Six années se sont écoulées depuis la sortie d’un dernier jeu Mario et Luigi, série de RPG devenue mythique depuis sa création en 2003. Il faut même remonter à 2015 pour voir apparaître un dernier nouvel épisode. Une absence justifiée par la fermeture du studio Alphadream, principaux développeurs de ces RPG au tour par tour très particuliers, en 2019. La surprise est alors totale chez les joueurs lorsque Nintendo, en juin 2024, présente Mario et Luigi : l’épopée fraternelle. La série reviendra sur Nintendo Switch le 7 novembre prochain. Un sixième opus que nous avons pu tester. Un retour des deux frères trop beau pour être vrai ?
Mario et Luigi repartent à l’aventure, un peu par hasard, dans l’épopée fraternelle. Alors qu’il est poursuivi par un groupe d’abeilles, Luigi n’a d’autre choix que de sauter dans un ravin. Mario rattrape son retard à l’extrême ! Un sauvetage fraternel qui provoque l’ouverture d’une brèche dans le ciel, qui aspire une grande partie du Royaume Champignon.
Les deux frères, initialement séparés, se retrouvent dans le monde de Connexia. Un événement initialement inconnu a fracturé le continent. Les régions de cette dernière sont désormais des îles et sont dispersées à travers les mers. Mario et Luigi, en bons Samaritains, offriront leur aide à Amperia : c’est une volticultrice qui a besoin d’aide pour reconnecter les îles grâce à leurs phares. Et c’est sur le navisthme, une île à la dérive qui fait office de bateau, qui sert de base d’opérations.
Mario et Luigi : l’épopée fraternelle pousse la licence un peu plus loin vers le grand public côté univers. Quelque chose qui a déjà été observé avec les derniers épisodes. On retrouve le côté comic, avec Luigi plus à l’honneur, particulier à la série. Il y a eu un énorme travail de traduction de la part des traducteurs concernant tous les jeux de mots liés au thème de l’aventure avec l’électricité : Amperia ; Voltfas, Dis-Jonc-Terr… On ne retrouve cependant pas le côté plus sombre, plus assumé des premiers épisodes. D’une manière générale, l’intrigue est convenue, propose peu de rebondissements et manque encore d’identité. Des pièges d’autant plus visibles lorsqu’on voyage avec lui pendant plus de trente heurestemps qu’il faut investir pour terminer le jeu en ligne droite.
Héros malgré Luigi
Cette longueur du scénario se ressent d’autant plus dans la boucle d’exploration. Pour relier les îles au navisthme grâce à leurs phares, Mario et Luigi doivent d’abord les découvrir. Il faut alors naviguer de courant en courant à travers une carte dédiée puis en faire le tour dans l’espoir de trouver des terres inconnues.. Un mode de déplacement passif puisque l’on ne contrôle pas le bateau qui, en plus de cela, présente des inconvénients. Le plus gros point noir d’entre eux étant celui du rythme.
En effet, le navisthme ne va pas à la vitesse de la lumière et il faut un certain temps pour atteindre le courant souhaité. Il y a donc des temps d’arrêt à chaque voyage. On peut tenter de s’occuper en réalisant des missions, des quêtes annexes, des îles déjà visitées grâce à un objet spécial permettant de s’y téléporter. Le navisthme continue son voyage, qui peut être suivi grâce à la carte en haut à gauche de l’écran. Mais ces activités annexes ne parviennent pas vraiment à combler le mécontentement quant au rythme. On observe des temps de chargement et puis, la durée de ces quêtes annexes n’est jamais taillée sur mesure pour le voyage. Soit nous reviendrons tôt sur notre bateau et nous devrons attendre, soit nous devrons refaire un tour si nous sommes en retard.
C’est d’autant plus dommage que Mario & Luigi : The Brotherhood Epic propose du contenu supplémentaire riche. Il y a des objets de collection à collectionner, des demandes particulières pour fabriquer du matériel ou encore des défis sous forme de monstres à affronter. Du contenu supplémentaire qui aurait pu éviter le mal de mer.
Quand Christophe Co(u)lomb rencontre Mario et Luigi
Vient ensuite la découverte des îles elles-mêmes. Comme Christophe Co(u)lomb, Mario et Luigi doivent résoudre à plusieurs reprises les problèmes des indigènes avant de pouvoir accéder au phare local. Comme dans les épisodes précédents, les deux frères peuvent compter sur leur double action pour surmonter les obstacles. Roulez-vous en boule pour accéder aux endroits étroits, utilisez un hélicoptère pour survoler les précipices… Il faut mettre son cerveau en mouvement même si c’est Luigi qui fait le plus gros du travail.
Comme évoqué précédemment, c’est le plus naïf des deux qui, pour une fois, occupe le devant de la scène. En plus de l’accent mis sur l’histoire, il apporte souvent un élément décisif pour les énigmes grâce à ses idées géniales. Vous pourrez alors lui donner des ordres pour casser des caisses, déterrer des navets ou encore récupérer des pièces. Elle est contrôlée par l’intelligence artificielle 95 % du temps. De quoi rendre l’aventure plus facile mais qui participe à la perte d’identité de la licence : on contrôle trop peu les deux personnages indépendamment l’un de l’autre. Les séquences individuelles, énigmes ou exploration, sont assez peu nombreuses. Les premiers sont réussis voire révolutionnaires, tandis que les seconds, rares, sont mémorables en raison de la difficulté des combats en solo.
Des combats très tendances
Parlons des combats. Mario & Luigi : The Brotherhood Epic conserve la proposition principale faite par les RPG Mario. Ce sont des combats où vous devez décider pour chacun de vos personnages de leur action future. La principale variation de Mario & Luigi est d’appuyer au bon moment, en attaque ou en défense, pour optimiser son efficacité. Appuyer au bon moment lors de l’attaque vous permet d’infliger plus de dégâts avec une attaque supplémentaire. De manière équivalente, un bon timing agit comme une contre-attaque en défense. Une façon d’impliquer constamment le joueur pendant les combats et d’éviter l’écueil du « ha, j’attends la fin des animations ». Plus de 25 ans plus tard, cela fonctionne toujours aussi bien. D’autant plus que chaque ennemi possède des attaques spécifiques. Il faut donc s’adapter à chaque situation. Un constat cristallisé par les combats de boss, exigeants sans être insurmontables… même s’ils peuvent être un peu longs.
C’est également à travers les combats que Mario and Luigi : The Brotherhood Epic apporte sa nouveauté majeure à la saga. Il s’agit de prises de combat, une fonctionnalité qui vous permet de personnaliser vos attaques et votre défense. Ils ont toutes sortes d’effets utiles en combat, comme la possibilité d’annuler les dégâts subis ou d’ajouter l’élément feu à chacune de ses attaques. Il est possible d’en équiper plusieurs dès le début de l’aventure et ce sont leurs combinaisons qui créent parfois des effets supplémentaires. De quoi multiplier les expériences d’autant que ces prises ne peuvent pas être utilisées de manière illimitée. Ils ont un nombre limité d’utilisations et se rechargent au fil des tours de combat. De quoi forcer l’utilisation d’autres prises de combat que celles qui apparaissent comme les plus fortes, d’autant que vous pouvez les changer à tout moment, même lors d’un affrontement.
A côté de ce système de capture, on retrouve les bases du jeu de rôle au tour par tour. Mario et Luigi acquièrent de l’expérience après chaque victoire au combat. Au droit d’un certain montant accumulé, ils montent alors de niveau, ce qui leur permet d’améliorer leurs statistiques : force, défense, vitesse… Des statistiques qui peuvent également être renforcées grâce à des tenues, accessoires, gants et armes à retrouver au cours de l’aventure.
La technique sous pression, la direction artistique sous-performante
Les combats sont donc très satisfaisants à faire au fond mais c’est aussi grâce à la forme qu’on y revient. Manette en main, on trouve un vrai plaisir de jeu à appuyer sur les touches au bon moment. C’est aussi au niveau des yeux et des oreilles que l’on revient, le travail autour des animations étant remarquable.
Dans un registre plus global, la direction artistique est plus décevante. Peut-être parce qu’au fil des années, on attend plus de Nintendo qui parvient à surprendre presque à chaque fois. Pour Mario et Luigi : The Brotherhood Epic, c’est super coloré, très agréable pour les yeux et comme une majorité de titres sortis récemment, ça marche très bien sur le modèle OLED. Mais pour autant, il n’existe pas de lieux mémorables à couper le souffle. Surtout en comparaison avec les premiers épisodes de la licence. Plusieurs îles sont esthétiquement similaires et seules deux ou trois se démarquent des autres. Un constat identique pour les personnages.
Dans un registre technique et de performances, les préoccupations exprimées lors de l’état des lieux se sont confirmées. Rien de dramatique, mais l’ergonomie traîne le titre. Les temps de chargement sont multiples et la fluidité est loin d’être constante. Tout cela est combiné par divers allers-retours dans les menus, les cartes. Ce qui, en conjonction avec la boucle d’exploration, casse vraiment le rythme. Des défauts qui ne permettent pas de profiter du jeu sur de longues sessions.
Conclusion
Points forts
- Luigi à l’honneur
- Des affrontements toujours aussi exaltants. Surtout avec les prises de combat !
- Contenu supplémentaire généreux
- Des animations soignées
- Très (trop ?) accessible
Points faibles
- Sans véritable identité visuelle
- Des licenciements à plusieurs niveaux
- Manque de fluidité, tant sur le fond que sur la forme
- Beaucoup de longueur
- Un récit très linéaire
Avec Mario and Luigi : The Brotherhood Epic, on voit bien que Nintendo souhaite proposer le retour d’une licence appréciée des fans sans trop s’impliquer. On retrouve un système de combat efficace, toujours aussi grisant grâce à sa modernisation tant sur le fond que sur la forme. A l’inverse, l’histoire racontée et les environnements illustrés manquent d’une identité forte : c’est pourtant aussi ainsi que les jeux Mario et Luigi ont su briller. Ce côté trop lisse permet cependant à un large public de se mettre dans le bain, notamment avec le traitement (que ce soit pour l’écriture ou le gameplay) de Luigi. Mais chacun sera confronté à un voyage en mer agité par de multiples interruptions et répétitions. Comme Ulysse dans l’Odyssée, Mario et Luigi arrivent sains et saufs mais non sans quelques cicatrices. Comme le héros grec, il leur faudra quelques exploits supplémentaires pour espérer entrer à nouveau dans la légende.
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