l’enquête qui devrait alerter les parents
A l’origine du scandale de l’Ehpad Orpéa, le journaliste Victor Castanet publie ce mercredi 18 septembre une nouvelle enquête, « Les Ogres », sur les dérives des groupes de crèches privées et la clémence dont fait preuve l’Etat à leur égard.
C’est un séisme qui devrait secouer le monde des garderies privées. Ce mercredi 18 septembre 2024, le livre « Les Ogres« , de Victor Castanet, qui s’était fait connaître il y a deux ans avec la publication de son enquête sur les Ehpad du groupe Orpéa. Cette fois, le journaliste d’investigation publie un livre sur les manquements et les méthodes de certains groupes de crèches privées à l’égard des jeunes enfants. Il met également en cause Aurore Bergé, ancienne ministre de la Famille.
« Coups, griffures, punitions, humiliations »
Dans le livre « Les Ogres« , publié par FlammarionLe journaliste fustige notamment l’entreprise People&Baby, ainsi que la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC). L’ancien PDG de People&Baby, Christophe Durieux, « poids lourd controversé du secteur », indique Le Parisien, est même qualifié de « Bernard Tapie des crèches ». Les premiers extraits révélés dans la presse dressent un tableau catastrophique de la situation et d’un secteur à la dérive. L’exemple d’une crèche privée People&Baby à Villeneuve-d’Ascq (Nord) est frappant.
Victor Castanet revient sur les maltraitances subies par neuf enfants : « Les enfants sont punis dans le noir pendant plusieurs heures sans tétine, sans doudou », a-t-il expliqué sur France Inter ce mardi matin. Il poursuit, à propos de l’enfant d’une certaine Zohra, une maman, dont le prénom a été modifié. Cette dernière a vu la santé de son fils se dégrader, sans vraiment en comprendre les causes : « Au début, il fait des cauchemars, puis la courbe de poids se brise, c’est ce qu’on retrouve dans d’autres cas. Petit à petit, les crises deviennent de plus en plus sévères. » Des traces de coups ont été retrouvées sur le corps de son enfant. La maman décide alors de porter plainte, mais elle n’est pas la seule, d’autres familles font des signalements, tout comme certains professionnels de la crèche.
Toujours sur France Inter, le journaliste d’investigation est revenu sur l’homicide d’une jeune fille en 2022, empoisonnée au déboucheur : « J’ai découvert que la professionnelle avait été embauchée avant cela par un autre groupe, et qu’elle avait été renvoyée au bout de cinq jours », précise-t-il. Dans une logique d’optimisation des coûts, Victor Castanet met en avant une abondance de « low-cost », et ses conséquences sur les enfants. Dans un entretien à l’AFP, il affirme que certains enfants ont reçu « des coups, des griffures, des punitions dans le noir, des humiliations, des privations de nourriture ». D’autres « font encore régulièrement des cauchemars », et ont des « retards de développement », regrette l’auteur. Il emploie même le terme de « voracité » de certains groupes de crèches privées, dont Personnes et bébé.
Un « pacte de non-agression » entre l’ancienne ministre de la Famille, Aurore Bergé, et la FFEC ?
« Certains groupes ont cassé les prix en promettant qu’ils feraient aussi bien et ce mouvement a été accompagné par un certain nombre de mairies, collectivités et ministères qui, entre deux offres, ont quasiment toujours choisi la moins chère », dénonce Victor Castanet dans les colonnes de l’AFP. A travers ses propos, il met notamment en cause l’Etat français, et l’ancienne ministre chargée de la Famille entre juillet 2023 et janvier 2024, Aurore Bergé. « L’administration française a insisté et n’a pas voulu remettre en cause son fonctionnement », poursuit-il. Pour lui, l’ancienne ministre a « montré une forme de clémence envers les acteurs privés ».
Le journaliste d’investigation accuse notamment Aurore Bergé d’avoir passé un « pacte de non-agression » avec Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de garde d’enfants, le lobby des crèches privées. Il confie à l’AFP qu’il y avait une demande de « ne jamais critiquer la politique du gouvernement et de soutenir le ministre » à la FFEC. En contrepartie, au-delà de la « clémence », Aurore Bergé aurait « transmis leurs messages lors de ses interventions », révèle Victor Castanet.
Dans un communiqué, la FFEC a indiqué qu’elle se tiendrait à la disposition de la justice « si les faits relatés dans cette enquête journalistique devaient avoir des conséquences judiciaires », tout en condamnant « avec la plus grande fermeté les pratiques scandaleuses révélées qui méconnaissent les valeurs de notre profession et l’intérêt supérieur des enfants placés ». Enfin, selon Victor Castanet, l’ancienne ministre Aurore Bergé aurait empêché la réalisation d’une enquête parlementaire demandée par un député de La France insoumise (LFI). Une information démentie par le principal intéressé, qui a dénoncé un « parti pris idéologique de LFI ».
GrP1