Le zombie champignon de Last of Us peut-il guérir le cancer ?
Avec la sortie de la série The Last of Us l’année dernière, de nombreux téléspectateurs ont appris à connaître le Cordycepsces champignons capables de transformer différentes espèces d’insectes en véritables « zombies » tout au long de leur cycle de reproduction. Ce que l’on sait moins, cependant, c’est qu’ils pourraient aussi être la clé d’un nouvelle méthode très prometteuse dans la lutte contre le cancer.
Cet axe de recherche a été exploré en 2021 par une étude portant sur la cordycépineun composé chimique produit par certains champignons de la famille Cordyceps pour faciliter l’infection d’un hôte et modifier son comportement. Dans leur article sur les effets de cette substance, les auteurs anglais expliquaient notamment qu’elle présentait un certain potentiel comme traitement contre le cancer, sans toutefois pousser cet angle précis jusqu’au bout.
Cette information n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, car il se trouve qu’une autre équipe de chercheurs anglais affiliés à l’université de Nottingham s’intéressait depuis plusieurs années déjà au potentiel médical de la cordycépine. Ces chercheurs ont donc décidé de reprendre le flambeau en s’appuyant sur de nouvelles techniques devenues populaires depuis peu dans les laboratoires. Grâce à eux, il est désormais beaucoup plus facile d’étudier simultanément l’expression des gènes et les voies de communication cellulaire d’un très grand nombre de cellules. L’équipe a donc décidé de s’appuyer sur lui pour étudier précisément les interactions entre la cordycépine et les cellules cancéreuses.
« Il est devenu plus facile et moins coûteux de réaliser ces expériences à grande échelle, ce qui nous permet d’examiner des milliers de gènes en même temps. », explique Cornelia de Moor, biologiste et co-auteur de l’étude.
Un conflit avec les cellules cancéreuses
Les auteurs ont commencé par cultiver des cellules cancéreuses humaines en laboratoire avant de les mettre en contact avec cette fameuse cordycépine. Grâce aux nouvelles techniques évoquées ci-dessus, ils ont pu suivre avec précision et en temps réel l’évolution des différents processus métaboliques affectés par la molécule fongique.
Ils ont observé que peu de temps après son introduction, la cordycépine était transformée en un autre composé, appelé triphosphate de cordycépine. C’est une molécule qui, structurellement parlant, ressemble beaucoup à l’adénosine triphosphate, ou ATP. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est parce qu’il s’agit de l’un des composés les plus importants de toute la biologie connue ; c’est la molécule fondamentale qui sert de source d’énergie dans d’innombrables fonctions métaboliques.
Mais cette ressemblance est loin d’être anodine. Cela permet à la cordycépine triphosphate d’interférer directement avec certaines de ces fonctions métaboliques. Elle influence notamment la synthèse et l’exportation des ARN messagers, ces molécules chargées de transmettre les informations codées dans le génome pour permettre la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de l’organisme.
Plus précisément, les chercheurs ont observé que ce composé avait tendance à bloquer deux voies de signalisation importantes. Dans la nature, cela aide les champignons Cordyceps a » zombifier » leurs victimes. Mais ce mécanisme présente un autre intérêt dans la lutte contre le cancer. En fait, il s’avère que ces deux voies de signalisation sont souvent perturbées par les cellules cancéreusesce qui permet aux tumeurs de se propager. En les bloquant, la cordycépine pourrait donc inhiber la prolifération des cellules tumorales.
Vers de nouveaux traitements prometteurs
À l’heure actuelle, les chercheurs ne parviennent pas encore à identifier précisément quelles molécules sont ciblées par le triphosphate de cordycépine. En revanche, ils ont constaté qu’il faisait son travail très rapidement ; en quelques minutes seulement, ils ont déjà mesuré une différence significative dans la concentration de certains marqueurs métaboliques associés aux cellules cancéreuses.
Certes, de nombreuses autres études seront nécessaires pour comprendre précisément comment cette molécule agit dans l’organisme. Mais ces résultats montrent clairement que la cordycépine pourrait servir de base à la conception de nouveaux traitements contre cette terrible maladie.
Son potentiel médical est particulièrement intéressant, car en théorie, cette approche pourrait présenter des avantages majeurs par rapport aux traitements traditionnels, comme la chimiothérapie ou la radiothérapie. En effet, malgré leur efficacité, ces dernières présentent également l’inconvénient de provoquer des dommages collatéraux importants sur les cellules saines, ce qui se traduit par des effets secondaires très graves. Cependant, puisqu’il cible très précisément les voies métaboliques évoquées ci-dessus, un traitement à base de cordycépine pourrait permettre de limiter la propagation du cancer avec un minimum de conséquences néfastes.
» Nous étudions les effets de la cordycépine sur diverses maladies depuis plusieurs années et, à chaque étape, nous nous rapprochons de la manière dont elle pourrait être utilisée comme traitement efficace. Nos données confirment qu’il s’agit d’un bon point de départ pour de nouveaux médicaments contre le cancer », résume de Moor.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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