L’heure du jugement, après des mois de procédure et de grève. Les président et directeur de la Halte Saint-Jean, communauté Emmaüs de Saint-André-lez-Lille (Nord), Pierre Duponchel et Anne Saingier, ont été entendus jeudi 13 juin au tribunal correctionnel de Lille pour des faits de travail dissimulé aggravé, et de délits moraux. harcèlement pour le directeur, également président de la communauté de Nieppe. Du côté des parties civiles : 29 camarades grévistes de Saint-André et Nieppe (Nord), deux anciens salariés de la Halte-Saint-Jean, et de l’Urssaf du Nord.
Pour savoir s’il y avait ou non du travail caché, la question au cœur de cette audience qui a duré plus de dix heures est la suivante : les compagnons de ces communautés travaillaient-ils réellement ? Dans quelles conditions, pour quelle rémunération et sous quel contrôle ?
Le statut des compagnons au cœur des débats
Au cœur des débats, le statut OACAS (organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires), « un statut à mi-chemin entre bénévolat et emploi pour sortir les compagnons du vide juridiquerecontextualise le président du tribunal, Xavier Charlet, et qui ne prévoit pas de lien de subordination contrairement au salariat, puisque les personnes au sein des communautés Emmaüs sont des bénévoles ». Un statut auquel n’adhèrent pas ces communautés du nord, ce qui les met, selon le président, dans « une situation inextricable » aux yeux de l’État – et aussi d’Emmaüs France, en les marginalisant.
« Il n’y a pas de travail caché, on organise la vie associative pour pouvoir accueillir des gens qui n’ont rien »défend le réalisateur. « Mon surnom c’est Bidouille », poursuit celle dont les explications sur sa façon de gérer la Halte-Saint-Jean, fermée depuis bientôt un an, peinent à convaincre le tribunal. Me Mehdi Bouzaïda, avocat des compagnons, souligne par exemple le fait qu’à la Halte-Saint-Jean, nous étions parfois bénévoles pendant des mois avant de devenir compagnons, au mérite. « Il existe une grande incertitude quant au statut de chaquenote le président, on les appelle tantôt « compagnon », tantôt « bénévole »… »
Pour échapper à l’Urssaf, l’allocation communautaire a été versée par le fonds de secours du Père Léon, une association propre aux collectivités du Nord. Vindicatif, repris à plusieurs reprises par le président, Pierre Duponchel tente d’expliquer sa position, refusant de payer les charges sociales pour l’accueil des accompagnants, notamment sans papiers, « un public complètement abandonné par l’Etat ».
Des conditions de travail douteuses
« Ce qui ressort des auditionsnote le président, c’est parce que nous avons une bonne relation de travail », mais que la contrepartie versée est insuffisante. Et les conditions de travail discutables : au bar, les compagnons de Saint-André et Nieppe se relayent pour discuter « un rythme infernal »manque de congés, gestion brutale… « MS. Saingier ne disait bonjour que si on faisait des ventesdéclare Ibrahima Yattara, rappelant que comme d’autres il espérait être régularisé au bout de trois ans. Nous nous sentions humiliés, exploités, elle nous faisait beaucoup de mal. Être ici est notre moment. »
Tout le monde mentionne » Le rendement « , « les chiffres à atteindre » afin d’être en équilibre, voire d’obtenir une allocation accrue. « Je voulais qu’ils travaillent pour gagner plus » indique Kévin Capelier, ancien employé de la Halte Saint-Jean, qui accuse son ancien directeur de harcèlement moral. « Anne Saingier est devenue tyrannique avec les années et la fatigue, après le covid »témoigne son ancienne adjointe Stéphanie Creton, qui a fini par s’effondrer après avoir subi des insultes.
Un troisième responsable s’est également présenté, Alexis Kotowski, ancien responsable de la communauté de Nieppe, dont Anne Saingier était présidente : « Ça fait mal d’entendre des compagnons parler comme ça, j’entendais des commentaires formatés que je n’entendais pas lorsque nous étions ensemble. Et je regrette que personne, de la CGT ou d’ailleurs, ne soit jamais venu remettre en cause les compagnons non grévistes. »
A l’issue de l’audience, le procureur a requis un an d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende pour Pierre Duponchel, deux ans d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende pour Anne Saingier et six mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d’amende. contre le directeur de Nieppe. Le procureur a également requis l’interdiction pour tous trois d’exercer toute activité liée à l’économie sociale et solidaire pendant cinq ans. Le jugement a été réservé jusqu’au 5 juillet.