Le tueur en série François Vérove, décédé il y a trois ans au Grau-du-Roi, avait passé 35 ans sous les radars
Les nouvelles les plus importantes de la journée

Le tueur en série François Vérove, décédé il y a trois ans au Grau-du-Roi, avait passé 35 ans sous les radars

Le tueur en série François Vérove, décédé il y a trois ans au Grau-du-Roi, avait passé 35 ans sous les radars

L’Héraultais François Vérove, violeur et meurtrier, s’est suicidé il y a trois ans jour pour jour, conscient qu’il allait être trahi par son ADN. Jusque-là, il avait trompé tout le monde, y compris sa famille.

Une lettre, adressée à son épouse le 27 septembre 2021, retrouvée à côté de son corps sans vie après une overdose de drogue. « Je t’aime plus que tout au monde et je déteste ce criminel que j’étais. »

Il dit ne pas vouloir imposer à elle et à leurs deux enfants le « conséquences« d’un »procès« . François Vérove, 59 ans, a été découvert deux jours plus tard, le 29 septembre, il y a trois ans jour pour jour. Il s’est suicidé en terrain neutre : un appartement en location au Grau-du-Roi, à quelques encablures de sa maison à La Grande-Motte où il s’était installé avec sa famille quelques mois plus tôt, après avoir vécu à Prades-le-Lez où il fut éphémère conseiller municipal.

Lors d’une des réunions municipales, téléphone portable à la main.
PATRICK IDELMAN

L’étau s’est refermé sur lui. François Vérove est le Grêlé et il est le seul à le savoir. C’est le surnom que lui donnent les médias et les enquêteurs depuis les années 1980, en raison de croquis montrant des cicatrices de boutons sur son visage.

Une nouvelle juge d’instruction, Nathalie Turquey, a été désignée pour ce dossier en 2014. Sept ans plus tard, elle décide de se lancer dans ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a jugé utile de faire : des prélèvements ADN sur 750 gendarmes en service en région parisienne entre 1986 et 1992. Des témoins ont parlé d’un homme se présentant comme un policier, mais les enquêteurs étaient convaincus que l’agresseur se faisait simplement passer pour l’un des leurs.

Il a commis au moins quatre meurtres et est soupçonné d’une trentaine d’agressions sexuelles en région parisienne. Il est passé sous les radars pendant… 35 ans !

La photo du jeune soldat de gendarmerie François Vérove.

Il couvre ses victimes pour échapper à leur regard

1986. Des îlots à Paris et sa banlieue. Des adolescentes attaquées ou des tentatives avortées. Emplacements pour coincer une cage d’ascenseur avec un paquet de cigarettes. Des caves pour commettre ses crimes, dans lesquelles il a préalablement installé du carton ou de la moquette. Des nœuds coulants. Et un homme qui se dit policier, mais qui montre néanmoins une carte de gendarmerie.

Il couvre ses victimes, comme pour effacer son crime, pour échapper à leur regard. C’est ce que fera François Vérove 35 ans plus tard : se suicider pour ne pas affronter la honte et les regards, ceux des siens, ceux des victimes d’attentats, ceux des familles. « La justice m’a rattrapé« , explique-t-il dans sa lettre.

S’il est « impardonnable« , dit-il, peut-être est-il en partie excusable, plaide-t-il en substance.

« Instinct de mort »

Un père violent lorsqu’il était enfant, un petit débarras en guise de chambre pour laisser la sienne à ses deux demi-sœurs, on comprendra. Là « délivrance« et le »guérison« serait sorti de la psychothérapie en 1997 », écrit François Vérove dans sa lettre d’adieu. « Cela a brisé cet instinct de mort, car en tuant des innocents, c’était ma propre souffrance d’enfance que je voulais inconsciemment détruire. »

Devons-nous le croire sur parole ? Et si oui, que s’est-il passé jusqu’en 1997 ?

François Vérove emportait avec lui ses secrets les plus sordides.
RD

La dernière trace ADN retrouvée date de 1994. Il est reparti avec ses secrets, effaçant des fichiers sur son ordinateur. Il demande également, dans sa lettre, à ne pas être réanimé. Une dernière peur de devoir finalement répondre de ses actes.

« Bisous, au revoir chérie » en partant

Celui qui cachait sa peau abîmée derrière une barbe courte ne se cachait pas seulement. Il enfouissait de lourds secrets derrière une apparente froideur.

Les tortures physiques qu’il lui inflige faisaient écho aux tortures psychiatriques et aux démons qui l’ébranlaient. De victime, il était devenu bourreau.

Le 24 septembre 2021, le téléphone sonne. Sa femme décroche. La police judiciaire de Montpellier souhaite réaliser un prélèvement ADN. Son mari rappelle immédiatement. Il prend rendez-vous pour le 29 septembre à 17 heures. Confirme à son épouse qu’il s’agit d’un « vieille affaire« . Pas plus contrarié que ça, apparemment.

Devant le juge d’instruction, Stéphanie dira qu’elle n’a rien vu venir, n’a rien ressenti. Elle parlera d’un mari et père aimant qui l’a quittée lundi 27 septembre avec un « Bisous, au revoir chérie« , sous prétexte de partir s’occuper d’une location.

Luc Bloch, le frère de Cécile, dénonce « 35 ans d’errance judiciaire ».
IMAGISSIME

Vérove aura eu le temps d’effacer les traces. « Ils ont vraiment tout raté.« , insiste Luc Bloch, le frère de Cécile, première victime tuée par la Grêle. Il a également décidé d’attaquer l’Etat pour faute lourde.

Ceci dit, difficile de ne pas s’exposer à des critiques : si François Vérove, comme 750 autres agents des forces de l’ordre, avait été arrêté sans lui dire qu’il s’agissait d’un prélèvement ADN, il aurait quand même fallu le libérer, comme les autres, pour le moment de l’analyse. Mais cinq jours entre le coup de téléphone et la date de la convocation, ça laissait en tout cas le temps de s’organiser.

« Le Grêlé est comme un abîme, tous ceux qui s’y penchent sont perdus. »résume le psychiatre Daniel Zagury. La justice et la police se sont égarées. Et Vérove lui-même, se sentant pris, encerclé, ensevelit ses crimes sous le poids du silence. Un suicide pour effacer ses traces. Pour ne pas être vu, découvert. Couvrir à la fois ses victimes et ses crimes. Ne laissez qu’une seule lettre. Et tant de points. Autant de points d’interrogation.

Cécile Bloch et son chien Truffle, un mois avant son assassinat.
RD

Irmgard Müller, ligotée, crucifiée, gorge tranchée

Cécile Bloch avait onze ans. Elle a été violée et étranglée le 5 mai 1986 dans une cave du 19e arrondissement de Paris. Il s’agit du premier meurtre connu.

Son frère, Luc, parle de «35 ans d’errance judiciaire« et regrette de ne pas en avoir fait »essais » plus tôt sur la police. Son père, Jean-Pierre, est décédé en 2011.

L’identification médico-légale dans les années 90 n’est plus ce qu’elle est aujourd’hui. Les enquêteurs se défendent : ils n’avaient qu’un seul groupe sanguin.

Ce n’est qu’en 1996 qu’un véritable profil génétique du Grêlé a été identifié. Mais il faudra plus de vingt ans supplémentaires, et l’initiative du juge Turquey, pour que Vérove soit retrouvée.

« À l’époque, nous n’aurions jamais pu réaliser« , assure un enquêteur dans la série documentaire Insoupçonné. « Nous avons raté« , reconnaît encore un autre.

Le 29 avril 1987, Irmgard Müller, une jeune fille au pair allemande de 20 ans, dont Vérove aurait été l’amante, est torturée et tuée, en compagnie de son employeur, Gilles Politi. La scène terrifiante a été rapportée par l’inspecteur Alain Vasquez au journal Les jours.

L’article, intitulé «Les torturés du Marais”décrit Irmgard Müller en culotte, « suspendue par les bras aux montants du lit superposé », les jambes écartées. Elle est ligotée, bâillonnée, « crucifiée ».

Ses cheveux longs et « sa tête penchée vers l’avant » cacher sa gorge. C’est, lit-on, « enserrée par la ceinture de son peignoir et tranchée par un couteau de cuisine« . A proximité, Gilles Politi, 38 ans, entièrement nu, a les bras et les jambes attachés derrière le dos. Un tisonnier de cheminée sert de garrot pour étrangler l’homme allongé sur le ventre.

Marianne, 14 ans, a été violée la même année. Karine Leroy, tuée en 1994 à 19 ans, pourrait être une de ses victimes… La même année que le viol d’Audrey, 11 ans, qui serait sa dernière victime connue. Il l’a arrêtée, l’a menottée et traînée jusqu’à une usine abandonnée. Avant de finalement la laisser vivante.

Elle a témoigné dans l’émission Excellents rapportssur TF1, trente ans après. « J’ai dû détruire, salir, tuer »reconnaît François Vérove dans la lettre qu’il a laissée.

Mais si l’ex-policier a écrit à son épouse, il n’a pas laissé de lettre aux victimes et à leurs familles. Comme si, tout en se repentant de ses fautes qu’il disait être, de ses abominations, leur sort et le souci de la vérité n’importaient pas assez.

Quitter la version mobile