Les chroniqueurs juridiques du Monde racontent « huit semaines dans un « marécage » »
Mi-novembre. Le procès pour viol de Mazan sort du tunnel des interrogatoires dans lequel il était entré deux mois plus tôt.
Habituellement, c’est le moment où vous souhaitez vider vos cahiers. Pour raconter la scène oubliée. Le témoin inattendu, le rire, le dialogue pétillant, l’instant joyeux, l’évasion. Partager le souvenir de l’émotion d’une mère, le fantasme d’une réponse, la lumière d’un regard. Bref, de toutes ces choses vues qui sont la richesse d’une longue épreuve.
Dans nos cahiers remplis des audiences pour viol de Mazan, il y a : « Bite dans la bouche », « bouffer le cul », « Jacques doigté », « magnifique de près et derrière », « bien rempli », « ça rentre tout seul », « bien cherché et bien baisé », « battu dans le dos 2 », « 3e sodo », « gicle sur le cul »C’est le titre des vidéos enregistrées par Dominique Pelicot, que le président du tribunal correctionnel, Roger Arata, a fini par cesser de prononcer au lancement de leur diffusion. Qu’est-ce qu’on fait avec ça ?
Huit semaines dans le « marais » du procès pour viol de Mazan : les chroniqueurs judiciaires du « Monde » racontent
Par Pascale Robert-Diard, Henri Seckel
Lecture : 12 mn.
Cela fait une cinquantaine d’accusés dans une petite salle d’audience. Ce mardi 19 novembre, dernier jour des débats avant les plaidoiries et l’acte d’accusation, plus de dérogations, tout le monde est de nouveau convoqué. Des Blancs, une majorité de Blancs, des Maghrébins, trois noirs. Des grands, des maigres, des moyens, des chétifs, des ventrus, beaucoup de ventrus, quelques obèses. Des taches chauves, beaucoup de taches chauves. Queues de cheval, très présente la queue de cheval, maladive ou luxuriante. Certaines barbes bien entretenues, d’autres non. Crânes rasés, cheveux blancs, grisonnants, huilés, teints en noir, avec des houppes colorées. Piercings, tatouages. Deux paires de béquilles, une paire de baskets. Et à la barre, un dernier accusé.