A À l’instar de la taxe carbone sur l’essence avant le mouvement des « gilets jaunes », la voiture électrique semble faire l’objet d’un consensus parmi les politiques et les experts. Risque-t-elle de connaître le même sort ?
S’il est plébiscité, bien sûr, par le monde automobile, qui voit grâce à lui un avenir écologique pour des véhicules responsables de la moitié des émissions de CO2 transport, il est également soutenu réglementairement (interdiction de vente de voitures thermiques en 2035, zones à faibles émissions) et financier (primes aux consommateurs, aides aux constructeurs, délocalisations) par les politiques nationales et européennes, tandis que les experts intergouvernementaux du Groupe sur le changement climatique sont miser sur l’électrification pour lutter contre le réchauffement climatique.
Devons-nous nous en réjouir ? Certes, le bilan carbone de la voiture électrique est meilleur que celui de la voiture thermique… et elle fait moins de bruit, ce qui n’est pas rien ! Or, on sait que l’empreinte environnementale de la production et de la destruction de la voiture électrique est moins bonne que celle de la voiture thermique, surtout si elle est fabriquée et transportée avec de l’énergie carbonée. On sait aussi qu’avec l’usage l’avantage diminue avec son poids et son encombrement, qui ont malheureusement tendance à augmenter. Pas de chance, ce sont les gros modèles, plus rentables, qui ont la préférence des constructeurs français, nous rendant dépendants de pays comme la Chine pour les petites cylindrées. Dommage aussi, plus la batterie est petite, plus sa recyclabilité est faible, et moins la voiture est réparable. Sans compter la persistance de fines particules dues à l’abrasion des pneumatiques, qui s’agrandissent également.
Pire, si la comparaison donne l’avantage à la voiture électrique idéale (petite, réparable, recyclable), elle évite la question de la taille du parc en circulation en 2050, date limite pour atteindre la neutralité carbone. Car il justifie implicitement le renouvellement complet du parc existant et, par conséquent, la pérennisation du « système automobile », un modèle occidental problématique et inaccessible au reste de la planète.
Le paradoxe de la mobilité
Pour atteindre notre niveau d’équipement (plus de 80 % des foyers), il faudrait passer de 1,5 milliard à 4 milliards de véhicules en circulation dans le monde. A ce niveau, et sans même évoquer les impacts environnementaux de leur extraction, on sent que les matériaux vont manquer (lithium et cuivre sûrement, nickel, manganèse et cobalt peut-être). Avons-nous la capacité d’approvisionner une flotte aussi mondiale ? A défaut, pourquoi souhaiterions-nous que l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique abandonnent les énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique, alors que nous envisageons de leur vendre nos vieux véhicules thermiques ?
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