Philippe Charlier, 47 ans, dirige le laboratoire d’Anthropologie, Archéologie, Biologie (LAAB), spécialisé dans les domaines de l’anthropologie médico-légale, à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines/Paris-Saclay. Il est le commissaire principal de l’exposition « Zombis. La mort n’est pas une fin ? », au Musée du quai Branly-Jacques-Chirac, qui propose le triple regard de la médecine, de l’archéologie et de l’anthropologie de terrain sur l’histoire et la pratique de la zombification en Haïti.
Cette exposition montre que les zombies, qui ont inspiré tant de films et de livres, existent réellement. A quand remonte ce phénomène ?
La toute première occurrence du mot zombi date de 1687, dans le livre français Le zombie du Grand Péroumais la personne décrite comme telle dans ce livre n’est en réalité qu’un sorcier. Il s’agit d’un événement sémantique, mais pas d’un événement véritablement anthropologique de la figure du zombie telle que nous en parlons dans cette exposition. Tout porte à penser que, dès le XIXème siècle, c’est-à-dire à l’époque de l’émancipation des premiers esclaves, ceux que l’on appelle les esclaves marrons, il y avait déjà des zombies, mais nous sommes prudents, car nous ne le faisons pas. ont des témoignages écrits. Les cas les plus anciens pour lesquels nous disposons de témoignages datent des années 1920-1930. La romancière et anthropologue américaine Zora Neale Hurston, tout comme l’écrivain et explorateur William Seabrook, les ont vus en Haïti, les ont décrits et analysés.
Ce phénomène est spécifique à Haïti qui se trouve au carrefour de plusieurs influences…
Oui, le zombie apparaît à la convergence de trois choses : les religions de l’Afrique subsaharienne, l’esclavage transatlantique et les traditions et savoirs locaux que les Taïnos, les Arawaks et les Caraïbes, qui étaient là avant l’arrivée des Européens, auraient transmis à Les esclaves marrons, échappaient donc à l’influence des Occidentaux, notamment aux secrets des poisons et des plantes.
Qu’est-ce que la zombification exactement ?
Au sens strict du terme anthropologique, c’est l’acte de juger un individu parce qu’il fait le mal au sein de la société haïtienne. La principale cause de la zombification est la vente de terres qui ne nous appartiennent pas. Face à un vol, on peut soit convoquer un individu devant un tribunal traditionnel, ce qui prendra beaucoup de temps, sans garantie de succès, soit se tourner vers une justice parallèle, en faisant appel à une société secrète spécialisée dans la justice, les bizangos. Sept fois de suite, la personne sera traînée la nuit en rase campagne, dans la forêt ou dans un temple, et on lui demandera de s’expliquer, entourée de fétiches. Et si, sept fois de suite, elle ne parvient pas à prouver son innocence, elle sera condamnée à « un châtiment pire que la mort ».
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