Législatif. Emmanuel Macron peut-il nommer n'importe qui comme Premier ministre ?
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Législatif. Emmanuel Macron peut-il nommer n’importe qui comme Premier ministre ?

Législatif.  Emmanuel Macron peut-il nommer n’importe qui comme Premier ministre ?

C’est l’une des nombreuses questions en suspens, à 18 jours du premier tour des élections législatives anticipées : qui nommera Emmanuel Macron comme Premier ministre si son camp n’obtient pas la majorité des sièges à l’Assemblée nationale ? Mardi, Raquel Garrido, députée sortante de La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis, a affirmé sur Public Sénat que « le Président a le pouvoir de prendre un passant dans la rue s’il veut le faire Premier ministre ». L’insoumise n’a pas tort, mais c’est un peu plus compliqué que ça. Explications.

En théorie, il fait ce qu’il veut

En théorie, la Constitution française laisse au chef de l’État le soin de nommer qui il veut à la tête du gouvernement. Son article 8 indique seulement que « le Président de la République nomme le Premier ministre », sans préciser sur quel(s) critère(s). « C’est ce qu’on appelle en droit constitutionnel, un pouvoir qui lui est propre, le Président n’a pas besoin de l’aval d’un autre membre du gouvernement pour cette nomination », a précisé à Ouest de la France professeur de droit public à l’université de Lorraine Benjamin Fargeaud, juste avant les élections législatives de 2022.

C’est cette liberté qui a permis à Emmanuel Macron de choisir Jean Castex en 2020 et Élisabeth Borne en 2022 comme Premiers ministres. Avant leurs nominations respectives, le premier était un élu local issu des Républicains, inconnu du grand public mais chargé de coordonner la sortie progressive du premier confinement, tandis que le second était haut fonctionnaire jusqu’à son entrée au gouvernement en 2017.

En pratique, le gouvernement est responsable devant l’Assemblée

Mais si le chef de l’Etat fait plus ou moins ce qu’il veut lorsqu’il dispose de la majorité, ce n’est plus le cas dans un contexte de cohabitation. « Le gouvernement étant responsable devant l’Assemblée, le président de la République a vocation à nommer à la tête de ce gouvernement une personnalité pouvant avoir le soutien de la majorité » à la chambre basse, rappelle le site du Conseil constitutionnel.

S’il choisit une personne qui n’est pas une émanation de la majorité parlementaire, son gouvernement s’expose à une motion de censure des députés, et donc à un renversement. Le Premier ministre devrait alors démissionner… et le Président devrait en nommer un nouveau. Dans le cas présent, Emmanuel Macron ne pourrait même pas dissoudre l’Assemblée et provoquer de nouvelles élections législatives, puisque cela n’est possible qu’au bout d’un an.

On comprend que pour éviter un blocage institutionnel en cas de cohabitation, il serait contraint de nommer un Premier ministre agréé par la majorité parlementaire. Sur le site Jours, Anne Levade, professeur de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne et membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), a expliqué mardi qu’en cas d’échec du camp macroniste aux élections législatives, « c’est en principe le parti (majoritaire) qui indiquera la personne qu’il propose pour prendre la tête du nouveau gouvernement ».

Si la gauche gagne, Macron voit Mélenchon à Matignon

Ce mercredi lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a lui-même assuré qu’il choisirait le futur Premier ministre « en fonction des forces politiques et de l’équilibre de la chambre nouvellement élue ». Mais il a ensuite ajouté : « Ce ne sont jamais les partis politiques qui dictent (NDLR : le nom du chef du gouvernement) au président de la République, ce sont les équilibres qui se dessinent ».

Pour Emmanuel Macron, c’est clair : « le Rassemblement national et ses alliés ont Jordan Bardella ; la majorité présidentielle, c’est le Premier ministre (NDLR : Gabriel Attal).» Quant à la gauche, Emmanuel Macron « pense » que « c’est Jean-Luc Mélenchon » qui « porte » le projet du « Front populaire », car c’est LFI qui se présente dans le plus grand nombre de circonscriptions. Un argument qui n’est pas forcément valable, puisque lors des cohabitations précédentes, ce n’était pas toujours le chef du parti majoritaire qui était désigné chef du gouvernement. En 1993, François Mitterrand nomme Édouard Balladur et non Jacques Chirac. Ce dernier était pourtant président du RPR à l’époque, mais il avait indiqué ne pas vouloir de ce poste, brûlé par sa première cohabitation avec le président socialiste entre 1986 et 1988.

En évoquant le nom de Jean-Luc Mélenchon comme possible Premier ministre en cas de cohabitation, le Président cherche-t-il à effrayer une partie de l’électorat de gauche, le chef de l’insurrection faisant office de repoussoir pour certains ? Rappelons que, pour l’instant, les groupes qui composent le « Front populaire » ne se sont pas mis d’accord sur la personne qu’ils souhaitent envoyer à Matignon.

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