Pollution, biodiversité, changement climatique… Les thèmes environnementaux sont rarement abordés par les candidats à la Maison Blanche, Kamala Harris et Donald Trump.
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C’est le moins qu’on puisse dire, en fait : ils n’en ont pratiquement pas parlé. Ce qui peut paraître surprenant, sachant que les États-Unis n’ont pas été épargnés par les ouragans durant la campagne, et que Donald Trump avait fait de la sortie de l’Accord de Paris un axe majeur de sa campagne de 2016. Les positions de Trump sur le climat n’ont pas changé : il continue de croire que le changement climatique est l’une des plus grandes arnaques de notre époque, que l’élévation du niveau de la mer permettra à davantage de personnes d’avoir des propriétés au bord de la mer, et que le pétrole contenu dans le sous-sol américain permettra le pays pour amasser une énorme fortune. Et il a encore une fois promis de sortir les États-Unis de l’Accord de Paris. Ce n’est que sur les voitures électriques qu’il a un peu changé d’avis, après qu’Elon Musk se soit joint à sa campagne.
franceinfo : Et Kamala Harris ? On l’a à peine entendu sur le sujet
François Gémenne : En effet, et cela semble plus surprenant, dans la mesure où sa campagne s’inscrit dans la continuité des politiques menées par l’administration Biden, et notamment de laLoi sur la réduction de l’inflation, un investissement massif de 369 milliards de dollars dans la transition climatique. Alors, certes, Kamala Harris décrit le changement climatique comme une menace existentielle, mais on ne peut pas dire que son programme sur le climat et l’environnement soit très clair, hormis un revirement sur la fracturation hydrauliquec’est-à-dire la fracturation hydraulique pour obtenir du gaz de schiste : en 2019, lors des primaires démocrates, elle y était hostile, et ce n’est plus le cas. Il faut dire que l’un des États clés de cette élection, la Pennsylvanie, dépend fortement du gaz de schiste pour son développement économique.
Qu’est-ce qui explique qu’elle en parle si peu ? ? Est-ce parce que son programme sur le sujet n’est pas très clair ? ?
Je pense surtout qu’elle garde en mémoire la mésaventure d’Al Gore il y a 24 ans. Lors de l’élection présidentielle de 2000, Al Gore a perdu la Virginie occidentale, même si c’était un État traditionnellement démocrate. Mais c’était aussi un État dont l’économie reposait en grande partie sur l’extraction du charbon, et ses électeurs étaient effrayés par l’engagement de Gore en faveur du climat, et en particulier du protocole de Kyoto.
Mais Kamala Harris, pour gagner, doit absolument convaincre les électeurs républicains modérés de voter pour elle – c’est notamment pourquoi elle s’efforce, durant ces dernières semaines de campagne, de qualifier son adversaire de dictateur au pouvoir, afin de rallier les plus modérés. les électeurs à ses côtés. Mais pour cela, il faut évidemment apparaître comme relativement centriste, et donc éviter autant que possible de recourir à des marqueurs idéologiques. C’est pourquoi, notamment, elle a choisi Tim Walz comme colistier : un homme blanc relativement âgé, de père hétérosexuel, pour ne pas s’exposer à d’éventuelles accusations de wokisme.
Le climat serait un marqueur idéologique, associé au wokisme ?
Aux États-Unis, oui. C’est déplorable et triste, mais c’est comme ça. Depuis plusieurs années, aux États-Unis, le climat est devenu un marqueur idéologique : si vous êtes démocrate, vous acceptez le consensus scientifique sur le changement climatique ; si vous êtes républicain, ce ne sera pas le cas. La science est devenue une affaire de croyances, d’opinions : on croit au changement climatique ou on n’y croit pas, tout comme on est favorable ou hostile au port d’armes, ou à l’avortement.
Cela n’a pas toujours été le cas : le Parti républicain a donné au pays certains de ses présidents les plus verts, comme Theodore Roosevelt ou Richard Nixon. Et il y a quelques années à peine, des dirigeants républicains comme John McCain ou Newt Gingrich apparaissaient aux côtés des dirigeants démocrates dans les campagnes climatiques.
« La polarisation croissante de la vie politique américaine a fait du climat un marqueur idéologique : les démocrates se sont appropriés le sujet, et Sarah Palin, puis Donald Trump, ont conduit le parti républicain sur la voie du déni. »
François Gémennesur franceinfo
En Europe aussi, cette question devient de plus en plus idéologique. Cette polarisation idéologique nous touche également, et le climat n’échappe pas à la règle. Et cette question climatique est parfois associée, politiquement, à d’autres enjeux, comme la lutte des classes ou l’anticapitalisme. Chacune de ces problématiques est évidemment légitime, mais leur conjonction donne l’impression d’un camp du bien contre un camp du mal. C’est pourquoi il est très dangereux, selon moi, de faire de cette question climatique un enjeu idéologique, car une idéologie cherchera forcément à s’imposer face à d’autres visions du monde. Cependant, le climat, comme l’écologie en général, a besoin d’engagements sur le long terme, qui rassemblent un large consensus social, au-delà des alternances politiques.
Si Donald Trump était élu, à quoi pourrait-on s’attendre pour le climat ?
C’est évidemment bien plus incertain que si Kamala Harris était élue. Il y a des aspects sur lesquels il serait difficile de revenir, notamment certains investissements dans la transition énergétique, qui sont réalisés par les entreprises. Mais il pourrait rejeter, comme il l’a fait par le passé, certaines réglementations fédérales environnementales. Et surtout, il pourrait à nouveau quitter l’Accord de Paris, cette fois avec un risque accru que d’autres dirigeants populistes emboîtent le pas, ce qui mettrait en danger la coopération internationale. C’est pourquoi je n’étais pas de ceux qui ont sauté de joie lorsque le président Biden a réintégré les États-Unis dans l’Accord de Paris : si la coopération internationale est suspendue tous les quatre ans au résultat de l’élection présidentielle américaine, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. .