Les anti-Deschamps sont-ils des enfants gâtés ?
À Dortmund,
Non pas que Twitter ait jamais été un endroit sûr pour échanger des idées autour d’un Espresso Martini, mais certains sujets sont plus explosifs que d’autres. Parmi eux, Didier Deschamps et son « style ennuyeux » figurent, sinon sur le trône, du moins sur le podium, dans toutes les grandes compétitions internationales. Avec, d’un côté de l’octogone, les ayatollahs du beau jeu qui abhorrent le pragmatisme et la froideur du coach, et de l’autre, les champions de la victoire qui vomissent les arguments des premiers.
Ces deux camps étant trop opposés, nous n’aurons pas la prétention de les réconcilier un jour. Ce qui ne nous empêche pas de participer à la lutte après deux matches pour des Bleus que l’on qualifierait de… fidèles à leur réputation. Au lendemain du match nul contre les Pays-Bas, un tweet a de nouveau enflammé le village. « 12 ans de Didier Deschamps. 10 ans de Macron. Nous aimons souffrir dans ce pays», a écrit le bien nommé «Jason Burne», aux 90 000 abonnés, s’attirant les acclamations des anti-DD et la colère des autres.
N’ayant pas répondu à notre demande, nous avons trouvé en Thomas, 25 ans, un autre avocat de la cause « Deschamps, merci mais non merci ». S’il avoue avoir déjà pris du plaisir à regarder certains matchs – France-Argentine 2018 pour ne pas le citer – le jeune homme précise qu’il s’agit avant tout d’une histoire de « narration, de scénario » et non « sur la performance des Bleus ». lui-même.
» « Les matchs DD, 95% du temps, c’est un bloc milieu voire bas, un milieu qui presse et des attaquants qui s’en sortent (Mbappé parlera de liberté), déroule notre accusé à la barre. Tactiquement, vous vous ennuyez à mourir depuis qu’il a pris ses fonctions. Tu progresses en bleu parce que le niveau individuel des joueurs augmente (Valbuena-Sissoko-Cabaye, Griezmann-Mbappé-Kanté) mais tu sais déjà avant le match comment on va jouer, et selon comment ça se passe tu peux presque faire le des changements pour lui. » »
La FFL à la rescousse de DD
Au vu de ce que nous avons longuement écrit depuis le début de l’Euro, on ne peut guère lui en vouloir. Mais toute la question – et Dieu sait que nous la posons depuis des années – est de savoir si nous accepterions de sacrifier nos résultats des huit dernières années au seul nom du « joga bonito ». Pour de nombreux supporters, cela ne fait aucun doute. Ce qui fait hérisser Antoine, le patron Raïs de la Fédération française de Lose, qui se voit aujourd’hui obligé de sortir de sa zone de confort pour défendre une équipe qui va complètement à l’encontre des principes de ses médias.
« Entre 88 et 98, l’équipe de France était abominable. La question, à l’époque, n’était pas de savoir si on allait aller en finale mais si on allait se qualifier pour la Coupe du monde ou l’Euro, se souvient-il. Quand j’entends des gars se plaindre et parler de souffrance, ça me rend fou. Vous avez des pays qui ont eu des générations en or et qui n’ont rien gagné. Demandez à un Néerlandais s’il est d’accord que vous retiriez le football total pour deux Coupes du monde ? Pour moi, nous sommes des ordures complètement gâtées. »
JF n’est pas néerlandais mais belge et il nous demande aussi où mettre sa signature en bas du contrat. « Vu de Belgique, vous voir vous plaindre est totalement incompréhensible. Vous avez certainement le meilleur entraîneur du monde. Avec beaucoup d’amis, nous sommes persuadés que c’est lui qui nous a éliminés en demi-finale en Russie, ne cesse de penser ce supporter du Standard de Liège. Il nous a tendu un piège et Martinez n’a pas réussi à trouver de solution. Le football romantique, c’est bien pendant un moment, mais le plus important est l’armoire à trophées. Il n’y a pas de grandes victoires sans un grand général. Et Deschamps en fait partie. »
Qu’en pensent-ils dans les autres sports ?
A voir les supporters d’une équipe de France qui a fait trois finales (dont une victoire) lors des quatre dernières grandes compétitions et qui osent se plaindre, il n’y a pas qu’à l’étranger que ça lui tourne le ventre. Prenez nos amis fans de tennis. Que ne donneraient-ils pas pour gagner un jour un grand chelem, n’importe comment !
« Pour moi, quand on est supporter de la France, on n’a pas le droit de se plaindre du style de jeu de Deschamps », estime Johan, fondateur de Tennis Legend. C’est comme si un joueur français ayant atteint la finale de trois des quatre derniers tournois du Grand Chelem était critiqué parce qu’il avait un style de jeu trop défensif, ce qui n’est pas joli. Tant que c’est gagner, j’ai du mal à critiquer, surtout quand on sait combien il est difficile d’aller loin dans les grandes compétitions, notamment dans le football. »
Même recadrage de la part des passionnés de cyclisme qui, hormis les deux titres de champion du monde de Julian Alaphilippe, n’ont pas eu beaucoup d’occasions de frémir vers des titres majeurs. « Depuis Nanard Hinault en 1985, on n’a pas vu un coureur français remporter la Grande Boucle. En 1985, Platoche jouait encore au football, Deschamps débutait au FC Nantes et Mitterrand était président, s’amuse l’équipe du compte Twitter Dans la Musette. Ce qui veut dire qu’une grande partie des fans de cyclisme n’ont jamais vu un Français remporter le Tour de leur vie. »
« En comparaison, 2018 était hier, et il s’agirait d’apprendre à chérir ce cadeau contemporain de DD. Pendant que les fans des Bleus râlent avec leurs deux étoiles cousues sur la poitrine, nous serions prêts à accomplir des rituels vaudous sous la pleine lune pour donner à Lenny Martinez une infime chance de remporter le Tour d’ici 2032″, poursuit-il avec humour, dernier artifice. de magnifiques perdants.
Le beau, le gagnant ou les deux ?
En fin de compte, le débat ne porte pas tant sur la question de savoir si les Bleus jouent (et gagnent) mal. Là-dessus, à quelques exceptions près, nous nous serrons tous la main, bons amis. Non, les dissensions apparaissent sur un autre terrain, philosophique celui-ci, lorsqu’il s’agit de choisir entre la beauté et la victoire. Parce que c’est de cela dont nous parlons. A quelques rares exceptions près, l’Espagne de Del Bosque en est une, on garde peu de souvenirs de magnifiques vainqueurs.
« On s’énerve devant les Bleus, c’est vrai. Mais c’est plus ou moins toujours le cas de toutes les équipes, sauf si vous êtes espagnol entre 2008 et 2012 et que tous vos joueurs jouent pour le même club. Mais, globalement, le football international est ennuyeux d’un point de vue ludique, c’est rare de voir des équipes super chatoyantes, argumente Antoine de la FFL. Alors oui, on s’ennuie. Oui, on pourrait certainement faire mieux mais, à mon humble avis, les émotions passent avant le plaisir. La dernière finale, on a été nul pendant 80 minutes mais on a oublié tout ça à la fin du match. Et de quoi gardons-nous le souvenir aujourd’hui ? Qu’on a vibré comme jamais. »
« Certains veulent gagner, bien jouer, bien jouer en gagnant… Moi, je veux gagner, qu’on joue bien ou mal », affirme Tchouameni. À la fin de notre carrière, nous nous souviendrons plus du palmarès de chacun que de la façon dont nous avons joué. » A l’arrivée, en effet, les critiques seront toujours éteintes par le bruit du succès. Et DD le sait. Mais vu ce qui lui arrive alors que les Bleus sont au sommet du football des équipes nationales, on n’ose pas imaginer ce qui se passera en cas d’échec cet été. Même si on en avait déjà eu un petit aperçu sympa après la gifle contre la Suisse il y a trois ans. Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre sa route vers le Qatar. Les chiens aboient et la caravane passe.