Le rôle de président en Slovaquie est essentiellement honorifique. Derrière la victoire de Peter Pellegrini, c’est donc le Premier ministre populiste et pro-russe Robert Fico qui en ressort renforcé. Mauvaise nouvelle pour l’Union européenne, bonne nouvelle pour Vladimir Poutine ? Décryptage.
Quel est son parcours politique ?
Après des études de finance, il a travaillé comme économiste, puis comme conseiller d’un député du parti Smer-SD de l’actuel Premier ministre Robert Fico. En 2006, il décroche un mandat de député et prend le poste de secrétaire d’État aux Finances en 2012, puis celui de ministre de l’Éducation et président du Parlement en 2014, avant de devenir vice-Premier ministre chargé de l’Investissement dans le gouvernement de Robert Fico.
Entre 2018, il a remplacé ce dernier après le renversement de son allié de longue date, suite à l’assassinat du journaliste d’investigation Jan Kuciak et de sa fiancée. Chef du gouvernement jusqu’en 2020, Peter Pellegrini a également exercé les fonctions de ministre par intérim de la Santé, des Finances et de l’Intérieur.
Quel rôle la guerre en Ukraine a-t-elle joué dans les élections ?
Très peu de temps après le début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, la Slovaquie a fourni à son voisin oriental une aide militaire et humanitaire substantielle. Mais cette initiative a été mise à mal lorsque le Premier ministre populiste Robert Fico a pris le pouvoir en octobre 2023 et a refusé de poursuivre l’aide militaire à ce pays dont il remet en cause la souveraineté.
Les électeurs slovaques, dont beaucoup ont accueilli des réfugiés ukrainiens chez eux au début de l’invasion, ont également commencé à tourner le dos à Kiev. Plus de la moitié d’entre eux ont déclaré dans un sondage qu’ils étaient convaincus que l’Occident ou l’Ukraine étaient responsables de la guerre.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est devenue un élément clé de la campagne électorale. Avant les élections, Peter Pellegrini affirmait que « la scène politique slovaque est divisée entre ceux qui sont favorables à la poursuite de la guerre à tout prix et ceux qui exigent l’ouverture de négociations de paix. J’appartiens à cette dernière catégorie. »
Une rupture avec l’Union européenne ?
Ses fonctions sont essentiellement cérémonielles, mais le président est le commandant en chef des forces armées, ratifie les traités internationaux et nomme les principaux juges. « Pellegrini au palais présidentiel fera ce dont Robert Fico a besoin », a déclaré l’analyste Tomas Koziak, selon qui le Premier ministre pourra ainsi exercer une influence sur le pouvoir judiciaire. « La Slovaquie risque de devenir une nouvelle Hongrie. »
La Hongrie est souvent en désaccord avec Bruxelles, accusée de violer l’État de droit et d’entraver les efforts de l’UE pour aider l’Ukraine. Selon Tomas Koziak, le chef du gouvernement populiste a déjà pris exemple sur la Hongrie en « tentant de prendre le contrôle de la télévision et de la radio publiques ».
La coalition gouvernementale (le parti Smer de Robert Fico, le Hlas de Peter Pellegrini et le petit parti d’extrême droite SNS) était jusqu’ici contrebalancée par la présidente sortante Zuzana Caputova, fervente partisane de l’Ukraine.
« Avec Pellegrini comme président, cette nouvelle approche du gouvernement ne fera que s’accentuer car il n’y aura plus de contrepoids », a déclaré Aneta Vilagi, analyste à l’université Comenius de Bratislava.
Une bonne nouvelle pour la Russie ?
Peter Pellegrini a assuré que la Slovaquie continuerait « à être un membre fort de l’UE et de l’OTAN ». «Je ne m’attends pas à un tournant définitif vers la Russie. Cela ne se fera qu’au niveau des déclarations », a déclaré l’analyste Tomas Koziak, rappelant que les électeurs de Robert Fico ont « de fortes attitudes pro-russes ».
Les Slovaques comptent parmi les citoyens les plus pro-Kremlin d’Europe centrale et orientale. L’année dernière, plus d’un Slovaque sur deux a déclaré que l’Occident ou Kiev étaient responsables de la guerre en Ukraine.