L’équipe féminine indigène de softball qui a défié le machisme au Mexique arrive à Hollywood
Quand, à 47 ans, Enedina Canul décide de jouer au softball, rien ne peut l’arrêter. Ni son mari, ni les conventions sociales de sa localité indigène au Mexique, ni le manque de moyens.
À partir d’une branche d’arbre, elle a fabriqué une batte, puis elle a pris une balle de baseball de son mari.
Sur le terrain de jeu de fortune, elle s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas s’entraîner en sandales, alors elle a couru pieds nus.
Sa détermination a inspiré d’autres femmes de Yaxunah, un village indigène au cœur de la jungle de l’État du Yucatan. C’est ainsi qu’est née leur équipe, les Amazones de Yaxunah.
L’histoire de cette équipe féminine de softball et sa lutte contre le machisme est au cœur du documentaire « Les Amazones de Yaxunah »qui sera projeté dimanche au Festival international du cinéma latino de Los Angeles.
Il s’agit de l’actrice mexicaine Yalitza Aparicio, nominée aux Oscars pour son rôle dans « Roms »qui fait la voix off.
« Les femmes à la maison »
« Mon mari nous a dit ‘ce n’est pas bien pour les femmes de sortir et de jouer.’ Que diront les gens ? + »Enedina Canul raconte à l’AFP. « Mais je lui ai dit que je m’en fichais. ».
Quand elle était petite, sa passion était le baseball, mais une fois adolescente, elle a arrêté de jouer. Parce que selon la tradition, « La place des femmes est à la maison »dit cette mère de quatre enfants.
L’idée de recommencer lui est venue lorsqu’un programme gouvernemental a proposé à la petite communauté de se mettre à la Zumba pour lutter contre l’obésité en 2017.
La proposition de former l’équipe est si controversée que certaines Amazones voient leur mariage s’effondrer. Mais Enedina Canul tient bon.
Dès qu’il était temps de sortir et de jouer, son mari lui demandait de cuisiner.
« Il y a de la nourriture dans la poêle, je m’en vais »elle répondit.
– « Très conservateur » –
C’est une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux qui fait sortir les Amazones de l’anonymat.
Bientôt, les caméras sont arrivées à Yaxunah pour raconter l’histoire de ces femmes jouant au softball en huipil, cette robe traditionnelle indigène rendue internationalement célèbre par Frida Kahlo.
L’histoire a finalement attiré l’attention d’un producteur travaillant avec ESPN, qui a fait appel au documentariste Alfonso Algara pour travailler sur le projet.
« Au début, ils voulaient que ce soit un documentaire de sept minutes »raconte ce dernier, qui après avoir rencontré les Amazones se rend compte que l’histoire est « beaucoup plus important qu’on ne le pense ».
« C’était une communauté très conservatrice, où, il y a quelques années, ils ne pouvaient pas descendre seuls dans la rue »il continue.
Enedina Canul confirme.
Les femmes ne peuvent pas sortir, parler aux hommes, exprimer leurs opinions ou voter, a-t-elle déclaré.
« Ce que font les maris : ils te disent ‘donne-moi ta carte d’identité, je la prends' » au bureau de vote, dit-elle.
La passion des femmes pour le softball a changé les règles du jeu.
» Changement «
« Quand on parle d’il y a quatre ans et d’aujourd’hui, il y a une grande différence, car même le machisme se défait petit à petit »» déclare Sitlali Poot, capitaine de l’équipe et belle-fille d’Enedina.
« Nous avons mis dans la tête de la majorité des hommes que nous aussi avions le droit de sortir et de jouer, de nous amuser, car un match de softball ou de baseball, c’est unir la famille »elle dit.
« Nous avons réalisé le changement que nous avions provoqué »raconte son mari, Joël, chef d’équipe, qui a suivi toute l’histoire de près, depuis chez lui, en compagnie de son père.
Enedina se souvient que son mari, décédé il y a un an et demi, lui avait dit qu’il » fier « des femmes dans l’équipe.
« Je suis reconnaissant qu’avant sa mort, il ait accepté que je puisse jouer au softball avec mes enfants. »Elle ajoute.
Avec la notoriété sont venus les voyages pour jouer ailleurs, notamment aux États-Unis.
« Les Amazones de Yaxunah » sera disponible sur ESPN en anglais et en espagnol après l’été.