Les athlètes sont moins politisés qu’avant, déclare Tommie Smith, ancienne icône des droits civiques
L’ancien sprinter américain Tommie Smith, entré dans l’histoire pour avoir levé le poing sur le podium du 200 m aux Jeux de Mexico en 1968, estime dans un entretien à l’AFP que les athlètes sont aujourd’hui moins politisés malgré la nécessité de continuer à lutter contre le racisme, notamment aux Etats-Unis.
Figure de la lutte pour les droits civiques, aujourd’hui âgé de 80 ans, l’ancien sprinter américain, médaillé d’or au Mexique en 1968 et ancien recordman du monde du 200 m, est à l’origine de l’une des photos les plus emblématiques de l’histoire des Jeux Olympiques. .
Le 16 octobre 1968, sur le podium du 200 m, il lève son poing droit ganté de noir pour protester contre les discriminations raciales dans son pays. Son compatriote John Carlos, 3e de la finale, a levé le poing gauche.
Puis, au sommet de sa carrière, à 24 ans, Tommie Smith a été banni à vie des compétitions sportives pour avoir enfreint les règles interdisant les déclarations politiques établies par le Comité International Olympique (CIO).
Ces dernières années, de nouvelles protestations contre les discriminations sont apparues dans le sport : genou à terre lors des hymnes lancés par le footballeur américain Colin Kaepernick contre le racisme, mesures en faveur des droits des membres de la communauté LGBT+…
Mais cela reste insuffisant pour Smith, qui estime que « Parce que les athlètes du passé ont subi les conséquences de leurs efforts pour rendre le monde meilleur, les athlètes d’aujourd’hui sont davantage concentrés sur eux-mêmes »a-t-il déclaré lors d’une visite à Paris, qui accueille les Jeux olympiques à partir du 26 juillet.
Pendant les Jeux olympiques, le CIO interdit toujours toute déclaration politique des athlètes sur le terrain de jeu en vertu de l’article 50 de sa charte qui vise à maintenir les Jeux neutres et détachés des questions litigieuses.
À moins de deux mois de l’ouverture, le monde connaît une période de tensions internationales majeures avec la guerre menée par Israël à Gaza, l’invasion russe en Ukraine ou encore l’attitude de plus en plus agressive de la Chine à l’égard de Taïwan.
La France, pays hôte, traverse une crise politique avec des élections législatives anticipées dont le second tour se tiendra le 7 juillet, moins de trois semaines avant le début de la compétition.
« Préoccupé par l’état du monde »
Smith, qui souligne qu’il milite pour les droits de l’homme et pas seulement pour les droits des Noirs, se déclare « préoccupé par l’état du monde ».
« Il se passe beaucoup de choses aujourd’hui qui ne se produisaient pas à l’époque, car le monde change… Et cela représente un danger pour beaucoup de gens. »il explique.
Avant les élections de novembre aux États-Unis, où Donald Trump espère revenir à la Maison Blanche, Smith estime que le racisme dans son pays « ça ne peut pas être pire ».
« Je prie pour que ça change à partir de maintenant »il a dit. «Je ne pense pas que cela pourrait être pire, vraiment pas. »
En visitant l’exposition mardi « L’Olympisme, une histoire du monde » en tant qu’invité de la banque française Casden, Smith a reproduit sa célèbre pose devant une photo géante de lui-même, aux côtés de John Carlos et de l’Australien Peter Norman.
Sur le podium, le médaillé d’argent Norman, qui était blanc, portait un insigne en soutien à la « Projet olympique pour les droits de l’homme »une organisation créée par Smith et Carlos pour s’opposer au racisme dans le sport.
Norman n’a jamais été officiellement sanctionné, mais est tombé en disgrâce chez lui et a été écarté par les sélectionneurs australiens.
L’« l’homme oublié » de la protestation mexicaine a été saluée par Smith comme « l’une des personnes les plus importantes que j’ai jamais rencontrées ». Ce qu’il a fait « ce n’était pas un geste pour les sportifs noirs, mais un geste humain »il assure.
Tommie Smith est également ravi de voir des sprinteurs américains participer aux Jeux de Paris, affirmant qu’il ferait de même s’il pouvait remonter le temps et monter sur le podium en courant dans la capitale française.
« Je serais le même gars »il rit en affirmant : « Je ne déteste personne! » ».