L’énergie éolienne au pays du roi Ubu
Les défenseurs zélés de cette énergie ont trop souvent tendance à oublier de dire qu’une éolienne ne produit de l’électricité que lorsqu’il y a du vent, et que l’électricité ne peut pas être stockée. S’il existe, sur le plan économique, une réelle complémentarité entre l’éolien et les centrales à charbon et à gaz ailleurs qu’en France, nucléaire et éolien s’excluent cependant mutuellement. Analyse d’André-Robert Victor, l’auteur de La France au bord du gouffre. Chiffres officiels et comparaisons internationales.
En France, fin 2023, il existe 2 391 installations de production d’électricité éolienne terrestre, pour une capacité (puissance) de 22,0 gigawatts (GW) (cf. Commissariat Général au Développement Durable, 2024). Sept installations devraient être ajoutées au largepour une puissance de 1,5 GW. Dans l’absolu, ce n’est pas du tout négligeable : à titre de comparaison, les 56 réacteurs du parc nucléaire offrent une capacité (seulement) trois fois supérieure, de 61,4 GW. Les projets éoliens actuellement à l’étude représentent une capacité potentielle supplémentaire de 11,8 GW.
Le coût de l’énergie éolienne
Certaines données de coûts, issues des rapports de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), de l’Ademe et de la Cour des comptes, sont utiles pour comprendre les enjeux du choix du « mix énergétique » . L’investissement initial, dans l’éolien terrestre, est de l’ordre de 1,5 million d’euros pour installer 1 MW de puissance (Ademe 2020, et AIE 2020). Cela signifie que les 22,0 GW déjà installés représentaient un investissement initial d’environ 33 milliards, d’autant plus que certaines installations sont anciennes et que les coûts ont baissé depuis les premières installations ; cependant, les déclins ont eu tendance à s’atténuer ces dernières années, car la technologie est relativement « mature » (AIE, 2020). Les éoliennes ont une durée de vie de 25 ans.
Pour le nucléaire, l’investissement initial est environ deux fois plus élevé, de l’ordre de 3 millions d’euros pour installer une puissance de 1 MW (AIE 2020), mais les centrales nucléaires ont une durée de vie plus longue : celle-ci est fixée à 40 ans en France. par règlement; l’AIE considère que la durée de vie normale d’une centrale électrique est plutôt de 60 ans, sans mesures particulières pour la prolonger. Rapporté à la durée d’installation de la capacité, le coût initial par MW est donc du même ordre de grandeur entre l’éolien terrestre et le nucléaire.
Les coûts annuels d’exploitation sont nettement plus élevés pour l’énergie nucléaire que pour l’éolien terrestre : environ 60 000 € par an et par MW pour l’énergie nucléaire, environ 35 000 € pour l’éolien terrestre. A l’inverse, une centrale nucléaire fonctionne à pleine capacité 85 % du temps (les centrales doivent être arrêtées de temps en temps pour effectuer des opérations de maintenance), alors qu’une éolienne ne produit de l’électricité que lorsqu’il y a du vent : elle atteint sa pleine puissance. lorsque le vent souffle à 43 km/h, et doit être mis hors service (pour des raisons de sécurité) lorsque la vitesse du vent atteint ou dépasse 90 km/h. Si le parc éolien fonctionnait à pleine capacité tout au long de l’année, il produirait environ 193 TWh d’énergie électrique (22 x 365 x 24 = 192 720) ; en 2022, elle ne produira en effet qu’environ 40 TW.h d’électricité primaire. Ce sont les ordres de grandeur à retenir en termes de coûts.
Au total, si l’on considère l’ensemble des coûts tout au long de la durée de vie d’une installation y compris le coût de son démantèlement, le coût de production d’un MW.h d’énergie électrique (que nous appelons Coût actualisé de l’électricité – LCOE – en anglais) n’est pas très différent entre l’éolien terrestre d’une part, et le nucléaire d’autre part : environ 50 à 70 € pour l’éolien selon l’Ademe, voire un peu moins selon certaines hypothèses pour l’AIE. , de 40 à 65 € pour l’électricité nucléaire, selon les hypothèses et les méthodes de calcul (Cour des Comptes, 2021).
L’électricité ne peut pas être stockée
Si l’on s’en tient à ce qui précède, en termes de coût moyen par MW.h produit, l’éolien se compare donc avantageusement au nucléaire. Mais ce ne serait le bon raisonnement que si l’électricité produite pouvait être stockée en grande quantité à un prix abordable, ce qui n’est pas le cas. En règle générale, l’électricité doit être consommée précisément au moment où elle est produite (et non le lendemain ou trois mois plus tard), donc – dans le cas de l’électricité éolienne – aux moments où il y a du vent, moments qui n’ont pas d’effet. raison a priori pour correspondre aux pics de demande. A l’inverse, lorsqu’il n’y a pas (ou peu) de vent et que les éoliennes tournent au ralenti, une autre source de production électrique, celle-ci contrôlable, doit prendre le relais. production éolienne défaillante. Cela signifie donc qu’il faut doubler la capacité des éoliennes (ce qui est coûteux en investissement initial) : la capacité installée une première fois sous forme d’éoliennes doit être installée une seconde fois.e fois, par exemple sous la forme de centrales nucléaires ou de centrales thermiques.
A lire aussi, Arnaud Vuillefroy de Silly : Plein Soleil
Les centrales nucléaires ne constituent malheureusement pas une copie adaptée des éoliennes. Que se passe-t-il concrètement en France lorsque nos éoliennes tournent à plein régime ? Nous ne disposons pas de centrales thermiques ou hydrauliques d’une puissance suffisante que nous pourrions arrêter pour absorber le surplus de production. Nous sommes alors confrontés à un afflux d’électricité qui peut représenter environ 20 à 25 % de nos besoins (voir les chiffres ci-dessus), alors que ceux-ci sont déjà satisfaits par le parc nucléaire, qui a été dimensionné pour couvrir la majorité de notre consommation hormis quelques pics occasionnels. Il faut donc soit exporter cet excédent d’électricité, à prix cassé si les conditions climatiques sont similaires chez nos clients européens, soit ralentir nos réacteurs nucléaires, dont les coûts d’exploitation ne sont pas du tout réduits, alors que nous ne pouvons pas exporter. Les éoliennes ne nous servent à rien car leur capacité est le double de celle des centrales nucléaires qui fournissent en règle générale une puissance constante et suffisante. Autrement dit, les milliards dépensés dans notre pays pour l’équiper en éoliennes ont été dépensés une perte totale.
Les Allemands sont-ils plus rationnels que nous ? Première nouvelle !
Il en va autrement lorsque des centrales thermiques prennent le relais d’éoliennes inutilisées, comme c’est le cas en Allemagne.. Il y a là une certaine rationalité économique, car lorsque les éoliennes tournent et que les centrales thermiques tournent par conséquent au ralenti, la dépense en combustible de ces dernières (contrairement à nos centrales nucléaires) est très sensiblement réduite. En ce sens, il existe un véritable complémentarité entre l’énergie éolienne et les centrales électriques au charbon et au gaz, en termes économiques, alors que l’énergie nucléaire et l’énergie éolienne sont exclusif les uns des autres.
L’Allemagne a fait le choix, sous Angela Merkel et sous la pression des écologistes, d’abandonner complètement le nucléaire – une réorientation brutale dite « La transition énergétique ». Pour ce faire, elle a dû investir massivement dans les centrales au charbon et au gaz, deux modes de production d’électricité en moyenne nettement plus chers que le nucléaire, et qui présentent en outre l’inconvénient d’émettre beaucoup de CO.2. En couvrant massivement son territoire d’éoliennes, l’Allemagne a légèrement réduit la facture de ses MW.h d’électricité, sans toutefois atteindre le niveau bas qu’elle aurait pu atteindre avec le nucléaire. Elle a également réduit un peu ses émissions de CO.2mais seulement à la marge : le choix allemand d’un mix énergétique basé sur le couple centrale thermique + éolienne, plutôt que sur le nucléaire, conduit l’Allemagne à émettre 8,5 tonnes de CO chaque année2 par habitant alors que la France en émet un peu moins de cinq tonnes.
Les milliards d’éoliennes de notre pays ont donc été dépensés en vain. Mais au fait, par qui étaient-ils payés ? Les exploitants des éoliennes sont des entreprises privées. Nous n’insisterons pas sur le fait que la majorité des éoliennes installées sur notre territoire sont fabriquées en Chine, sous l’impulsion d’entreprises allemandes et danoises, et que leur démantèlement – le moment venu – posera des problèmes de décontamination des sols. presque insurmontable dans l’état actuel des connaissances. L’électricité produite par les éoliennes est achetée par EDF auprès de ces exploitants au tarif imposé de 82 €/MW.h, tarif qui – comme chacun peut le constater – est nettement supérieur au coût de production, il est donc destiné aux opérateurs privés qui ont investi sur ce créneau avec un fonctionnement très rentable et quasiment sans risque… Et EDF, de son côté, est compensé par la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), facturée au consommateur au taux de 0,0225 €/KW.h (soit 22,50 €/MW.h). C’est donc le consommateur qui paie en fin de compte.
L’analyse est similaire pour l’énergie photovoltaïque, les mécanismes sont les mêmes, seuls les paramètres diffèrent. Pour mémoire, le prix imposé pour l’achat de l’électricité photovoltaïque est monté jusqu’à 580 €/MW.h (vous avez bien lu !) à la fin des années 2000, avant qu’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) ne parvienne à sifflent la fin des vacances, en proposant de revenir à un taux imposé un peu plus raisonnable. Ce nouveau tarif, plus raisonnable, n’est cependant entré en vigueur que pour le flux de nouvelles installations : c’est ainsi que les installations photovoltaïques encore en service mais datant de cette période bénéficient toujours d’un tarif de rachat de plus de 500 €, comme le confirme un article des Echos paru en 2023.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré vouloir à la fois relancer le nucléaire et développer les énergies renouvelables. Cela signifie donc que nous allons continuer à dépenser des milliards pour installer des éoliennes qui ne serviront à rien. A moins que le développement de l’éolien ne s’accompagne d’une augmentation de la capacité de nos centrales thermiques, auquel cas l’effet sur nos émissions de dioxyde de carbone sera désastreux.
Références
- Ademe (2020) : « Coûts des énergies renouvelables et de récupération en France – Données 2019 », Faits et chiffres, brochure réf. 010895 ;
- Agence internationale de l’énergie (AIE, 2020) : « Coûts projetés de la production d’électricité », Édition 2020 ;
- Commissariat général au développement durable (CGDD, 2024) : « Bilan énergétique de la France en 2023 – Données provisoires » ;
- Cour des comptes (2021) : « Analyse des coûts du système de production électrique en France », Déclaration d’observations définitives.
Causeur ne vit qu’à travers ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !