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Les alliés de Donald Trump se préparent à un avenir semi-autoritaire aux États-Unis

À l’approche de l’élection présidentielle américaine de 2024, Donald Trump et ses alliés intensifient leurs attaques contre le prétendu « régime fasciste » qui serait en place à Washington. Une rhétorique qui prend de l’ampleur notamment depuis la condamnation de l’ancien président des Etats-Unis dans l’affaire Stormy Daniels. Un juge dirigé par l’administration Biden, témoins « crucifié »un procès « gréé » Et un « arnaque » sur la base d’accusations injustifiées : toute une panoplie de « preuves » soutenant la nécessité d’un changement de direction est produite par le camp MAGA (Rendre sa grandeur à l’Amérique).

De fait, l’entourage de Donald Trump s’apprête à reprendre le contrôle au lendemain de l’élection présidentielle du 5 novembre. « Les gens doivent être tenus responsables des crimes commis ces dernières années. Nous les avons vus mentir, abuser de notre système judiciaire. Nous avons vu Joe Biden attaquer des Américains innocents dans tout le pays, comme les manifestants du 6 janvier. (2021, lors de l’attaque du Capitole, ndlr) qui ont été envoyés au goulag à Washington »a proclamé Karoline Leavitt sur Fox News fin mai.

Et ce ne sont pas que des mots. Début novembre 2023, le Washington Post révélait que « Donald Trump et ses alliés préparent leur revanche et le contrôle du ministère de la Justice lors d’un second mandat »ainsi qu’une série d’autres réformes visant à établir un régime autoritaire conservateur.

Une révolution conservatrice

Au-delà des déclarations publiques, l’analyse du quotidien américain s’appuie sur un rapport intitulé « Projet 2025. Projet de transition présidentielle »Publié par le groupe de réflexion The Heritage Foundation, il s’agit d’un ouvrage massif de 900 pages qui détaille comment mettre en œuvre une réforme conservatrice dans le pays.

Fondée en 1973, la Heritage Foundation a pour habitude de publier des mémos et des plateformes pour les candidats républicains. « D’autre part, c’est la première fois qu’il élabore un véritable programme présidentiel en vue d’une élection. »affirme Romuald Sciora, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la politique américaine.

Le programme s’inscrit dans la radicalisation du Parti républicain qui s’opère depuis Ronald Reagan (1981-1989). Un premier tournant s’opère sous la présidence de Newt Gingrich, président de la Chambre des représentants entre 1995 et 1999, qui installe le conservatisme chrétien au sein du parti. Grande fête à l’ancienneL’intégration des idées du Tea Party – mouvement de contestation conservateur né après la crise économique de 2008 – l’a ensuite prolongé. L’arrivée de Donald Trump et le durcissement des positions républicaines qui en a résulté ne constituent donc qu’une troisième étape.

Au sein de la Fondation Heritage, cela s’est concrétisé par l’arrivée de Kevin D. Roberts à sa tête en 2021. Universitaire peu connu de la politique et fervent admirateur des positions conservatrices du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, il assume sa volonté « institutionnaliser le trumpisme » dans le pays grâce au « Projet 2025 ».

Un État fort

Ce programme, qui tend vers l’installation d’un État semi-autoritaire aux États-Unis, formule des centaines de propositions et quatre promesses. La première est le recentrage de la vie américaine sur la famille et la protection des enfants, avec l’interdiction de « L’idéologie transgenre et la sexualisation des mineurs » et la suspension du financement fédéral de l’avortement.

Le projet vise également à garantir « liberté de religion, liberté d’expression et liberté de réunion » pour combattre ce qui est présenté comme un marxisme économique et idéologique trop influent. La souveraineté américaine doit enfin être assurée en protégeant le pays contre la Chine, « extrémisme environnemental » et l’immigration.

Pour atteindre ces objectifs, le « Projet 2025 » prône le renforcement de l’État fédéral, incarné par une figure présidentielle aux pouvoirs élargis. Il prévoit ainsi d’inverser la réforme de 1947 qui limite le nombre de mandats à deux ou de placer le ministère de la Justice sous l’autorité présidentielle.

Il prévoit également de réduire les prérogatives du Congrès américain : le lancement d’une procédure d’impeachment serait limité aux cas de haute trahison et le veto présidentiel ne pourrait plus être outrepassé par la majorité parlementaire. La Garde nationale devrait aussi être réformée. Ses modalités d’intervention seront élargies pour qu’elle puisse intervenir en amont d’événements, comme l’investiture ou les manifestations.

Soutien politique, voire civil

Selon le « Projet 2025 », le gouvernement fédéral est inefficace parce qu’il se noie dans la bureaucratie. Ses auteurs encouragent « décentraliser et privatiser autant que possible »tout en veillant à ce que ce qui reste soit géré le « aussi efficacement que possible »Pour ce faire, l’institut à l’origine du projet travaille déjà au recrutement des futurs membres de l’administration.

Selon les auteurs du projet, ce changement radical doit répondre à la baisse de confiance des citoyens américains envers leurs institutions, qui s’accentue depuis plusieurs années. Entre 2022 et 2024, la confiance accordée au gouvernement est passée de 35 % à 23 %. Deux tiers des Américains considèrent également que les membres des administrations œuvrent pour faire échouer les politiques avec lesquelles ils sont en désaccord.

Pour autant, la grande majorité de la population croit à l’efficacité d’une bureaucratie non partisane. Et si le recrutement par les alliés de Donald Trump met en lumière la nécessité de se former au travail de l’administration, sa mission de diffusion des idées conservatrices est à peine voilée. Mais, selon Romuald Sciora, la force de Trump réside dans la crise intercommunautaire du pays, qui ne cesse de s’aggraver. La promesse d’un pouvoir fort et d’une administration stable pourrait donc favoriser le soutien d’une grande partie de la population des États-Unis.

En termes de mise en œuvre, les républicains comptent sur le soutien des institutions politiques. Avec une majorité attendue à la Chambre des représentants et au Sénat, le départ de Mitch McConnell de la tête du parti républicain à la chambre haute devrait également renforcer le soutien de Donald Trump dans cette chambre. « Et si certaines propositions pouvaient être jugées inconstitutionnelles, rappelons que l’ancien président a aussi la Cour suprême à sa disposition. »indique Romuald Sciora. En cas de victoire républicaine le 5 novembre 2024, cela pourrait donc être une page qui se tourne pour la démocratie américaine.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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