En faisant atterrir son lance-roquettes, SpaceX a réalisé dimanche dernier une prouesse technologique, saluée dans le monde entier. «C’est une pure réussite américaine»explique Christophe Maillot, auteur de JFK et la course vers la Lune – Lancement d’une aventure américaine. Malgré cette preuve flagrante de la domination américaine dans le domaine spatial, l’administration Biden n’a pas félicité SpaceX et son patron, Elon Musk.
Il faut dire que ce dernier est aussi un fervent partisan de Donald Trump. A l’inverse, c’est l’ancien président et actuel candidat républicain qui s’est emparé de ce succès, en essayant de le refléter sur sa campagne..
« Avez-vous vu comment le lanceur a atterri ? (…) Je n’ai jamais rien vu de tel… c’était une chose belle, blanche et brillante. Mon ami a fait ça et je veux que mes amis réussissent ! « , Trump s’est exclamé dimanche devant une foule enthousiaste en Arizona, avant de raconter ses discussions avec Musk au sujet des moteurs de fusée.
Dans la foulée de ces déclarations, les posts relatifs à l’exploit de SpaceX n’ont pas cessé dans les milieux républicains sur les réseaux sociaux. La semaine précédente, l’ancien président Donald Trump était revenu à Butler, en Pennsylvanie, où il avait échappé à une tentative d’assassinat en juillet, avec un Elon Musk électrisé sur scène pour son discours. Le nom du patron de SpaceX revient désormais dans la bouche du candidat à chaque entretien, ce dernier réaffirmant notamment son ambition d’envoyer une mission sur Mars avec l’aide de Musk.
Trump joue sur la fibre spatiale
« Trump avait déjà l’habitude d’attaquer Harris à cause de son manque d’enthousiasme pour le programme spatial. En créant la Space Force en 2016, en lançant la mission Artemis en 2017, il peut se targuer d’un véritable palmarès en la matière. »explique Malcolm Biiga, consultant. En surfant sur la conquête spatiale et le succès de SpaceX, le candidat républicain joue la carte de la fierté américaine.
« Depuis 1969 et l’envoi du premier homme sur la Lune, les Américains se sont détournés du sujet, d’autant que la conquête spatiale coûte cher »souligne Christophe Maillot.
Mais le projet d’aller sur Mars – soutenu par Trump – ravive le désir américain au point que 7 Américains sur 10 estiment qu’il est essentiel que les Etats-Unis restent le leader mondial de l’exploration spatiale. « En bénéficiant du soutien d’Elon Musk, Donald Trump incarne ce rôle de conquérant de la nouvelle frontière. Il ravive le besoin d’aventure des Américains, qu’ils ont éprouvé à travers la conquête de l’Occident et la conquête de l’espace. explique Romuald Sciora.
En face, le candidat démocrate ne s’aventure pas dans la thématique spatiale, malgré les attaques formulées à ce sujet par Elon Musk.
« L’élection de Kamala Harris détruirait le programme Mars de la NASA et condamnerait l’humanité (…), ce serait une bifurcation du destin humain » » a déclaré le patron de SpaceX fin septembre.
Pourtant, l’actuel vice-président aurait de bons arguments à faire valoir, obtenant même le soutien de Bill Nelson, administrateur de la NASA, qui déclarait le 30 juillet : «Je pense qu’elle est une passionnée de l’espace. » Kamala Harris était en effet présidente du Conseil national de l’espace, au sein duquel elle défendait le retour des astronautes sur la Lune et la construction d’une base lunaire.
Musk ou le rêve américain incarné
Le dernier succès de Musk pourrait-il déteindre sur la campagne de Donald Trump ? ? « Je ne pense pas, » » met en perspective Ludivine Gilli, directrice de l’Observatoire de l’Amérique du Nord à la Fondation Jean Jaurès.
Selon elle, l’atterrissage réussi du lanceur SpaceX « ne jouera peut-être qu’un rôle marginal. En fait, c’est plutôt la figure d’Elon Musk en tant que tel qui peut jouer un peu plus. Être vu avec un milliardaire véhicule une image de réussite. Cela peut plaire à certaines minorités ethniques. Mais il ne faut pas oublier que Musk reste une personne qui divise, y compris parmi les Américains. Sa popularité au sein de la population chevauche très bien le fossé entre les partisans de Harris et ceux de Trump. »
Alors que, dans les sondages, les deux candidats sont dans une situation difficile à 3 semaines du scrutin, Romuald Sciora estime que « L’élection peut être décidée par quelques milliers de voix dans certains Etats. S’appuyer sur le succès de SpaceX peut donc, après tout, contribuer à faire basculer le vote. D’autant que la personnalité de Musk, malgré son côté clivant, est un atout pour Trump. Il incarne le rêve américain et parle bien plus à tous les électeurs que Taylor Swift par exemple. »
L’ambiguïté du soutien
Néanmoins, la présence d’Elon Musk dans le camp républicain interroge et tend même à modifier le programme de Trump. Le ralliement du patron de Tesla au Grand Old Party a ainsi influencé les sorties de Donald Trump contre les voitures électriques ces dernières semaines. Le candidat républicain a même fini par déclarer le 3 août : « Je suis pour les voitures électriques, je dois l’être car Elon m’a fortement soutenu. »
Mais pour Romuald Sciora, c’est aussi la place d’Elon Musk parmi les MAGA (Rendre sa grandeur à l’Amérique), – et même récemment Dark Maga – ce qui surprend. « Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas seulement MAGA, je suis Dark MAGA. » Musk a déclaré lors de la réunion de Butler. Une déclaration surprenante comme le prône Dark Maga, cette communauté en ligne soutenant Donald Trump. l’autoritarisme, la vengeance et même la violence.
Ils sont aussi pour le retour d’un État américain fort et puissant, une position en décalage avec la « Le caractère post-national de Musk. Ce dernier souhaite dépasser l’idée de Nation. Elle remplit déjà, à travers des entreprises privées, les missions que devrait remplir l’État, notamment dans le secteur spatial. Les MAGA incarnent la peur de la décadence du système État-nation. C’est donc exactement le contraire.