Lecornu, Bayrou, Cazeneuve… Qui pour remplacer Michel Barnier à Matignon ?
Alors que le Premier ministre attend d’être tranché sur son sort ce mercredi, plusieurs personnalités sont déjà envisagées pour lui succéder à Matignon.
Au bord du précipice, Michel Barnier n’a jamais semblé aussi proche de la chute, trois mois seulement après sa nomination à Matignon. Après l’activation de l’article 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale, le Premier ministre doit surmonter mercredi après-midi deux motions de censure, dont celle de la gauche qui devrait être votée par les troupes du Rassemblement national. Un scénario quasi inévitable qui, sauf surprise, entraînerait la démission du chef du gouvernement. Le Figaro fait le point sur les noms qui circulent pour succéder à Michel Barnier, en cas de censure.
François Bayrou, allié historique de Macron
Allié éternel du chef de l’Etat, le patron du MoDem semble plus que jamais en lice pour remporter Matignon si le fauteuil venait à se libérer. « Évidemment François Bayrou est dans cet état d’esprit mais ce n’est pas qu’une question d’homme »a reconnu ce mardi matin le patron des députés centristes, Marc Fesneau, au micro de France inter.
Dans cette équation délicate, sans majorité claire à l’Assemblée, le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) imagine trouver des soutiens sur une partie des bancs de gauche, tout en cajolant ceux du Rassemblement national (RN). « La candidature de Bayrou a l’avantage de calmer le RN, tout en rassurant la gauche », résume un observateur. Intraitable avec les positions du parti en flamme, François Bayrou entretient néanmoins une forme de respect envers Marine Le Pen, qu’il a parrainée lors de la dernière présidentielle au nom du pluralisme.
Détendu en février dans une affaire similaire à celle touchant le RN, le champion de la représentation proportionnelle a aussi jugé durement les réquisitions du parquet dans le procès des assistants parlementaires du Front national. Ces signes d’attention suffiront-ils à attirer la bonne volonté des élus nationalistes, qui tiendront une fois de plus entre leurs mains l’avenir du prochain premier ministre ?
Depuis cet été, le Haut-commissaire au Plan – dont le nom avait déjà circulé pour Matignon – plaide en tout cas pour un « un gouvernement désintéressé, pluraliste et cohérent » composé de « personnalités de caractère »comme il l’a défendu dans Le Figaro à la mi-août. Autant d’idées qu’il a sans doute développée avec l’influent secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, qu’il a reçu début novembre dans sa ville de Pau. Les deux hommes se sont même retrouvés en début de semaine dernière dans le secret du palais présidentiel.
Sébastien Lecornu, fidèle au chef de l’Etat
Il est l’un des derniers survivants de la présidence d’Emmanuel Macron. Fidèle au chef de l’État, Sébastien Lecornu a fait partie de toutes les équipes gouvernementales depuis 2017, jusqu’à accéder au prestigieux poste de ministre des Armées. Renommé par Michel Barnier, le macroniste a l’avantage d’être apprécié du « nouveau monde », tout en ayant suivi une trajectoire plus classique : des débuts comme assistant parlementaire, puis un premier mandat de maire jusqu’à prendre la tête du département de l’Eure.
Connu comme un négociateur discret, le ministre pourrait servir de lien avec les bancs de droite, dont il est issu et avec lesquels il reste en bons termes. Contrairement à Michel Barnier, à qui Marine Le Pen reproche un manque de « considération »Sébastien Lecornu entretient des relations de travail avec les troupes nationalistes qu’il veille à protéger au même titre que les autres partis. Le sénateur de l’Eure – l’un des rares sur qui le chef de l’Etat peut compter – est également élu sur des terres conquises par le parti de la flamme.
Déjà en janvier dernier, son nom circulait pour remplacer Élisabeth Borne à Matignon, avant que le choix présidentiel ne se porte sur Gabriel Attal. « Tout le monde le trouve très intelligent, mais ça ne fait pas de politique », grince un député LR, qui dresse un bilan plutôt cinglant de son action. Revitalisée, l’hypothèse Lecornu pourrait aussi tendre une partie du camp présidentiel, qui craint une orientation de l’exécutif trop favorable au RN.
Roland Lescure, le marcheur historique
Méconnu du grand public, Roland Lescure est devenu l’un des derniers marcheurs historiques les mieux placés au Parlement. Une influence qu’il entend user pour revenir à « surmonter les divisions », comme l’avait théorisé le chef de l’Etat. Un mois après la nomination de Michel Barnier, fin octobre, l’ancien ministre délégué à l’Industrie avait progressé dans Le Figaro l’idée d’un « coalition de personnes raisonnables ». « La seule manière arithmétique de gérer cette Assemblée sans avoir besoin de Marine Le Pen »» a-t-il confié, comme s’il anticipait la chute du gouvernement.
Elu à la vice-présidence de l’Assemblée nationale, il s’enorgueillit aussi d’avoir rapproché le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, jusqu’au socialiste François Hollande, en passant par François Ruffin. Un temps cité pour Matignon cet été, ce partisan de l’aile gauche du camp présidentiel est un fervent défenseur du « front républicain » qu’il entend faire vivre dans l’Hémicycle. Une ligne anti-RN qui pourrait lui coûter le poste de premier ministre.
Bernard Cazeneuve, la revanche de Matignon
Le feuilleton de l’été semblait avoir définitivement enterré l’option Cazeneuve. Préféré à Michel Barnier, l’ancien socialiste avait manqué la marche de Matignon après avoir été largué par les troupes d’Olivier Faure. Classé derrière la candidate commune du Nouveau Front populaire, Lucie Castets, le Parti Rose avait exclu un soutien inconditionnel à un gouvernement dirigé par l’ancien premier ministre de François Hollande.
La chute prévisible de Michel Barnier, qui était censé faire le pont entre la droite et le camp présidentiel, donne néanmoins une nouvelle couleur à l’hypothèse de l’ancien ministre de l’Intérieur. D’autant que le coup de Lucie Castets est tombé depuis, y compris sur les bancs socialistes. Invité ce mardi matin sur BFMTV, le patron du PS, Olivier Faure, n’a pas totalement exclu une nomination de Bernard Cazeneuve, à condition qu’il porte le « programme du Nouveau Front Populaire et le propose au Parlement ». Le chef de l’Etat, qui a reçu l’ex-socialiste en septembre dernier, semble pour l’instant regarder davantage à sa droite qu’à sa gauche.
Bruno Retailleau, de l’Intérieur à Matignon
En s’installant à Beauvau, Bruno Retailleau récupère le portefeuille le plus exposé du gouvernement. Un ministère qui lui a permis, dès le départ, d’asseoir l’omniprésence médiatique en martelant son ambition : « établir l’ordre ». Loi sur la lutte contre le trafic de drogue, un nouveau texte sur l’immigration… Une attitude ferme qui, son entourage a pu se féliciter, est allée jusqu’à déstabiliser ses adversaires du Rassemblement national.
C’est donc un profil qui, au sein d’un gouvernement plutôt transparent, se démarque. Trop, peut-être, pour Matignon ? A plusieurs reprises, le ministre de l’Intérieur n’a pas hésité à jouer avec les lignes rouges de ses (occasionnels) alliés macronistes, assumant de lancer « controverses positives » dans le débat public. Quant à ses relations avec le chef de l’Etat, son entourage assure qu’elles sont « bien »les deux parties respectant les fonctions de chacun. À Figarole premier flic de France affirmait, et continuait de réaffirmer par la suite : « Ma fidélité au chef de l’Etat est acquise. »
Xavier Bertrand, le retour en grâce
Autrefois sérieusement envisagée, la piste de Xavier Bertrand a été déconnectée à la rentrée par le veto du Rassemblement national. Marine Le Pen et les siens, qui entretiennent de très mauvaises relations avec le patron LR des Hauts-de-France, avaient alors menacé de le censurer dès sa prise de fonction à Matignon.
Dans le camp présidentiel, certains veulent encore croire aux chances de l’ancienne ministre du Travail d’avoir de l’influence dans le jeu, trois mois après. A leurs yeux, Xavier Bertrand, même détesté par le RN, pourrait conserver les bancs de droite tout en parlant à ceux de gauche. Revenu sur le devant de la scène cet été, l’intéressé s’est en tout cas montré prêt à endosser le rôle de premier ministre.
Un premier ministre technique
Une dernière carte reste sur le bureau d’Emmanuel Macron. A défaut d’options politiques, le chef de l’Etat pourrait envisager de nommer un « gouvernement technique » autour d’experts et de spécialistes. Un nouveau type d’équipe, jamais connu en France, dont le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, pourrait par exemple prendre la tête. Déjà attendu cet été pour Matignon, ce haut fonctionnaire aurait alors décliné « estimant qu’un technologue comme lui serait écrasé dans l’arène de l’Assemblée nationale, notamment face aux hurlements des insurgés »indique un proche.
Lire aussi
Karim Bouamrane (PS) : « En cas de censure, il faut nommer un gouvernement technique »
Autre profil technique, celui de Thierry Breton, ancien patron de France Télécom et d’Atos, ancien ministre français des Finances, et ancien commissaire européen chargé du Marché intérieur. Alors qu’Emmanuel Macron souhaitait le ramener à Bruxelles, il a démissionné avec fracas à la mi-septembre, affirmant qu’Ursula von der Leyen avait fait pression sur la France pour qu’elle présente un autre candidat. Pourrait-il devenir le prochain locataire de Matignon ? « Impossible avec sa fiche de salaire et la vente de ses actions Atos »estime un observateur averti du monde politique
Michel Barnier, le scénario d’un renouveau
Rien n’empêche Emmanuel Macron de renommer Michel Barnier, même évincé par l’Assemblée nationale. En 1962, Georges Pompidou, lui aussi renversé par une motion de censure, retrouve son poste de Premier ministre, quelques semaines après sa démission. La différence est que le général de Gaulle avait alors initié une dissolution dont les résultats avaient confirmé sa majorité.
L’idée fait petit à petit son chemin dans les rangs du « socle commun ». Fin novembre à Le Figarol’élue LR, Valérie Bazin-Malgras avait clairement appelé le chef de l’Etat à « ignorer » de la sentence des députés. Pourtant, même entouré d’un nouveau gouvernement, Michel Barnier risquerait d’être immédiatement renversé par une nouvelle motion de censure.
hd1