Le « Trump Trade » est moins populaire en bourse maintenant que le retrait de Joe Biden rend la victoire de l’ancien président moins certaine
Depuis près de deux mois, le lundi boursier est devenu la caisse de résonance des résultats et rebondissements politiques du week-end. Après les élections européennes, puis le coup de théâtre en France, ce sont désormais les élections présidentielles de novembre aux Etats-Unis, incroyables à plus d’un titre, qui focalisent l’attention des investisseurs. Cette année, la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes, avec des élections à enjeux élevés. La montée des populismes, le discours protectionniste et le repli sur soi ont évidemment des répercussions épidermiques sur le monde financiarisé. Au premier semestre, « La détérioration des relations géopolitiques et la montée de l’extrême droite ont animé les marchés »Erik Nielsen, conseiller économique d’Unicredit, a récemment résumé la situation. Les prix des valeurs refuges par excellence, l’or et le dollar, ont grimpé en flèche, au point que l’once a atteint de nouveaux records la semaine dernière, à près de 2 500 dollars. En bourse, celles qui attirent l’attention depuis des mois sont celles des entreprises opérant dans des secteurs touchés par la nouvelle guerre froide, à savoir l’intelligence artificielle et, en particulier, les concepteurs et fabricants de puces électroniques.
Aujourd’hui, c’est la décision de Joe Biden de se retirer de la course à l’élection américaine qui a mené la tendance boursière, de même que la décision de la Banque populaire de Chine d’abaisser de manière inattendue le taux de repo à sept jours pour la première fois depuis près d’un an, de 1,8% à 1,7%. Cette nouvelle mesure de Pékin pour relancer l’économie chinoise a permis aux valeurs du luxe de rebondir sur le CAC 40. LVMH – qui publiera demain ses comptes du deuxième trimestre – a ainsi signé l’une des meilleures performances de l’indice phare parisien avec une hausse de 1,81%, tandis qu’Hermès progressait de plus de 1%. Les banques commerciales chinoises ont également abaissé les taux préférentiels sur les prêts à un et cinq ans de 10 points de base chacun, à respectivement 3,35% et 3,85%, « ce qui les a ramenés à des niveaux historiquement bas »note le stratège Jim Reid de Deutsche Bank. Il reste dubitatif sur ces baisses de taux qui, au vu de la sous-performance des marchés asiatiques (-0,68% pour le CSI 300 à Shanghai, -1,14% pour le Kospi coréen, -1,16% pour le Nikkei 225 à Tokyo), « déstabilisent autant qu’ils renforcent la confiance ». Du moins, en ce qui concerne les États-Unis, « Nous n’avons plus besoin de nous poser la question de savoir si Joe Biden sera le candidat du Parti démocrate. »
L’actuel président était sous pression pour se retirer de la course à la Maison Blanche depuis son désastreux débat télévisé face à Donald Trump fin juin. Joe Biden, dont l’âge (81 ans) et les facultés mentales étaient sources d’inquiétude, a annoncé hier sur Twitter qu’il ne briguerait pas sa réélection à la tête du pays et apporté son soutien à sa vice-présidente, Kamala Harris, dans sa tentative de nomination. L’ancienne procureure générale et sénatrice a également reçu le soutien des Clinton ainsi que celui du secrétaire aux Transports Pete Buttigieg et du gouverneur de Californie Gavin Newsom, qui auraient pu être des rivaux potentiels. Sachant que la convention démocrate débutera le 19 août, dans moins d’un mois, il semble désormais plus que probable que Kamala Harris soit l’adversaire du républicain Donald Trump. De plus, les sites de paris lui donnent une nette avance dans la nomination (84 cents pour un dollar pour PredictIt, contre 7 cents pour Michelle Obama, qui ne s’est pas présentée, ou 3 cents pour Gretchen Whitmer, la gouverneure du Michigan, qui n’a pas contesté le soutien du vice-président).
Chers collègues démocrates, j’ai décidé de ne pas accepter la nomination et de concentrer toute mon énergie sur mes fonctions de président pour le reste de mon mandat. Ma toute première décision en tant que candidat du parti en 2020 a été de choisir Kamala Harris comme vice-présidente. Et cela a été la meilleure décision… pic.twitter.com/x8DnvuImJV
— Joe Biden (@JoeBiden) 21 juillet 2024
Rebond technologique, STMicro plus forte hausse du CAC 40
« Le retrait du président Biden déplace l’attention vers Kamala Harris et change la dynamique de l’élection présidentielle américaine »réagit Michael Strobaek, responsable des investissements de la banque privée suisse Lombard Odier. Son homologue chez Edmond de Rothschild AM, Michaël Nizard, explique que cette annonce « rend la victoire de Donald Trump moins certaine. » Les paris chez les bookmakers montrent en réalité un match plus serré, même si l’ex-président milliardaire conserve l’avantage (+1,7 points sur Kamala Harris contre +3 points sur Joe Biden, selon les données compilées par le média indépendant Real Clear Politics). « Cet événement constitue un renversement majeur pour le Trump Trade qui fascine les analystes de Wall Street depuis la débâcle du débat autour de Biden et encore plus depuis la tentative d’assassinat du 13 juillet. »réagit Anatole Kaletsky, co-fondateur de GaveKal Research. « Quoi que l’on pense de Kamala Harris, ses chances de gagner l’élection sont certainement plus élevées que celles de Biden. » La politique de Donald Trump, jugée inflationniste (droits de douane systématiques sur les importations américaines, baisses d’impôts pour soutenir la consommation, politique d’immigration plus dure qui renchérirait le coût du travail), a à nouveau de réelles chances d’être éventuellement rejetée dans les urnes.
Les rendements des obligations souveraines américaines se replient sur le marché secondaire de la dette. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans recule de 2 points de base, à moins de 4,22%, après avoir progressé de 6 points de base la semaine dernière malgré une probabilité de 100% d’une baisse des taux de la banque centrale américaine en septembre. Globalement, tous les actifs qui avaient profité la semaine dernière du bond des chances de victoire d’un Donald Trump miraculé sont désormais en baisse : bitcoin, memecoins, valeurs pétrolières (-1% pour Chevron notamment) et actions Smith & Wesson (-2% pour le fabricant d’armes à feu). La rotation qui s’opérait soudainement sur les marchés boursiers, de la tech vers les actions d’entreprises sous-évaluées, s’est arrêtée. Les indices S&P 500 et Nasdaq Composite recommencent à surperformer le Russell 2000 des petites capitalisations. Les valeurs de l’IA et des semi-conducteurs sont à nouveau recherchées. Les Sox à la Bourse de Philadelphie rebondissent de plus de 2% après avoir été mis sous pression la semaine dernière par la volonté américaine de Joe Biden d’intensifier la répression américaine contre la Chine dans le secteur des puces d’intelligence artificielle et le bellicisme de Donald Trump contre Taïwan, accusé d’avoir volé la production aux Américains.
A Paris, sur le CAC 40, STMicroelectronics signe la meilleure performance du jour (+2,86%). L’indice phare parisien rebondit de plus de 1% et l’indice européen Stoxx 600 reprend 0,93%. Pernod Ricard clôture sur un gain de 2%. Les vendeurs de spiritueux font partie des entreprises qui auraient le plus à perdre en cas de nouvelle présidence Trump. Le français Rémy Cointreau (+2,88%), propriétaire des marques de cognac Rémy Martin et Louis XIII, tire 45% de ses bénéfices des Etats-Unis, tout comme le groupe britannique Diageo (vodka Smirnoff, gin Gordon’s, whisky J&B, liqueur Baileys, bière Guinness). Pernod Ricard (Absolut, Beefeater, Jameson, Chivas, Ballantine’s, Martell) est exposé à environ 25%.