Il s’appelle d’Artagnan et il est unique en France. Il s’agit d’un projet de pipeline visant à transporter du CO2 sur environ 80 kilomètres jusqu’à Dunkerque, pour ensuite le transporter au large des côtes norvégiennes, par bateau, sous forme liquéfiée. Le gaz serait ensuite enfoui sous la mer du Nord. Son concepteur, le groupe français Air Liquide, a annoncé mardi 18 juin avoir reçu le soutien financier de l’Union européenne. La subvention atteindrait 160 millions d’euros pour un projet évalué à 400 millions d’euros.
Deux sites industriels sont déjà intéressés
Dans un premier temps, le terminal serait capable de recevoir 1,5 million de tonnes de CO2 par an, mais sa capacité pourrait être portée à 4 millions de tonnes, soit l’équivalent de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre. l’industrie des serres en France, argumente Air Liquide, qui s’est associé à Fluxys, le gestionnaire du transport de gaz en Belgique. Le groupe réalise également d’autres projets, comme Porthos aux Pays-Bas, l’un des plus grands d’Europe, et Kairos en Belgique.
Pour l’instant, le gazoduc ne relierait que deux sites situés dans le Pas-de-Calais, ceux du cimentier Equiom, situé à Lumbres, et du fabricant de chaux Lhoist, à Réty. Leurs procédés de fabrication conduisent forcément à produire beaucoup de CO2 et les solutions de décarbonation passent largement par le captage.
Des sites de stockage pourraient être créés en France
Selon les prévisions du gouvernement, entre 4 et 8,5 millions de tonnes de CO2 pourraient ainsi être valorisées en France d’ici 2030 et jusqu’à 20 millions d’ici 2050. En janvier, un accord diplomatique a été signé avec la Norvège, pour permettre l’exportation de CO2, qui est très réglementé. En mars, un partenariat similaire a été conclu avec le Danemark.
Au printemps, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, avait également annoncé son intention de procéder à des tests sur « quatre ou cinq projets de stockage de CO2 » en France. Il serait implanté en région parisienne et dans le bassin aquitain, dans d’anciennes concessions d’hydrocarbures.
La dissolution de l’Assemblée et la formation d’un nouveau gouvernement risquent évidemment de bouleverser le calendrier, mais le sujet demeure. Elle est également fortement poussée par la Commission européenne, qui y voit un moyen essentiel pour accélérer la décarbonation de l’industrie, alors qu’il n’existe pas d’autres solutions. Pour l’instant, l’équation économique reste à trouver. En tout état de cause, elle ne peut fonctionner sans un mécanisme de soutien sur lequel travaillent les pouvoirs publics. En l’état actuel de la technologie, le procédé de captage est estimé à environ 200 € la tonne, alors que le prix du CO2 sur le marché est aujourd’hui d’environ 60 € la tonne, après avoir grimpé jusqu’à 100 € en 2022 et 2023.
Un gazoduc de mille kilomètres pourrait être construit depuis Dunkerque
Malgré les incertitudes, les constructeurs continuent d’avancer dans leurs projets. GRTgaz et l’énergéticien norvégien Equinor ont signé lundi 17 juin un accord pour le développement d’un projet de transport et de stockage géologique de CO2 entre Dunkerque et les côtes norvégiennes.
Le gestionnaire du réseau français de transport de gaz construirait un gazoduc terrestre de 30 km dans le port. Il collecterait le CO2 de nombreuses industries voisines, puis le compresserait avant d’être expédié par un pipeline de mille kilomètres, construit par Equinor, dans des cavités sous-marines.
Les deux sociétés n’en sont pour l’instant qu’au lancement des phases d’études et à la recherche d’opportunités commerciales. Mais les clients sont potentiellement nombreux. Le bassin de Dunkerque représente à lui seul 20 % des émissions industrielles de CO2 en France.