« Les autorités doivent sortir de leur silence coupable »
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« Les autorités doivent sortir de leur silence coupable »

« Les autorités doivent sortir de leur silence coupable »
Un homme lit la presse, à Ouagadougou, janvier 2022.

VVingt-cinq ans après l’assassinat du journaliste emblématique Norbert Zongo, les acquis en matière de liberté de la presse ne sont qu’une illusion au Burkina Faso, pays surnommé « les hommes intègres ». La situation des journalistes s’est considérablement dégradée, les langues critiques se sont progressivement nouées, par peur ou sous la contrainte, et les positions publiques du régime d’Ibrahim Traoré sont devenues celles de nombreux médias.

Un journalisme libre et fiable est en train de mourir lentement au Burkina Faso. Et quatre de ses représentants sont, selon toute vraisemblance, aux mains des militaires. Les autorités burkinabè doivent sortir du silence et s’exprimer sur leur sort. MAINTENANT.

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Le 24 octobre dernier, cela fait désormais quatre mois qu’Atiana Serge Oulon a disparu. Le 24 juin, il devait comparaître devant le tribunal suite à une plainte pour diffamation et injures publiques déposée par le journal d’investigation qu’il dirige, L’événement, contre un militant défenseur du pouvoir. Il ne s’y présentera jamais. Pour cause, une dizaine de membres présumés de l’Agence nationale du renseignement (ANR) ont enlevé le directeur de la publication à son domicile au petit matin.

Récompensé à plusieurs reprises pour ses enquêtes, ce journaliste d’investigation chevronné est l’un des derniers à avoir travaillé sur des dossiers militaires. En décembre 2022, il avait notamment révélé des soupçons de détournement de fonds alloués aux volontaires pour la défense de la patrie (VDP), auxiliaires civils de l’armée. Une publication qui a provoqué l’ire du chef de la junte.

Enrôlement dans les forces armées

Le 13 juillet, comme chaque matin, les auditeurs de Radio Omega, émettant depuis Ouagadougou, attendent avec impatience « Le Défouloir ». En vain. Cette chronique de cinq minutes, réputée pour son ton satirique et parmi les plus suivies du pays, n’a jamais été reprise. Alain Traoré, l’animateur de ce coup de projecteur citoyen teinté d’humour, est porté disparu depuis ce jour. Le journaliste, également directeur du bureau « langues nationales » du groupe Omega Médias, a été enlevé à son domicile par des individus armés et cagoulés se réclamant de l’ANR.

Deux chroniqueurs régulièrement invités de la chaîne privée BF1, Kalifara Séré et Adama Bayala, connus pour leurs critiques de l’action gouvernementale, ont également disparu les 18 et 28 juin à Ouagadougou.

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Quelques semaines après la disparition de Serge Oulon, le capitaine Ibrahim Traoré a confirmé l’engagement d’un journaliste, sans le nommer, dans les forces armées. Une situation unique sur le continent, que d’autres membres de la société civile ont également vécue et dont les conditions sont encore peu documentées.

Ces disparitions forcées de journalistes, confirmées pour au moins l’un d’entre eux, sont le symbole d’une tendance croissante au Burkina Faso : une répression tous azimuts de la liberté de la presse. Après l’interdiction des organes de presse internationaux, les acteurs des médias locaux sont désormais dans le collimateur des autorités. Et les conséquences sont importantes : en l’absence de Serge Oulon, L’événement, revue de premier plan, a temporairement suspendu sa publication. De son côté, la chaîne privée BF1 a suspendu l’émission « 7Infos », dans laquelle apparaît régulièrement Kalifara Séré.

Nous, journalistes et médias du Burkina Faso et d’Afrique de l’Ouest, avec Reporters sans frontières (RSF), appelons les autorités burkinabè à briser leur silence coupable.

Les premiers signataires de la plateforme : Moussa Aksar : journaliste d’investigation indépendant (Niger). Yacouba Ladji Bama : journaliste d’investigation (Burkina Faso). Stanis Bujakera : correspondant de Jeune Afrique en RDC. David Dembélé : journaliste d’investigation (Mali). Ibrahim Harouna : journaliste et ancien président de la Maison de la presse (Niger). Malick Konaté, journaliste et fondateur de la chaîne d’information en ligne Horon TV (Mali). Issaka Lingani : directeur de publication du journal en ligne Avis (Burkina Faso). Soumana Idrissa Maïga : directeur de la publication d’un journal L’enquêteur (Niger). Samira Sabou : journaliste indépendant (Niger). Fisayo Soyombo : fondateur de la Fondation pour le journalisme d’investigation (Nigéria).

Les autres signataires

Haby Niakaté, rédacteur en chef de Brut Afrique. Ayoba Faye, coordinatrice du site WalfNet. Valdez Onanina, rédacteur en chef de la section française d’Africa Check. Edouard Faye, rédacteur en chef de Wal Fadjri. Ibrahima Lissa Faye, fondateur du journal en ligne Pressafrik. Bandiougou Dante, président de la Maison de la presse (Mali). Patient Ligodi, fondateur et directeur de la publication du média en ligne Actualités.cd. Pascal Mulegwa, correspondant de RFI à Kinshasa. Tshivis Tshivuadi, secrétaire général de Journaliste en Danger. Mamadou Djimtebaye, directeur général des médias en ligne Tchadinfos. Bello Bakary Mena, résident de l’Association des Médias en Ligne du Tchad. Djimet Wiché, secrétaire général adjoint du Syndicat des journalistes tchadiens. Eric Topona, journaliste à la rédaction francophone de Deutsche Welle. Emsie Ferreira, journaliste pour les médias d’investigation Le courrier et le tuteur. Sam Sole, co-fondateur et directeur du Centre AmaBhungane pour le journalisme d’investigation. Simon Allison, fondateur du journal Le continent, rédacteur en chef pour l’Afrique Courrier et tuteur. Noël Konan, directeur de publication du site Le vice. Jean-Claude Coulibaly, président du Syndicat national des journalistes de Côte d’Ivoire. Ferdinand Ayité, directeur de publication du journal L’alternative. Isidore Kouwonou, rédacteur en chef du journal L’alternative. Loïc Lawson, directeur de publication du journal Flambeau des Démocrates. Jean-Fernand Koena, journaliste à Radio Ndeke Luka, vice-président de l’Union des journalistes centrafricains. Belay Manaye, co-fondateur des médias Actualités Éthio. Bekalu Alamirew, fondateur et rédacteur en chef du média Alpha TV. Belete Kassa Mekonnen, co-fondatrice du média Actualités Éthio. Omar Faruk Osman, secrétaire général du Syndicat national des journalistes somaliens. Floriane Irangabiye, animatrice de la radio Igicaniro. Antoine Kaburahe, fondateur du groupe de presse Iwacu. Yves-Laurent Goma, directeur du site d’information GabonActualités, Correspondant de RFI au Gabon. Fiacre Vidjingninou, correspondant de Jeune Afrique au Bénin. Flore Nobimé, journaliste d’investigation indépendante au Bénin. Yénoukunmè Rachida Houssou, journaliste au Bénin. Gaëlle Borgia, journaliste d’investigation indépendante à Madagascar). Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée. Chaikou Baldé, président de l’Alliance des Médias pour les Droits de l’Homme. Mouctar Bah, correspondant de RFI en Guinée. Moussa Yéro Bah, directeur de l’information à la radio Espace Guinée. Moïse Gomis, correspondant de France 24 et RFI à Abuja.

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