Bonne nouvelle : l’EPR de Flamanville 3 a réinjecté ses premiers mégawatts dans le réseau électrique national. Mais derrière cette annonce faite par EDF, le 19 avril 2025, la prudence reste de mise.
Une reconnexion sous surveillance avant la pleine puissance de l’EPR de Flamanville
Le samedi 19 avril 2025, à 20h30, EDF a reconnecté au réseau le réacteur EPR de Flamanville 3, injectant une première puissance de 90 mégawatts, soit environ 5,5 % de la capacité nominale visée (1.620 mégawatts). Une phase que l’énergéticien qualifie de test grandeur nature, amorcée après deux mois d’arrêt consécutifs à des interventions critiques sur le circuit de refroidissement d’urgence EVU/SRU et le groupe turbo alternateur.
Ce redémarrage ne signe pas encore une exploitation commerciale. Comme le rappelle EDF, le démarrage initial d’un réacteur est « un processus long, s’étendant sur plusieurs mois, impliquant de multiples arrêts et redémarrages ». La montée en puissance de l’EPR de Flamanville 3 s’effectuera par paliers successifs — notamment à 20 %, 60 %, puis 80 % de la puissance nominale — avant d’atteindre, en théorie, les 1.620 mégawatts d’ici l’été 2025. Chaque phase est conditionnée à la validation d’un ensemble de plus de 1.500 critères de sûreté internes à EDF, portant sur le comportement thermique, la mécanique, l’électronique de contrôle, et les systèmes de protection du réacteur. L’ensemble de ce protocole est placé sous la surveillance continue de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui peut intervenir à tout moment pour ajuster le calendrier en fonction des observations et incidents relevés.
Les cicatrices d’un chantier hors norme
Initialement budgété à 3,3 milliards d’euros en 2004, le chantier de l’EPR a désormais atteint une facture finale de 23,7 milliards d’euros, selon un rapport de la Cour des comptes publié en janvier 2025. Ce bond budgétaire s’explique par l’accumulation de défaillances : près de 4.500 modifications techniques, des soudures défectueuses ayant généré 1,5 milliard d’euros de réparations, et une gouvernance « désarticulée » entre maître d’ouvrage, État et sous-traitants.
Le retard cumulé est tout aussi spectaculaire. Prévue initialement pour 2012, la mise en service du réacteur n’a eu lieu qu’en décembre 2024, avec un premier couplage au réseau le 21 décembre. La phase actuelle n’est donc que la poursuite d’une série d’essais entamée depuis plus de quatre mois, dont la finalité — produire de façon stable et à pleine charge — reste encore à confirmer.