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L’école des milliardaires… Quand Vincent Bolloré, Bernard Arnault, la famille Dassault et Rodolphe Saadé s’associent pour racheter la plus ancienne école de journalisme française

Mettre la main sur les grands groupes médias ne suffit pas. Place désormais aux écoles de journalisme, dont les étudiants constituent un vivier de futurs salariés, plus facilement modelables à leur image. Les patrons de presse les plus voraces, du réactionnaire Vincent Bolloré au plus macroniste Rodolphe Saadé, en passant par la première fortune de France, Bernard Arnault, ou la famille Dassault s’associent pour prendre possession de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris.

Au total, onze repreneurs se sont manifestés : Financière Agache, le groupe de presse Bayard (la Croix, Pèlerin), Koodenvoi (Le Figaro), Spes, CMA Média (BFMTV, RMC), Stanislas et Godefroy de Bentzmann, Watchers & co, Pierre Gattaz, Financière de la Lance, TSV Immobilier et Compagnie de l’Odet (propriété de Vincent Bolloré).

Une école fondée en 1899

L’annonce s’est faite par un simple communiqué, publié dans la matinée du vendredi 15 novembre. La plus ancienne école de journalisme française – fondée en 1899 mais non reconnue par la profession – tombe ainsi aux mains de l’oligarchie financière. «  Soutenue par des éditeurs et des entrepreneurs français, l’École de journalisme de Paris pourra ainsi construire un nouveau projet »résume simplement le document.

L’école annonce vouloir passer dans une « un véritable incubateur de talents » et investir dans de nouveaux locaux en janvier 2025. La répartition des financiers suggère cependant la création d’un réservoir de journalistes dociles, qui sauront protéger les intérêts des patrons de presse libéraux ou d’extrême droite. Un projet qui n’est pas sans rappeler le cas de l’Institut Libre de Journalisme (ILDJ), mis en lumière par le monde comme terreau fertile pour les médias d’extrême droite.

L’annonce a immédiatement suscité une réaction dans le domaine médiatique. « Déjà maîtres des médias privés, nos oligarques s’emparent de la plus ancienne école de journalisme »s’est par exemple indigné Edwy Plenel, co-fondateur du site d’investigation Mediapart, sur son compte X. « L’ESJ Paris n’est pas reconnue par la profession et le « journalisme d’excellence » n’y a plus sa place depuis longtemps. Demandez aux étudiants et aux professionnels qui y sont allés. D’un autre côté, l’objectif politique d’une telle approche est clair. »de son côté a réagi Nassira El Moaddem, journaliste au média spécialisé dans la critique médiatique, Arrêt sur images. Le journaliste a également été victime d’une vague de harcèlement alimentée par le groupe Bolloré en mai dernier.

« Un vieux fantasme patronal »

Autre point inquiétant : la nomination de Vianney d’Alançon comme président de l’établissement. L’entrepreneur lyonnais, qui n’hésite pas à afficher ses convictions catholiques, est à l’origine de l’ouverture du Rocher Mistral, un parc à thème promouvant la « culture provençale ». Surtout, comme le révélait le média d’investigation marseillais Marsactu en 2020, le projet de Vianney d’Alançon s’apparente idéologiquement et structurellement… à ce que Philippe de Villiers – soutien déclaré d’Éric Zemmour – a réalisé avec le Puy-du-Fou, en Vendée. .

«C’est un vieux fantasme des employeursrésume au téléphone Jean-Marie Charon, un sociologue qui a beaucoup travaillé sur l’entrée des jeunes journalistes sur le marché du travail. Ces groupes cherchent à créer des formations sur mesure. Après, leur communiqué est constitué de grandes généralités, il faudra donc voir en détail comment la situation évolue. »

L’ancien professeur au Centre de formation des journalistes (CFJ) dans les années 1990 a notamment interviewé un ancien élève de l’ESJ Paris pour son livre Jeunes journalistes : le temps du doute (Éditions Entremises, paru le 2 novembre 2023). Il signale un fonctionnement qui peut être instable : « Elle venait d’un milieu défavorisé, avec un prêt étudiant. Ils ont combiné un système pour qu’elle « encadre » les premières années parallèlement à ses études, afin de financer son cursus. » Le rachat d’ESJ Paris apparaît ainsi comme une acquisition stratégique, destinée à pérenniser le contrôle des milliardaires sur les médias français.

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Cammile Bussière

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