zones économiques sont en difficulté : soit elles marquent le pas,comme la zone euro, ou même la Chine qui, malgré sa croissance de 4 à 5 %, reste engluée dans un marasme immobilier sans fin et une consommation atone ; soit ils envoient des signes inquiétantscomme les États-Unis en raison du ralentissement du marché du travail. L’assouplissement annoncé des taux pourra-t-il contrer la faiblesse générale de la croissance ?
On aimerait le croire, mais l’analyse de la mécanique monétaire dissipe certaines illusions. D’un côté, le déclin devrait être progressif, sauf dans le cas peu probable d’une catastrophe économique soudaine. Le rythme moyen d’une baisse de 25 points de base à chaque nouvelle réunion de la Fed ou de la BCE sur un an, soit deux fois par trimestre, est désormais un scénario consensuel. Il faudra donc être patient avant de constater des différences significatives dans les tarifs.
Et d’autre part, la transmission des baisses de taux à l’économie n’est pas immédiate, comme l’a rappelé Christine Lagarde interrogée sur ce sujet le 12 septembre. On peut schématiquement distinguer trois phases(1). Avant même les décisions de politique monétaire, les marchés obligataires et de change, guidés par les perspectives économiques et les discours des banques centrales, reflètent dans les prix leurs anticipations de taux. De même, les entreprises et les ménages ajustent leur comportement de production ou de consommation en fonction de leurs projections d’inflation, elles-mêmes dépendantes des conditions de taux anticipées. Mais à ce stade, le financement effectif de l’économie n’a pas encore changé de manière significative, car la formation du crédit est progressive. Au moment de la réduction effective des taux, les secteurs à fort endettement, principalement les banques et les secteurs liés à l’immobilier, voient leur situation réellement changer. Finalement, longtemps après les changements de taux directeurs, la majeure partie de l’économie dite « réelle », et non purement financière, ressent concrètement l’assouplissement, sous forme de nouvelles dettes contractées. Selon les cas, cela prend de 6 mois à presque 2 ans(2).
Les baisses de taux actuelles ne pourront donc guère apporter de réel soutien aux économies en difficulté avant plusieurs trimestres. Cela étant dit, le simple fait que les banques centrales disposent désormais d’une marge de manœuvre importante, compte tenu de l’évolution favorable de l’inflation, constitue déjà en soi un soutien, tant pour le marché que pour l’économie. Parce que les agents économiques peuvent anticiper à juste titre des actions vigoureuses des banques centrales en cas de besoin criant. Cela peut éliminer d’éventuels obstacles à l’investissement, et donc réduire le risque d’un ralentissement brutal. Le cercle vertueux de la confiance économique implique que la simple croyance dans la capacité des banques centrales à sauver les économies contribue à bloquer les mécanismes qui le rendraient nécessaire.
(1) Y. Tampereau, Politique monétaire : distinguer les temps de transmission des hausses de taux des banques centrales dans l’économie, Caisse des Dépôts et Consignations, 18/04/2023
(2) SG Analytics, Combien de temps faut-il pour que les baisses de taux de la Fed se répercutent sur l’économie ?, 08/03/2024