Les 72 décès survenus dans l’incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017 étaient « tous évitables », a déclaré mercredi le président de l’enquête, Martin Moore-Bick, lors de la présentation de son rapport.
« Ceux qui vivaient dans la tour ont été gravement trahis »
« La simple vérité est que ceux qui vivaient dans la tour ont été gravement trahis pendant des années (…) par ceux qui étaient responsables de la sécurité de l’immeuble et de ses occupants », a insisté l’ancien juge à la retraite.
L’incendie s’est déclaré le 14 juin 2017 et s’est propagé en moins d’une demi-heure dans l’immeuble de 24 étages, qui abritait principalement des familles à faibles revenus de l’ouest de Londres. Soixante-douze personnes ont perdu la vie, ce qui en fait le pire incendie résidentiel en Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Malhonnêteté systématique »
Selon le rapport d’enquête présenté mercredi, cet incendie est « l’aboutissement de décennies d’échecs du gouvernement central et d’autres organismes occupant des postes de responsabilité dans le secteur de la construction ». Le document souligne également la « malhonnêteté systématique » des entreprises de matériaux de construction. Elles ont adopté des « stratégies délibérées (…) pour manipuler le processus de test, déformer les données et induire le marché en erreur », accuse le rapport.
Les pompiers de la brigade des pompiers de Londres ont également fait l’objet de vives critiques, certains officiers supérieurs étant décrits comme « complaisants » et n’ayant pas su tirer les leçons d’un précédent incendie survenu en 2009, qui « aurait dû alerter » le service « sur les lacunes de sa capacité à lutter contre les incendies dans les immeubles de grande hauteur ».
Le gouvernement veillera à ce que cela « ne se reproduise plus jamais », a promis le Premier ministre Keir Starmer.
Le problème du revêtement de façade
L’objectif de l’enquête était de comprendre comment un incendie, initialement de faible ampleur, a pu se propager aussi rapidement. Des familles entières ont été prises au piège dans les flammes. Les habitants qui avaient appelé les secours ont été priés de rester dans leur appartement et d’attendre les secours. Cette consigne, largement critiquée, a depuis été révisée.
La première phase de l’enquête, publiée en octobre 2019, a conclu que le revêtement de façade était la « principale cause » de la propagation de l’incendie. La seconde, qui a débuté en janvier 2022, s’est concentrée sur des questions techniques telles que l’efficacité des tests de sécurité des matériaux de construction.
La catastrophe a fait craindre à de nombreuses personnes vivant dans des immeubles dotés d’un revêtement similaire une répétition de la tragédie. Le gouvernement conservateur britannique a annoncé en 2022 que les promoteurs seraient tenus de contribuer davantage au coût de la suppression du revêtement. Mais la question est loin d’être réglée.
Fin août, à Dagenham, dans l’est de Londres, plus de 80 personnes ont dû être évacuées en pleine nuit après avoir été réveillées par la fumée et les flammes dans un immeuble où les travaux de retrait des bardages « non conformes » étaient en partie terminés. Selon le commissaire des pompiers de Londres, Andy Roe, il reste encore environ 1 300 bâtiments dans la ville où des travaux urgents de « remise en état » doivent être effectués.
Poursuites pénales ?
L’un des groupes de défense des victimes, Grenfell United, a demandé des garanties quant à la mise en œuvre des recommandations de l’enquête. Selon lui, si les recommandations formulées à la suite d’une enquête sur un incendie survenu en 2009 dans un immeuble d’appartements de Londres avaient été mises en œuvre, l’issue de l’incendie de Grenfell « aurait pu être très différente ».
Les parents et les survivants en deuil ont quant à eux déclaré qu’ils espéraient que l’enquête leur apporterait la « vérité qu’ils méritent ». Pour certains, cela signifie une peine de prison pour ceux qui ont « pris des décisions qui ont fait passer le profit avant la sécurité des gens ».
La police de Londres a prévenu qu’elle ne pourrait pas remettre son rapport avant la fin de l’année 2025. Les procureurs auront ensuite besoin d’un an pour décider s’ils vont engager des poursuites pénales.
New Grb1