Peut-on interdire aux athlètes de porter des symboles religieux pendant les Jeux Olympiques ? La question a été remise sur la table, mardi 11 juin, par l’Alliance Sports et Droits, ONG partenaire d’Amnesty International, qui a appelé la France à mettre fin à ses « interdictions discriminatoires ». En cause, la décision de l’ancienne ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra d’interdire le port du voile aux athlètes français lors des épreuves de Paris 2024, au nom de la « neutralité absolue du service public ».
Sur la question de la religion lors des Jeux Olympiques, l’autorité de renvoi est le Comité International Olympique (CIO), chargé d’organiser l’événement international. Les règles qu’elle fixe, via la Charte olympique, s’appliquent donc à tous les participants.
Chaque fédération internationale est libre de décider
L’article 50 de la Charte olympique stipule que« Aucune sorte de manifestation ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans aucun lieu, site ou autre lieu politique. » Le CIO ne fixe donc pas de règles spécifiques sur le port des insignes religieux. « Elle interdit plutôt le prosélytisme, c’est-à-dire tout comportement visant à encourager l’adhésion d’autrui à ses propres convictions », précise Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité.
Chaque fédération internationale fixe ainsi ses propres règles concernant les symboles religieux, dans le respect des critères de santé et de sécurité fixés par le CIO. Sur la question du foulard islamique, par exemple, le Comité international olympique n’a aucune opposition de principe à son port lors des événements. Il le considère comme un vêtement culturel et non culte.
Une interdiction fondée sur un arrêt du Conseil d’État
En France, les délégations nationales doivent cependant respecter l’avis du Conseil d’État. Dans un arrêt du 29 juin 2023 concernant le port du hijab lors des matchs de football, le Conseil d’État a jugé que « le principe de neutralité du service public s’applique aux fédérations sportives qui sont en charge d’un service public ».
La plus haute juridiction française rappelle également que « L’obligation de neutralité s’applique également à toutes les personnes sélectionnées dans l’une des équipes de France lors des épreuves et compétitions auxquelles elles participent ». C’est sur cette jurisprudence qu’Amélie Oudéa-Castéra s’est appuyée, en octobre 2023, pour interdire le port du voile à toutes les délégations françaises lors des événements. Mais « cette décision ne concernera qu’eux, souligne Nicolas Cadène, car les délégations étrangères venant concourir à Paris fixent leurs propres règles, qui ne sont soumises qu’aux critères fixés par le CIO.
Tout au long des années 2010, de nombreuses fédérations internationales ont décidé de lever l’interdiction du voile. C’est notamment le cas de l’athlétisme et du beach-volley depuis les Jeux olympiques de Londres en 2012, du karaté depuis 2013 et du football depuis 2014.
Aux Jeux olympiques de Rio 2016, l’escrimeuse Ibtihaj Muhammad est devenue la première athlète américaine à concourir au niveau international en portant un voile. Après trois ans de négociations, la Fédération internationale de basket-ball a elle aussi franchi le pas en 2017.