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L’élévation du niveau de la mer a-t-elle été sous-estimée par les modèles climatiques ?

Océan
En simplifiant la valeur de l’albédo des glaciers et des calottes glaciaires de la planète, les modèles de prévision climatique auraient sous-estimé l’élévation future du niveau de la mer
Tristan Bergen

Tristan Bergen 5 minutes

Selon une nouvelle étude de la calotte glaciaire du Groenland, un modèle climatique (E3SM v.2) a albédo surestiméune propriété fondamentale de la glace ce qui impacte sa vitesse de fusion et donc la montée du niveau de la mer

L’importance de l’albédo

La proportion de rayonnement solaire réfléchie par une surface dépend de ses propriétés physiques, notamment de sa couleur. Plus la couleur d’un corps tend vers le blanc, plus son albédo est élevé, plus il sera susceptible de réfléchir la lumière qu’il reçoit.A l’inverse, plus il tend vers le noir, plus il sera enclin à absorber cette énergie lumineuse et donc à réchauffer.

Pour faire des projections sur le climat futur de notre planète, les scientifiques ont besoin représentations numériques du système terrestreen d’autres termes, de modèles capables de définir précisément l’albédo des différentes surfaces présentes sur notre planète afin de prédire leur tendance à se réchauffer ou à réfléchir le rayonnement solaire.

Une simplification courante, utilisée pour la plupart des modélisations climatiques futures, consiste à supposer que Les glaciers de montagne et les calottes glaciaires sont associés à des valeurs d’albédo élevéeset surtout constantEn fait, ces surfaces sont considérées comme blanches et devraient donc réfléchir une grande partie de l’énergie lumineuse qu’elles reçoivent.

Cependant, la simplification utilisée pour les modèles n’est pas forcément représentative de la réalité. En effet, en bordure de ces grandes étendues, la glace est souvent grise car nue (sans neige) mais aussi parsemée de trous encore plus sombres, généralement des lacs, voire maculée d’algues et de poussières. Ainsi, ces secteurs sont plus ou moins larges selon les régions ont un albédo bien inférieur à celui de la glace environnante recouverte de neige et se réchauffent donc plus rapidement.

Une erreur dans les modèles

Sur la base de ce principe, des chercheurs du laboratoire du professeur Charlie Zender de l’Université de Californie se sont intéressés à un modèle appelé E3SM (Energy Exascale Earth System Model). D’après leurs résultats, la deuxième version (v.2) de ce modèle surestimé l’albédo de la glace d’environ 5 %.

En recalculant ce paramètre à l’aide de données satellite collectées sur la calotte glaciaire du Groenland, les auteurs de l’étude ont constaté que la nouvelle version du modèle E3SM avait sous-estimé la fonte des glaces dans cette région d’environ 6 milliards de tonnes par anpar rapport à l’ancienne version du même modèle.

Cette sous-estimation correspond à une perte supplémentaire de glace d’environ 145 milliards de tonnes entre 2000 et 2021, soit l’équivalent d’une augmentation de 0,4 mm de l’élévation du niveau de la mer.

Ce chiffre peut paraître dérisoire à première vue comparé aux 20 cm d’augmentation observés depuis un siècle, mais il est important de considérer qu’il ne s’agit là que de la différence liée à l’albédo du Groenland, la sous-estimation promet donc d’être bien plus importante à l’échelle de la planète entière !

L’équipe de chercheurs prévoit donc d’étudier d’autres surfaces gelées de la planète, comme les glaciers des Andes et de l’Alaska, afin de faire une évaluation plus complète de la surestimation des modèles climatiques tels que E3SM v.2. Cependant, l’étude souligne également le fait que Les propriétés physiques à petite échelle peuvent avoir des conséquences importantes sur le climat mondial. Enfin, les travaux des chercheurs permettront à terme aux modèles de mieux comprendre l’albédo réel des calottes glaciaires et des glaciers, afin d’obtenir des estimations plus précises de l’ampleur future de l’élévation du niveau de la mer dans le monde.

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